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Las Anod : pour une solution pacifique
mars 2023 (Human Village 47).
 

Cette analyse a été proposée à Human Village par un intellectuel somalien qui souhaite rester anonyme.

Le conflit de Las Anod est complexe, multiforme et lié à la politique somalienne. Il comporte un aspect clanique et des connotations idéologiques. L’effondrement du gouvernement central de la Somalie en 1991 a entraîné la désintégration du pays et l’émergence d’un solide système clanique. La déclaration d’indépendance du Somaliland en 1991 n’a pas été reconnue par la communauté internationale. Sa revendication des frontières coloniales lui ferait inclure les clans des régions orientales habitées par les Harti de Daarood (Dhulbahante et Warsangeli). Les dirigeants Harti défendent l’unité de la Somalie et rejettent l’idée d’une séparation. Le conflit actuel à Las Anod présente donc une dimension unionistes/séparatistes ainsi qu’un aspect Harti contre Isaaq. Ce dernier clan domine le gouvernement du Somaliland et défend l’idée d’un Somaliland indépendant.
En raison de la complexité de ces questions, ce document présente brièvement les acteurs impliqués et émet des propositions pour aider à la recherche de la paix et la fin des hostilités.

Les acteurs du conflit
Les acteurs du conflit de Las Anod sont les personnes ou institutions directement ou indirectement, négativement ou positivement, liées au conflit.

Le gouvernement du Somaliland
Le gouvernement du Somaliland fait partie du conflit. Il est composé de différentes structures et ne peut pas être considéré comme une entité unique.
 Le Parlement :
Le Parlement du Somaliland est bicaméral, il comprend le Guurti et la Chambre des représentants.
Le Guurti était traditionnellement une institution importante qui jouait un rôle clé dans la médiation et la résolution des conflits. Actuellement, il a perdu sa crédibilité pour plusieurs raisons, notamment la politisation de l’institution par son président, Saleban Mohamoud Adan, et le fait que des membres charismatiques du Guurti sont décédés.
Les membres de la Chambre des représentants ont été élus en 2021. Le président de la Chambre, Abdirisak Khalif Ahmed, est un politicien dhulbahante élu à Las Anod. C’est un personnage essentiel pour la résolution de ce conflit. Cependant, il est élu du parti d’opposition et le président ne lui fait pas entièrement confiance. Abdirisak Khalif avait la confiance des anciens de son clan. Il est actuellement à Las Anod alors que les ministres du même clan sont à l’extérieur avec les militaires et ne peuvent pas entrer dans la ville.
 Le pouvoir exécutif :
L’exécutif du Somaliland est un pouvoir présidentiel dirigé par le président Muse Bihi Abdi, un ancien officier et principal décideur du pays. Les autres membres du gouvernement ne sont pas aussi puissants qu’ils pourraient l’être. Le deuxième personnage est Mohamed Kahin Ahmed, ministre de l’intérieur, un ami proche de Muse Bihi mais qui ne peut pas lui dire tout ce qu’il veut.
En résumé, le président de la Chambre des représentants, Abdrisak Khalif Ahmed, et le président Muse Bihi Abdi sont les personnalités les plus puissantes du Somaliland ; ils peuvent résoudre la crise.

Les dirigeants isaaq
Les anciens dirigeants traditionnels restés indépendants, ceux qui ne sont pas alliés au parti au pouvoir, en particulier les voisins des Dhulbahante (Habar-jello et Garhajis), peuvent jouer un rôle de médiateurs si le président Muse Bihi accepte leur intervention.

Les chefs traditionnels Dhulbahante
Les chefs traditionnels Dhulbahante, garaados, sont des personnalités influentes, clés pour la résolution du conflit actuel. Ils ont fourni 33 membres du comité consultatif, que les garaados soutiennent. Cependant, les garaados devraient être le point focal pour les questions liées aux Dhulbahante. Les garaados voient le problème différemment. C’est pourquoi il est important d’approcher ceux qui sont favorables à la paix. Deux garaados sont connus pour leur soutien à la paix : Garaad Mukhtar Garaad Ali Burale et Garaad Jama Garaad Ismail.

Le gouvernement fédéral de Somalie
Le gouvernement fédéral de Somalie est un acteur qui bénéficie du soutien des garaados. Il peut jouer un rôle en convainquant les garaados de s’engager à respecter le cessez-le-feu et d’accepter la médiation.

Le Puntland
Le Puntland a une présence militaire et est actif dans la région. Les motivations de la décision des garaados de rattacher le Sool à l’État fédéral de Somalie est sans doute indépendante, mais le Puntland décidé de soutenir le soulèvement dhulbahante pour vaincre le Somaliland. Le vice-président est un acteur particulièrement influent qui peut jouer un rôle pour la paix ; il est Dhulbahante du district de Hudun dans la région de Sool.

Les pays voisins
Les pays voisins ont tout intérêt à stabiliser la situation à Las Anod pour éviter l’anarchie et le chaos qui pourraient faciliter la présence des groupes armés. De plus, les pays voisins entretiennent des relations avec les deux parties et peuvent jouer un rôle en faisant pression pour qu’elles désamorcent la situation et s’assoient à la table des négociations. Djibouti et l’Éthiopie sont des pays particulièrement importants.

Les pays occidentaux
Les pays occidentaux, dont la plupart des puissants garaad détiennent des passeports et où leurs familles résident actuellement, peuvent faire pression sur les acteurs pour qu’ils acceptent le cessez-le-feu et s’assoient à la table des négociations, sous peine d’être considérés comme des fauteurs de troubles.

Conclusion
Les pays voisins devraient jouer un rôle proactif dans ce conflit en cours afin d’empêcher les habitants de Sool d’éprouver de la sympathie pour les groupes Al Shabab, qui essaient de montrer qu’ils les défendent. Cela pourrait créer un espace de conflits avec un effet négatif sur les pays riverains du Somaliland.

Recommandations
 Les troupes du Somaliland qui se trouvent près de Las Anod devraient retourner dans leurs bases afin de permettre un cessez-le-feu et l’ouverture de négociations. Une mission technique, de préférence avec une formation militaire, de l’IGAD/Union africaine devrait organiser une surveillance du cessez-le-feu.
 Les milices dhulbahante doivent rester à l’intérieur de la ville et ne pas quitter leurs positions.
 Un cessez-le-feu doit être imposé et son exécution suivie par une surveillance des mouvement par satellite ou une présence physique.
 Pour choisir un lieu de négociation, il faut un accord des deux parties et faire en sorte qu’elles s’y sentent à l’aise.
 Des acteurs ayant une connaissance approfondie de la situation et des griefs passés entre Dhulbahante et le gouvernement du Somaliland devraient jouer un rôle de médiateur.
 Les deux parties doivent avoir un garant pour veiller à ce que l’accord qu’elles conclueront sera respecté ; dans le cas contraire, du temps et de l’argent seront perdus.

 
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