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La Somalie : ultime allié de Djibouti
 

Nous voici au terme d’une année faite de chambardements et de chamboulements diplomatiques dans la corne de l’Afrique. Une année au cours de laquelle des nouvelles alliances se sont construites sur les ruines des anciennes qui n’ont pas pu résister à la naissance douloureuse du nouvel ordre de la corne de l’Afrique. Où les acquis et positions de confort sont remis en question. Une corne d’Afrique secouée par l’exacerbation des rivalités sino-américaines, par l’importation des crises de la péninsule arabique, par les ingérences répétitives et autres luttes d’influence entre pays du Golfe et enfin par les effets du printemps éthiopien. En somme, une région en reconfiguration accélérée et en recomposition tout azimut où les diplomaties sont mises à rude épreuve et les politiques étrangères peinent à s’ajuster. Pour Djibouti, ses relations avec l’ensemble de ses partenaires traditionnels sont concernées. L’Éthiopie et la Somalie ont préféré se rapprocher de l’Érythrée quitte à entacher leurs partenariats étroits avec Djibouti. Avec sa diplomatie du chèque et son désir d’affirmation hégémonique, l’Arabie saoudite n’exige qu’un alignement aveugle sur ses propres options diplomatiques aux pays de la corne, y compris Djibouti. Les Emirats arabes unis ne jurent que par la strangulation économique et diplomatique de Djibouti. Les États-Unis et les pays occidentaux en général reprochent à Djibouti un virage prochinois qui se ferait selon eux au détriment de leurs intérêts dans la corne. La Chine reste muette pour mieux sauvegarder ses relations avec tout le monde et observe Djibouti faire face aux pressions quand bien même elles viseraient sa présence et son influence grandissante. Ses vues stratégiques limitées au Sahel, ses préoccupations quant à sa propre situation intérieure et européenne et ses difficultés économiques éloignent un peu plus chaque jour la France de la corne de l’Afrique et de Djibouti.

Dans ces circonstances, la diplomatie djiboutienne confrontée à des multiples fronts s’est retrouvée quelque peu prise de court ne sachant plus où donner la tête, à quoi accorder la priorité, par où commencer et par quel bout prendre les choses. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir tenté d’agir mais à plusieurs occasions ses agissements n’ont pas été couronnés du succès escompté. Certes, l’inaction n’est pas une option mais peut être que la méthode employée ne serait pas également adaptée à la situation. Peut-être que la réponse exigée se situerait à un autre niveau d’appréhension et dépendrait en partie de la capacité à se remettre en question, à mener une lecture critique de l’action diplomatique djiboutienne et chercher à améliorer la compréhension des événements. En attendant cette remise à plat de la politique étrangère, nous pourrions entamer cette introspection à travers l’analyse du développement des relations de Djibouti avec la Somalie. Nous arguons dans cette note que la Somalie constitue la première étape et la plus importante de cet exercice tout à la fois rétrospectif et prospectif sur la politique étrangère djiboutienne. Outre le fait qu’elle soit un pays voisin très stratégique pour Djibouti avec lequel les rapports sont demeurés historiquement forts, stables le plus souvent et surtout équilibrés, les deux pays entretiennent des relations uniques débordant largement le cadre étroit des intérêts immédiats de chacun et mobilisant des dimensions affectives solides qui ont cimenté les liens entre les deux peuples et engendré les conditions d’une solidarité éprouvée. Depuis l’arrivée au pouvoir en février 2017 de Mohamed Abdullahi Mohamed, dit Farmaajo [1], les relations entre les deux pays n’ont pas été au beau fixe [2]. Et le rapprochement spectaculaire opéré par Farmaajo de l’Ethiopie et de l’Erythrée durant l’été 2018 n’a fait que dégrader davantage les relations avec Djibouti. Toutefois, Djibouti semble avoir une meilleure appréhension de la situation aujourd’hui et serait prêt à tourner la page de l’année 2018. Par ailleurs, les deux chefs d’État ont exprimé depuis leur rencontre d’Addis-Abeba de février 2019 en marge du Sommet de l’Union africaine leur volonté d’aller de l’avant ensemble. Nous pensons que ce renouvellement nécessaire, présenté dans cette note, de la politique étrangère djiboutienne à l’égard de la Somalie aurait un impact positif sur le recouvrement de la confiance perdue dans les relations entre les deux pays depuis les deux dernières années sous la présidence Farmaajo. Et plus globalement, il produirait un effet de levier favorable à l’amélioration de l’action de la diplomatie djiboutienne dans la région et même au-delà. L’objectif de cette note d’analyse est double. D’une part, il s’agit de revenir sur les conditions de refroidissement des relations entre Djibouti et la Somalie. D’autre part, nous tenterons d’explorer les pistes d’un renforcement du partenariat entre les deux pays à l’avenir à partir d’une refondation de la politique étrangère djiboutienne.

