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Mèches capillaires et grosses cylindrées
 

Mèches capillaires : extension de féminité
Grosses cylindrées 4x4 : extension de virilité
 [1]

Dans notre société, comme dans la plupart de celles où la domination masculine est la norme, elle va tellement de soi qu’on la croit naturelle. Chaque sexe a ses codes spécifiques pour se mettre en valeur, s’imposer, même dans sa subordination.
Ainsi, pour l’homme djiboutien, il suffit d’être un peu curieux ou chasseur pour savoir que la gente féminine qui fréquente les salons de coiffure y va pour augmenter son sex-appeal, son attirance, grâce au renfort des mèches capillaires rajoutées à la chevelure. Il parait que c’est tellement discret que peu d’hommes le remarquent et ça se comprend : à la verticale, les cheveux sont cachés par un voile, à l’horizontale ce n’est pas la partie du corps à laquelle ils font le plus attention. Passons pudiquement.

L’homme encore, mâle dominant, a une façon plus visible, plus massive de se mettre en valeur : il est au volant d’une grosse voiture 4x4, roulant de préférence lentement pour donner le temps d’être vu et admiré, pour ne pas disparaître de façon précoce, comme une certaine érection. Cet usage des véhicules tout-terrain en milieu urbain, où ils n’ont aucune utilité, ne s’explique pas autrement : c’est une extension de la virilité, plus elle est grosse, plus il prétend l’avoir grosse.
Or, il n’en a pas toujours été ainsi et cette substitution de la fonction du 4x4 à sa seule esthétique urbaine a une histoire sociale et politique, indissociable de l’avènement de ce régime avec son élite parasite détournant l’argent public en l’utilisant à des fins d’exhibitionnisme de parvenu.

Les premiers véhicules 4x4 ont fait leur apparition chez nous fin des années 1960, début des années 1970. C’étaient surtout les anglaises Land-Rover, et les japonaise Nissan Patrol et Toyota Land-Cruiser. Leur point commun : ils étaient souvent utilisés pour se rendre dans nos brousses, à une époque où les pistes prédominaient.
Ainsi, il fallait au moins cinq heures de route pour joindre Djibouti à Tadjourah, tandis qu’entre ce chef-lieu et Obock, existait le fameux « mur de la honte » au niveau de Dalley, escalier qui constituait une véritable épreuve pour ces voitures dont beaucoup y perdaient leurs lames de ressort ou leurs amortisseurs.
Qui s’est tapé les pentes de Laayta, Eger-Dabu dans le district d’Obock ou encore Sudda, Laa Ilaah Illa Allah ou Udda-Le-Geera, dans celui de Tadjourah ? A cette époque donc, les véhicules tout-terrain avaient une utilité, tout comme les fameux « Toyota afar », des pick-up qui sillonnaient les pistes de brousse : des dizaines circulaient entre la Ville-Blanche et Bouya, au pied du Moussa Ali, à la frontière avec l’Éthiopie. Depuis que ce régime a instauré l’insécurité dans l’arrière-pays, toute cette activité commerciale de transport a disparu, des centaines d’emplois avec. Passons encore.

On peut comprendre que des particuliers en mal d’affirmation de virilité s’achètent des grosses cylindrées 4x4 qui ne mangeront jamais de la bonne piste ; que la seule poussière qu’ils braveront sera celle balayée par le vent dans une rue goudronnée mal entretenue de la capitale ou des chefs-lieux des régions : c’est leur droit le plus humain de bomber le torse derrière le volant et de se croire dans un tank les protégeant de la plèbe roulant plus bas.
On peut comprendre que des véhicules immatriculés C soient des pick-up, certainement utiles pour quelque tâche technique incombant à ces services ou entreprises d’État.
Ce qui est proprement incompréhensible, ou alors cela traduit un complexe d’infériorité de fonctionnaire prétentieux, dont le traitement relève de la psychopathologie ou de la psychanalyse, c’est cet immense parc de bolides 4x4 immatriculés A ou B dont l’on sait qu’ils ne se rendront jamais en brousse. Juste bons à rouler des mécaniques, comme on dit.

Puisque ces engins sont achetés avec l’argent public, il ne s’agit donc pas de signe extérieur de richesse : ces 4x4 sont un symbole de puissance, fonctionnant à la manière d’un bureau roulant, transportant un chef ambulant. L’exhibition de cette autorité politique (A) ou administrative (B) au volant de cette esthétique 4x4x a une fonction sexuelle : la mise en scène de la virilité du chef à travers le vrombissement presque éjaculatoire du pot d’échappement.
Alors, mesdames, laissez ces mâles en mal d’assurance exhiber un ersatz de virilité au volant de leur conquête automobile féminisée, qu’ils ont l’impression de chevaucher, façon amazone inversée et, de grâce, évitez de les imiter : vous êtes suffisamment séduisantes, pour celles qui veulent l’être, en voiture de ville, qui plus est fonctionnelle pour celles qui ont, grâce à Allah, un foyer à entretenir.

To bite or not to bite, comme dirait l’eunuque … politique. That’s all folks.

Cassim Ahmed Dini


 
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