Human Village - information autrement
 
Tour d’horizon du centre Housseina
par Mouna Frumence, février 2015 (Human Village 22).
 

Nous nous sommes intéressés à un centre pas comme les autres. Il s’agit du Centre national de référence en santé de la reproduction « Housseina » (CNRSR-H) qui est spécifiquement dédié à la santé de la reproduction. Sa création traduit un engagement national pour atteindre les points, 4, 5 et 6 des objectifs du millénaire pour le développement des Nations unies relatifs à l’amélioration de la santé maternelle, infantile et le combat contre le VIH/SIDA et d’autres maladies sexuellement transmissibles. Pour concrétiser ces nobles attentes, un élan politique a été initié au plus haut niveau avec l’inauguration du centre Housseina le 14 juin 2009 par le chef de l’État. Sis à cité Hodan I, en face de la mosquée, le centre Housseina est opérationnel depuis sa création. En plus de l’apport du gouvernement, le CNRSR-Housseina a été soutenu dans sa mise en place et son fonctionnement, techniquement et financièrement par l’UNFPA.
Rencontre avec Mounira Ali Ahmed, technicienne supérieure de la santé, sage-femme de formation et directrice du centre depuis novembre 2011.

Mounira Ali Ahmed nous présente, dans un premier temps, la genèse, les missions et les domaines de compétences du centre. Il s’agit d’un établissement sanitaire doté de l’autonomie administrative et financière rattaché au ministère de la Santé et qui est spécialisé dans le domaine de la santé reproductive. Par santé reproductive, en entend le bien-être général, physique, mental et social de la personne humaine pour tout ce qui concerne l’appareil génital, sa fonction et son fonctionnement et non pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité. A ce titre, le CNRSR-H a pour but d’appuyer les efforts du ministère de la Santé dans la mise en œuvre de la politique nationale de santé de la reproduction afin de contribuer à la réduction de la morbidité et de la mortalité maternelle et infantile. Il joue ainsi un rôle de premier plan dans la promotion et la mise en œuvre du programme national de la santé reproductive.
Le centre est investi de trois missions majeures : améliorer la santé reproductive de la population, lutter contre les mutilations génitales féminines et prodiguer une formation aux prestataires de services de santé. Il faut savoir que la santé de la reproduction est une composante cruciale de la santé générale, nous précise Mme Mounira. Il est donc primordial de lui accorder une attention particulière.
En ce qui concerne les domaines de compétences du CNRSR-Housseina, il est chargé d’assurer des prestations de soins médicaux et chirurgicaux ainsi que des services d’orientation et counselling en santé de la reproduction, notamment pour les jeunes. Le centre intervient sur une large gamme variée des problèmes liés à la santé de la reproduction. Réduction de la morbidité et la mortalité maternelle et/ou infantile, dangers de la sexualité, problèmes d’infertilité, fécondité non planifiée, maladies sexuellement transmissibles, lutte contre les avortements clandestins, la ménopause, le dépistage du cancer du col de l’utérus et le du cancer du sein, etc. La liste des risques et des dangers est longue, raison pour laquelle le centre Housseina a été institué. « Notre but premier étant de sensibiliser, informer, soigner dans la mesure du possible la population », nous précise la directrice.