Politique étrangère djiboutienne vis-à-vis de la Somalie
Depuis l’effondrement de l’État somalien en 1991, la politique étrangère djiboutienne à l’égard de la Somalie est faite de main tendue et de quelques fausses croyances persistantes. Schématiquement, elle s’articule autour de deux points. Premièrement, Djibouti ne reconnait sur le plan diplomatique que la Somalie et a le mérite de n’avoir pas cédé aux sirènes de la reconnaissance tacite de telle ou telle région sécessionniste somalienne. Djibouti promeut l’unité de la Somalie, une seule Somalie dont la capitale est Mogadiscio malgré les pressions tant externes qu’internes et quelles qu’ont été les circonstances au Sud ou au Nord de ce pays. Deuxièmement, Djibouti a constamment cherché à porter secours et assistance à la Somalie de différentes façons, parfois même au-delà de ses capacités et contre les voix pointant les dangers de l’entreprise et le gaspillage de ses ressources et énergies pour un cas dit désespéré au niveau international. Djibouti s’est fait un devoir de porter la cause somalienne dans les instances régionales et internationales. Que ce soient sous forme d’initiation des dialogues intersomaliens, d’accueil des pourparlers de paix, d’organisation des conférences de réconciliation ou de participation directe à la pacification de la Somalie, à l’assistance humanitaire et sécuritaire aux Somaliens, Djibouti a été partie prenante active des tentatives de reconstruction de l’Etat somalien.
Néanmoins, et il ne faut pas être dupe, avec le temps, le sentiment que la crise somalienne arrangeait dans une certaine mesure ses affaires s’est installé dans l’approche diplomatique djiboutienne. Par conséquent, la situation sécuritaire de la Somalie depuis ces trois dernières décennies aurait plus ou moins bénéficié à Djibouti et que tout changement serait lourd de conséquences pour les intérêts de Djibouti. De même une certaine croyance en la durabilité et l’insolubilité de la crise somalienne a dominé sa perception de la Somalie. Un fatalisme accommodant. Egalement, la diplomatie djiboutienne estimerait tacitement que la pérennité de l’influence de Djibouti dépendrait de l’affinité clanique et du soutien politique apporté à l’endroit de tel ou tel autre clan au pouvoir à Mogadiscio. Enfin, depuis Djibouti, la Somalie en tant qu’Etat failli ne valait pas l’effort de développer des relations normales de coopération. Alors que malgré la situation de ce pays, Djibouti aurait pu apprendre et échanger beaucoup plus à commencer par une coopération économique autour de l’approvisionnement en ressources primaires, une alternative à l’Ethiopie, ou de l’exploitation de cet immense marché somalien.
Ces appréhensions erronées de la diplomatie djiboutienne à l’égard de la Somalie et ce double visage ont contribué à amoindrir l’influence de Djibouti à Mogadiscio ces deux dernières années sous la présidence de Farmaajo. Ce dernier aurait décelé très tôt l’écart entre le discours angélique djiboutien et son comportement réel à l’égard de la Somalie qui ne différait guère de celui des pays oeuvrant notoirement contre les intérêts de la Somalie. Dès son investiture il a cherché à s’éloigner le plus possible de Djibouti et à ne plus le compter parmi les amis proches de la Somalie. Les soi-disant tentatives de déstabilisation politique de Djibouti n’ont fait que le conforter dans sa conviction initiale, l’éloignant un peu plus pour le jeter finalement dans les bras tout aussi intéressés mais qui ont le mérite de la clarté de l’Ethiopie d’Abiy et de l’Erythrée.

Deux événements qui méritent notre attention
Outre la reconfiguration de la géopolitique de la corne de l’Afrique en 2018, deux événements récents invitent Djibouti à réajuster ses relations avec la Somalie tout en les ré-aiguillant vers des pistes délaissées mais adaptées au contexte actuel.

