Enfin… pourrait-on dire ?
L’annonce avait été éventée le matin même de la visite par un tweet du média public éthiopien, Fana Broadcasting. Il indiquait que les trois ministres des affaires étrangères d’Éthiopie, Somalie et d’Érythrée s’étaient rendus à Djibouti pour aider à la résolution du différend opposant l’Érythrée et Djibouti. Les tensions entre les deux pays étaient apparues dès le conflit entre l’Éthiopie et l’Érythrée, en 1998. L’Érythrée estimait qu’en acceptant de faire transiter de l’armement militaire pour l’Éthiopie, Djibouti prenait d’une certaine manière cause pour son adversaire. Puis la situation a considérablement empiré au fil des ans, jusqu’au paroxysme en 2007 avec la militarisation de la frontière par l’Érythrée. Un conflit armé a même opposé les deux pays en 2008, causant de nombreux mort des deux côtés. Depuis, c’est le statu quo, les deux armées se regardent en chiens de faïence le long de la frontière.
Qu’est ce qui a permis de faire avancer le dialogue entre les deux pays alors que les responsables politiques restaient jusqu’à lors sur leur posture ?
Le refus du Conseil de sécurité de lever les sanctions onusiennes lors de l’examen de la question, le 30 juillet 2018, a sans doute été déterminant pour amener les deux parties à s’ouvrir aux pourparlers. Le soutien apporté par les représentants de la Somalie et de l’Éthiopie à New York, en faveur de la motion favorable à la fin des sanctions contre l’Érythrée, a provoqué une forte tension diplomatique entre les trois capitales, pourtant alliées. Djibouti n’a pas manqué de faire savoir son mécontentement, notamment en dépêchant son ministre des Affaires étrangères à Addis Abeba et en publiant un communiqué peu diplomatique à l’endroit de Mogadiscio.
Il aura fallu la visite du ministre des Affaires étrangères éthiopien, Workeneh Gebeyehu, à Djibouti le 15 août, et celle du président somalien, Mohamed Abdillahi Mohamed, le lendemain, pour faire baisser la tension. Il est apparu probablement, à ce moment là, pour tous, l’urgence de contribuer à mettre fin à la mésentente qui n’a que trop duré entre Djibouti et l’Érythrée.
Pour beaucoup à Djibouti l’annonce de la détente a été accueillie avec satisfaction. La population djiboutienne aspire réellement à pacifier ses relations et à renouer ses contacts avec son voisin érythréen.
Cette rencontre a été minutieusement préparée, elle marque une étape importante pour le rapprochement entre les deux pays. La présence des deux responsables politiques, somalien et éthiopien, laisse à penser qu’ils joueront les bons offices pour aplanir définitivement les points d’achoppement. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, présent à Pékin au même moment que les quatre chefs d’États de la Corne - Djibouti, Érythrée, Éthiopie et Somalie -, a sans doute encouragé cette initiative régionale pour la paix, au cours de négociations en marge du sommet Chine-Afrique.
Djibouti avait besoin de revenir dans la course, de sortir de son isolement et participer à la dynamique régionale. Cette rencontre a surtout permis aux deux pays d’ouvrir un canal de dialogue constructif - mais surtout direct - en vue de permettre la résolution des questions en suspens.
Du côté d’Asmara, la priorité est d’apaiser les tensions pour qu’il n’y ait plus de guerre à ses frontières, et de voir l’obstruction de Djibouti à la levée des sanctions onusiennes cesser.
Les deux pays ont décidé de rétablir leurs relations diplomatiques ! Le point d’orgue de la rencontre aura été de préparer le face-à-face entre Isaias Afeworki et Ismaïl Omar Guelleh. Après avoir été honoré par le premier pas, effectué par l’Érythrée en se rendant à Djibouti hier, jeudi 6, on peut supposer qu’Ismaïl Omar Guelleh prendra très rapidement son bâton de pèlerin pour se rendre à son tour à Asmara pour enterrer la hache de guerre avec son « vieil ami ». Les deux hommes, du même âge, se connaissent très bien et auront probablement plaisir à se retrouver pour deviser autour d’un délicieux moka Sidamo. La dynamique de paix semble irréversible : chapeau bas messieurs !
Mahdi A.