Afin de pouvoir mener de front ses différentes prestations, le centre est divisé en plusieurs sections : l’unité accueil et orientation, l’éducation de groupe, le planning familial, la consultation de la sage-femme, la consultation du gynécologue, le laboratoire, la radiologie, le bloc opératoire et enfin l’unité formation. Ces différentes unités sont gérées par un personnel qualifié et dynamique. Il y a un gynécologue spécialisé en santé de la reproduction, des sages-femmes formées en santé de la reproduction, des techniciens de laboratoire, des techniciens en imagerie médicale et des nombreux agents administratifs. Les tâches sont prédéterminées et chaque membre du personnel intervient dans son domaine de compétence.
En règle générale, l’accueil et l’orientation est la première section qui entre en contact avec tout nouveau ou ancien patient. Elle procède à l’ouverture d’un dossier et le patient est guidé vers la deuxième unité qui est l’éducation de groupe. Cette seconde étape se déroule dans la grande salle d’attente du centre. Plusieurs fois par jour, une sage-femme intervient pour sensibiliser et informer les nombreuses patientes sur différents thèmes (l’intérêt de l’espacement des naissances, les différentes méthodes contraceptives, comment effectuer un frottis cervical, l’auto palpation régulière des seins en vue de détecter une éventuelle anomalie, etc.). La sage-femme appuie ses explications à l’aide de mannequins. Elle projette également sur écran des sketchs et des spots de sensibilisation. Cette phase est très importante et surtout très constructive car elle donne lieu souvent à une séance de questions-réponses entre les patientes et la sage-femme. Ensuite la patiente bénéficie d’une consultation individuelle avec la sage-femme. L’entretien porte alors sur son cas spécifique et on lui fournit toutes les informations nécessaires sur le motif de consultation en en profitant toujours pour aborder le thème du planning familial, les méthodes contraceptives de longue durée et le dépistage des cancers du col de l’utérus et des seins. Puis la sage-femme pratique sur la patiente une série d’examens gynécologiques.

Au niveau du laboratoire des séries de bilans en relation avec la santé reproductive pour l’homme et la femme sont pratiqués (hématologie, bilan hormonal, examen du sperme, examen des urines, etc.)
A ce propos, la directrice nous apprend qu’il est assez rare de voir des hommes venir au centre d’eux-mêmes. Pourtant la santé de la reproduction ne se limite pas à la femme, loin s’en faut ! Parfois des couples confrontés à des problèmes d’infertilité viennent ensemble et à ce moment là, un bilan hormonal est effectué sur le mari (spermogramme) et la femme (dépistage des anomalies de la cavité utérine et des obstructions des trompes…) afin de déterminer la source du problème.
Quant à l’unité de la radiologie, elle sert à effectuer des mammographie, autrement dit le dépistage des anomalies des seins (cancer/kystes…). C’est une radiographie à faible dose de radiations qui permet de déceler les modifications des tissus mammaires avant qu’un nodule ne se développe de façon à être palpable c’est-à-dire jusqu’à deux ans avant qu’il ne soit assez important pour être palpé. La mammographie est le meilleur moyen de dépister un cancer du sein à un stade précoce où il est le plus facilement guérissable. « Je tiens à souligner que la mammographie du centre Housseina est la seule existante en République de Djibouti », insiste Mounira.

Il y a aussi le bloc opératoire qui effectue des interventions chirurgicales qui ne nécessitent pas une anesthésie générale (kyste clitoridien, nodule sur le sein, AMIU, etc.). Le centre assure également le suivi de la grossesse chez certaines femmes référées par les autres structures. Enfin, il y a l’unité formation à travers laquelle le centre participe en collaboration avec le ministère de la Santé à la formation initiale et continue (théorique et pratique) des prestataires de service et des étudiants de l’Institut supérieur des sciences de la santé (ISSS) dans le domaine de la santé reproductive.