Premièrement, la réaction de Djibouti face à la visite et déclaration de Farmaajo à Asmara, en Érythrée, a ranimé une flamme sensible entre Djibouti et les Somaliens. Après des mois d’hésitation et d’inquiétude, Djibouti semble avoir retrouvé confiance après les déclarations de Farmaajo en Érythrée à propos de la levée des sanctions onusiennes sur cette dernière. La réaction de Djibouti via un communiqué de son ambassade à Mogadiscio accusait le président Farmaajo d’avoir attenté aux intérêts de Djibouti et par conséquent aux intérêts des Somalis par ricochet. Le communiqué publié par l’ambassadeur et ses interviews sur la BBC et la VOA en langue somali ont montré que l’objectif de Djibouti était de mettre en porte-à-faux le président Farmaajo avec la population somalienne et le peuple somali plus globalement. Les Somalis, population comme élite, ont massivement condamné la dite déclaration de Farmaajo [3]. Cette situation a conduit au niveau régional à la prise de participation de la diplomatie djiboutienne, jusque-là hésitante, à cette nouvelle dynamique en cours dans la corne de l‘Afrique depuis l’arrivée d’Abiy Ahmed Ali à la tête du gouvernement éthiopien et sa politique de rapprochement avec l’Érythrée qui a dérouté gouvernement et population à Djibouti. Sur le plan de la politique intérieure, la population djiboutienne à la fois emballée par l’Abiyamania et inquiète par ce vent de changement qui touche la région a commencé à soutenir globalement la réaction du gouvernement djiboutien face à cette dite déclaration du président somalien. Un sentiment de confiance retrouvée a vite gagné le gouvernement djiboutien.
Il faut dire que contrairement au fiasco de la diplomatie djiboutienne face aux appels du gouvernement éthiopien sur la levée des sanctions onusiennes de l’Érythrée et à son comportement solitaire ignorant les sollicitations de son allié et partenaire djiboutien, la réaction du gouvernement djiboutien face à la déclaration du président somalien a été forte, mesurée, réfléchie, appropriée et efficace. Une fois le communiqué de presse publié, le reste s’est fait tout seul. Cette efficacité est à attribuer au timing du communiqué, au ton respectueux employé, au réalisme des objectifs visés et au rappel de la nature des relations historiques fortes entre les deux peuples et les deux pays contrairement au contenu menaçant de la circulaire du ministère djiboutien des Affaires étrangères sur l’Éthiopie. Les liens tissés antérieurement avec le peuple somali ont fait toute la différence dans le cas de la Somalie pour faire pression sur Farmaajo à l’inverse des relations limitées aux officiels que Djibouti entretient avec l’Éthiopie. Deuxièmement, le séjour du président djiboutien à Mogadiscio les 16 et 17 mars 2019, avec une nuit passée sur place, a laissé perplexe beaucoup de gens et suscité nombre d’interrogations quant aux objectifs de cette visite risquée surtout en ce moment. Son homologue somalien n’a pas lésiné sur les moyens en l’accueillant avec beaucoup d’honneurs et de considérations. Une visite chargée et d’une grande importance semble t-il pour Djibouti et qui poursuivait plusieurs objectifs. Il s’agissait, d’abord, de rappeler les liens fraternels entre les deux pays, l’importance de Djibouti et des efforts de son président pour la Somalie et le peuple somali dans le but de convaincre Farmaajo qui semble méfiant à l’égard de Djibouti depuis son arrivée au pouvoir. Ensuite, il fallait renouer la confiance entre les deux chefs d’État et tenter de convaincre Farmaajo de la nécessité de maintenir des bonnes relations entre les deux pays et de pointer les risques encourus dans le cas échéant. Également, cette visite visait à renouer les liens fraternels entre les deux peuples pour affronter ensemble les aléas du contexte et de l’avenir. Enfin, elle cherchait à montrer aux pays de la région et au-delà la particularité des liens privilégiés qu’entretiennent les deux pays. Quels que soient les objectifs de cette visite, il est clair que la Somalie demeure le plus sûr allié sur lequel Djibouti pourrait compter en dernière instance. Ces deux événements témoignent amplement que l’investissement diplomatique de Djibouti en Somalie demeure tributaire de la reconnaissance de la population somalienne et qu’il constitue un atout et un levier incontournable. Par conséquent, toute refondation de la politique étrangère djiboutienne vis-à-vis de la Somalie se doit de le prendre en considération avant tous les autres paramètres et se construire à partir de ce facteur central.

