Le docteur Joseph Vitalien est un médecin français né en Guadeloupe en 1866 et décédé à Paris en 1938. Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise. Ce fils de maçon né vingt ans après l’abolition de l’esclavage par la France (1848) dans les Caraïbes françaises (Martinique) restera très marqué par cette ancienne condition et toute sa vie durant il n’aura de cesse de défendre les intérêts des Noirs à l’instar de son ami d’enfance qu’il connu sur les bancs de l’école et condisciple politique (socialiste), Hégésippe Légétimus, député de Guadeloupe. Joseph Vitalien quitte la Guadeloupe en 1887. Il passe sa thèse de médecine en 1897 en tant que boursier de la Guadeloupe, bourse obtenue grâce à la protection d’un amiral français.
Après sa thèse, il s’installe dans un village de Bourgogne durant deux ans, puis part pour l’Afrique en 1899. « Des amis me pressèrent d’aller là-bas. Je partis chez les Abyssins auprès des Gallas mes frères noirs. J’organisais un campement sanitaire à Djibouti. Un jour le ras Makonnen me fit venir à douze jours de marche de la côte à travers les déserts somalis. J’opérais quelques guérisons. Je devins le médecin puis le conseiller du ras Makonnen ; alors Ménélik dit « je suis le roi, le bon médecin est pour moi ». Makonnen m’accompagna à la cour du négus. Et je devins le médecin de celui-ci » déclarait-il en 1909 au Journal.
Il part donc pour Djibouti le 23 février 1899 comme médecin de la Compagnie impériale d’Éthiopie (CIE, première compagnie de chemin de fer avant la Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien). En août 1899, il organise un service de consultation payant. En 1900, l’Entreprise générale (entreprise s’occupant des infrastructures du chemin de fer naissant), construit un hôpital à Djibouti (actuel hôpital Peltier). Le service médical est un service assez développé dans les chemins de fer coloniaux car les besoins sont nombreux. Les soins sont supposés se limiter aux employés et aux agents de la compagnie et des travaux, mais on soigne aussi les fonctionnaires de la colonie et par extension tous les Européens de la région sans compter les rapatriés de l’Extrême-Orient et de Madagascar, souvent trop fatigués pour supporter la remontée de la mer Rouge. L’hôpital passe sous la coupe de la colonie dès 1901 et sera géré par des médecins militaires dont le célèbre docteur Bouffard.
Entre le 30 janvier 1902 et octobre 1914, le docteur Vitalien est en Ethiopie. Il profite de ce séjour pour solliciter dans une lettre en date du 7 janvier de la même année, une mission (gratuite) auprès du ministère des Colonies : « […] afin d’étudier l’état sanitaire et climatologique dans les pays où il va se rendre » et se déclare prêt à servir l’influence française : « Vous pouvez compter, Monsieur le Ministre, trouver en moi un compatriote entièrement dévoué à la France et à la République ». Ménélik lui demande de s’occuper de la construction de l’hôpital d’Addis Abeba (quatre pavillons à simple rez-de-chaussée, surélevés et maçonnés. 80 lits de capacité). Vitalien sera aidé par un médecin militaire envoyé par Paris, le docteur Lhermonier. La CIE contribuera financièrement à la construction de cet édifice que l’on nommera « l’hôpital français ». Ménélik lui demande ensuite de prendre en charge un ministère de la Santé publique mais en tant que Français, il éveilla les susceptibilités italiennes et anglaises, très sensibles sur les hauts plateaux. L’affaire ne se fera pas. De part sa position, il devient l’agent officieux de la France auprès de l’empereur et informe régulièrement Paris de l’avancée de la maladie de Ménélik. Car la santé de Ménélik fut une question de politique extérieure autant qu’intérieure en Éthiopie, dès l’année 1900. La crainte d’une disparition du négus, garant de l’unité éthiopienne et par là même des intérêts des Européens dans cette région, est à l’origine de tractations diplomatiques qui aboutirent au traité de Londres de 1906 et des tensions intérieures fomentées par l’impératrice Taïtou. On savait Ménélik malade mais les secrets d’État font courir les rumeurs les plus folles sur sa santé dans les couloirs des légations (ambassades) ou lors des dîners au Cercle européen. Le gouverneur de la Côte française des Somalis, Pascal, raconte même que si Ménélik venait à disparaître, les Anglais seraient prêts à envahir le Harar et les Italiens, le Tigré ! Authentique !
Tous pensent à la crise que la succession de Ménélik risque d’entraîner. Selon les rapports Vitalien, Ménélik souffrait d’avoir trop d’alumine dans le corps. Cette alumine, qui est une toxique, se trouve dans la terre et principalement dans l’argile. Il est vraisemblable que Ménélik l’attrapa en buvant de l’eau. On sait les hauts plateaux éthiopiens riches en argile et les sources nombreuses. Il faut maintenant définir le rapport toxique entre l’alumine et le reste des symptômes rapportés dans les rapports Vitalien. Après recherche on peut noter une absence de corrélation entre la toxicité connue de l’alumine et la pathologie d’insuffisance rénale chronique évoquée. Analysons également que la vie de Ménélik ne fut que déplacement à cheval, guebbeur de viande crue, cuisine aux piments, manque d’hygiène, stress dû à la guerre, à la diplomatie et aux affaires intérieures et que ce dernier en 1907 a 73 ans, ce qui est âgé pour l’époque.