En ce qui concerne le cancer du sein, il touche une femme sur dix dans le monde. Il reste le premier cancer dans le monde et il ne faut donc pas le prendre à la légère. En quelques mots, c’est une prolifération anormale des cellules dans la glande mammaire. Plus le dépistage se fait tôt, plus les chances de guérison sont grandes (environ 95%). L’une des missions essentielles du centre est donc de sensibiliser les femmes sur la réalité de cette maladie et sur l’importance d’un diagnostic précoce. Celui-ci peut se faire de deux façons, par la mammographie mais aussi par l’auto-examen mensuel des seins (AES). Cette méthode consiste par une inspection visuelle et une palpation des seins et des aisselles par la femme elle-même à la recherche des signes annonciateurs (sensation de nodule ou d’un épaississement du sein, à l’aisselle ou au cou, rétraction localisée de la peau ou du mamelon, inflammation persistante ou douloureuse, écoulement du mamelon, eczéma, rougeur ou autre anomalie, etc.).
Le cancer du col de l’utérus représente également un danger réel. Il est causé par des virus très répandus : les HPV (human papillomavirus) qui se transmettent lors des rapports sexuels ou par simple contact au niveau des parties génitales. Environ 80% des femmes sont confrontées à ces virus et même si le corps les élimine dans la majorité des cas, l’infection peut persister et évoluer en cancer après de nombreuses années. D’où l’intérêt d’effectuer un dépistage précoce. Celui-ci consiste à réaliser un frottis cervical, c’est-à-dire à prélever des cellules de la glaire cervicale sur le col de l’utérus, à l’aide d’une spatule ou d’une petite brosse. Le prélèvement n’est pas douloureux et ne prend que quelques instants. Tout comme le cancer du sein, il ne faut pas sous-estimer l’importance du dépistage du cancer du col de l’utérus qui, s’il est pratiqué tôt, présente un taux de guérison de 90%.

Dans les deux cas, les chiffres parlent d’eux-mêmes : un dépistage précoce offre des grandes chances de guérison. C’est pourquoi au CNRSR-Housseina, on sensibilise sur l’utilité d’un dépistage régulier. On propose un dépistage systématique du cancer du col de l’utérus tout en enseignant aux patientes l’auto-palpation des seins. Pour le cancer du sein, il est conseillé de pratiquer une mammographie à partir de 45 ans et ce, tous les deux ans et pour le cancer du col de l’utérus, à partir de 25 ans et à intervalle de trois ans. « Malheureusement, les patientes touchées par un cancer viennent souvent à un stade avancé de la maladie », se désole Mme Mounira.

Les attributions du centre Housseina sont honorables et après toute cette manne d’informations et une visite guidée, nous interrogeons la directrice sur la façon sont il s’est fait connaitre auprès du grand public. Depuis sa création, plusieurs tables ronde télévisées et radiophoniques sur la promotion des activités offertes à travers la RTD ont été organisés. Des spots publicitaires et des émissions radiophoniques relatant les différents thèmes spécifiques de la santé reproductive ont été aussi diffusés à l’attention de la population à travers la RTD et la radio scolaire pour les jeunes. Par conséquent, le centre Housseina est aujourd’hui largement connu auprès du public malgré sa création relativement récente. Les patientes viennent souvent spontanément mais sont aussi référées par les structures publiques, parapubliques ou privées.

Le centre a été baptisé « Housseina » en hommage à une ancienne sage-femme qui a remarquablement contribué à l’amélioration de la santé des femmes djiboutiennes et qui a participé à l’encadrement sur le terrain des anciennes sages-femmes dont Mme Mounira fait partie. Que Dieu ait son âme !
« Je tiens à rappeler que Housseina est un centre conçu pour contribuer à l’amélioration de la santé reproductive de la population (adultes/jeunes/ femmes/hommes….). Il faut que les femmes en âge de reproduction ou même ménopausées, les hommes, les jeunes fréquentent ce centre, non seulement parce qu’ils ont un problème de santé mais même s’ils ont besoin d’être informés dans le domaine de la santé reproductive. Une équipe professionnelle les y attend », conclut Mme Mounira. Rappelons aussi, que Housseina est le centre national de référence en matière de la santé de la reproduction. En d’autres termes, il est pour l’instant la seule structure qui offre une large gamme de moyens d’espacement des naissances, surtout les méthodes de longue durée comme l’implant et le dispositif intra-utérin. Le planning familial contribue énormément à la réduction de la morbidité et mortalité maternelle et infantile. La santé reproductive est reconnue comme un droit fondamental des hommes et des femmes. Aussi, tout individu a le droit à la santé en matière de sexualité et de reproduction tout au long de la vie. Nous conseillons à la population de profiter de ce centre mis à sa disposition.

Mouna Frumence

 
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