Cette confiance que Ménélik place en son médecin, va aider la France dans le règlement de l’affaire du chemin de fer en 1908. De par sa position de confiance auprès du négus, il devient le titulaire de la concession du chemin de fer de Djibouti à Addis Abeba en 1908. À la liquidation de la CIE une régie provisoire prend en charge l’exploitation du chemin de fer. Celle-ci cesse de fonctionner le 30 juin 1909 et les actifs sont repris par la nouvelle compagnie ferroviaire : la CFE. L’octroi de la concession ferroviaire au docteur Vitalien en 1908 est le premier pas vers cette nouvelle compagnie. Le montage de cette nouvelle compagnie fait suite à des affaires de politique internationale très compliquée. C’est Ménélik qui trancha en faveur de son médecin personnel avec l’appui d’un envoyé plénipotentiaire extraordinaire français : Anthony Klobukowski, franc-maçon comme Vitalien ce qui fut sûrement déterminant dans le choix de ce dernier. Alfred Ilg (ce Suisse avait reçu la première concession du chemin de fer en collaboration avec le franco-belge Léon Chefneux) fut déchu de sa concession le 8 décembre 1907 et le docteur Vitalien reçut la sienne le 30 janvier 1908. Pour remerciement pour avoir gardé la compagnie à la France en tant que titulaire de la concession, la compagnie lui verse un traitement. Le gouvernement français lui demande de rendre la concession à une nouvelle compagnie (CFE) et lui donne 150 000 francs et une promesse mal définie de 25 000 francs annuels. Il quitte l’Éthiopie vers 1909/1910 suite à l’embolie cérébrale qui provoqua la paralysie totale de l’empereur qui décédera en 1913.
Les choses se compliquent pour Vitalien car la Commission de vérification des comptes des chemins de fer coloniaux examine la question de l’allocation annuelle du docteur Vitalien et en 1912, le gouvernement français se rend à l’évidence que le docteur Vitalien ne peut plus rendre de service et on cesse de lui payer ses allocations. Vitalien attaque en justice la CFE et le gouvernement français mais perd son procès. Il est fait chevalier de la Légion d’Honneur et réside à Paris. Il tentera de revenir en Guadeloupe pour s’implanter politiquement mais sera battu régulièrement à toutes les élections. Il est parti depuis vingt-quatre ans. Lors de la Première Guerre mondiale, il est le directeur du « Foyer colonial des combattants » (1915-1919) créé à Paris pour les soldats coloniaux, par le comité d’aide et d’assistance coloniale. Il s’intéresse particulièrement au sort des prisonniers noirs mais pas seulement car le médecin, s’intéresse, lui à l’amélioration des prothèses orthopédiques. Sa vie durant il n’aura de cesse d’aider l’Éthiopie par ses réseaux francs maçonniques en politique mais aussi tout simplement par amitié. Il est l’un des principaux acteurs de l’amitié franco-éthiopienne.
Lukian Prijac
Bibliographie
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Monfreid, Henri de, Le masque d’or ou le dernier négus, Paris, Grasset, 1936.
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Fedeke, The Gilding on the Goblet, part II (traduction française, extrait in Mabraq, n°7, juillet 2006, Le docteur Vitalien, précepteur guadeloupéen de Täfäri : 6-7)
Journaux
L’Émancipation, 28-30/12/1911 ; 15-17/6/1911
Le Peuple, 29/7/1894
L’Humanité, 9/1/1912
Le Libéral, 14/12/1911
Le Monde Illustré, Le nouvel hôpital d’Addis Abeba, août-septembre 1909 : 159.
Archives
CARAN, Base Léonore, dossier de Légion d’Honneur, LH/2729/28.
ANOM, Direction des affaires politiques, carton 686, dossier 15 (demande de secours de la veuve du docteur Vitalien) ;
MAE, Série K, Afrique (1918-1940), Sous-série Ethiopie, Travaux Publics-Routes-Chemin de fer. 164, Personnel – Dossier du docteur Vitalien, Août 1918-juillet 1930
c’est un mèdecin Guadeloupéen ....merci de rectifer
le docteur Joseph Vitalien n’a jamais été Martiniquais mais un Guadeloupéen né aussi dans ma ville natale :Le Moule, premier port sucrier de la Guadeloupe, fermé vers 1918.Un très grand merci pour la rectification.
Joseph Vitalien. Un médecin antillais fondateur de l’hôpital Peltier
NB : Le docteur Joseph Vitalien n’est pas Martiniquais mais un Guadeloupéen né dans ma ville Natale :Le MOULE, premier port sucrier de la Guadeloupe ,fermé vers 1918.Un grand merci de bien vouloir rectifier.