Farmaajo, Abiy et Djibouti
Farmaajo était tout autant hostile à Djibouti et à l’Éthiopie lors de sa prise de pourvoir en février 2017. Personne n’aurait imaginé que la Somalie de Farmaajo serait favorable à développer une coopération économique étroite avec l’Éthiopie. Farmaajo candidat, perçu comme nationaliste, pansomaliste et limite anti-Ethiopien, semble très différent de Farmaajo président en exercice face aux réalités du pouvoir et de la géopolitique régionale où l’Éthiopie d’Abiy imprime le rythme des événements depuis une année. Mais s’il a totalement changé d’avis à l’égard de l’Éthiopie c’est parce que les nouvelles autorités de cette dernière lui ont exprimé leur volonté de modifier leur politique étrangère vis-à-vis de la Somalie. Abiy a donné à Farmaajo des garanties assez solides sur plusieurs points importants : mettre fin au rôle déstabilisateur de l’Éthiopie en Somalie, n’avoir comme interlocuteur privilégié que les autorités fédérales somaliennes, accroitre le soutien à la lutte contre les mouvements terroristes et à la formation des forces de l’armée somalienne, promouvoir un nouveau partenariat économique entre les deux pays, entretenir des relations bilatérales basées sur le respect mutuel.
Il ne s’agit pas d’axer la politique étrangère djiboutienne sur la séduction de Farmaajo uniquement – qui pourrait gagner ou perdre dans deux ans les élections présidentielles - ni de s’aligner sur celle de l’Ethiopie – prise pour le moment dans l’impératif de maintenir des relations économiques étroites avec le Somaliland - en Somalie. Mais Djibouti se doit d’aller au-delà et plus loin en termes d’objectifs de partenariat en prenant appui sur la particularité de ses acquis avec le peuple Somali, notamment ses liens privilégiés avec les Somaliens. Djibouti a cru, et à raison, que Farmaajo, le candidat qui exprimait le plus les attentes du peuple somalien, lui disputerait la sympathie de la population somalienne mais, néanmoins, en tant que président en exercice, il s’est compromis dans la livraison de Abdikarim Sheikh Muse Qalbi Dhagax à l’Éthiopie et dans sa déclaration d’Asmara au détriment des intérêts des Somalis. Cependant, il faut s’attendre à ce que son à priori négatif à l’égard de Djibouti puisse être ressenti par une partie des Somaliens probablement minoritaire pour l’instant. Et c’est dans le but de regagner la confiance de cette frange de la population somalienne et pour consolider l’appréhension positive de la grande majorité des Somaliens que ces efforts devraient tendre.

Conclusion
Bien que Farmaajo ne semble pas pour le moment relever le souhait du président djiboutien d’un partenariat élargi [4], la proposition mérite d’être sur la table. Néanmoins, c’est à la diplomatie djiboutienne d’expliquer, d’approfondir la réflexion avec leurs homologues somaliens et de dessiner les contours de ce partenariat. A elle de s’atteler à cette tâche et de veiller à son aboutissement. La diplomatie djiboutienne n’a pas pu anticiper les changements intervenus en Ethiopie ni su les accompagner pour sauvegarder ses intérêts. Il serait dommage de ne pas sérieusement envisager le retour de la Somalie parmi les nations, horizon justificatif des efforts consentis par Djibouti pour ce pays. Renouer avec ce souhait initial de la diplomatie djiboutienne perdu en cours de route. Il y va de l’intérêt stratégique de Djibouti. Seule une Somalie debout, pacifiée, dotée des forces de sécurité en mesure d’assurer leur mission correctement, avec un État fonctionnel qui a autorité sur toute l’étendu de son territoire serait un partenaire fiable sur le long terme. Les petits calculs court termistes à caractère diplomatique ou économique sont appelés à être dépassés pour vraiment œuvrer à la stabilisation de la Somalie et à son retour plein et entier. Djibouti est appelé à inventer, en coordination avec les autorités somaliennes, cet avenir osé fait de convergence des vues et de conjonction des intérêts des deux pays.

La Somalie semble être l’ultime allié de Djibouti surtout en cette période de bouleversement de la corne de l’Afrique. La Somalie ne devrait pas seulement être perçue comme utile en période de doute du côté djiboutien, sollicitée dans les moments difficiles mais les relations entre les deux pays gagneraient à se concrétiser dans un projet d’intégration à long terme où la volonté et détermination de Djibouti seraient sans ambiguïtés. Autrement, Djibouti risque de gâcher une occasion unique d’apporter une réponse structurée face à un environnement diplomatique et économique de plus en plus incertain. Cette alliance renouvelée entre les deux pays présente également un intérêt géopolitique face aux actions déstabilisatrices des Émirats arabes unis à Djibouti et en Somalie et pour faire front commun à l’émergence de l’axe Addis-Abeba-Asmara.

Recommandations
Il s’agit de reconstruire la confiance et d’explorer des nouvelles voies pour une coopération ambitieuse entre les deux pays.

1. Continuer de s’assurer en permanence du soutien du peuple somali. C’est la meilleure garantie sur laquelle la diplomatie djiboutienne pourrait compter contre les changements inéluctables de gouvernement, d’administration ou de politique étrangère en Somalie et peut-être même ailleurs. La Somalie tend vers un système démocratique où le président fédéral serait choisi par le vote des Somaliens à travers un suffrage universel direct. Alors pourquoi compromettre les intérêts de Djibouti en misant sur des dirigeants en poste pour une période limitée ou en appuyant un choix contraire à celui du peuple somalien. Il suffit de gagner le cœur du peuple pour contraindre tout dirigeant à observer politiquement les relations diplomatiques spéciales entre les deux pays.

2. Abandonner la préférence clanique ou ethnique. Il est important d’accepter de travailler avec n’importe quel président que les Somaliens choisissent pour les diriger et d’éviter toute ingérence dans les affaires politiques somaliennes désormais. Au nom de quoi Djibouti s’aliénerait un dirigeant légitime d’un autre pays en raison de son appartenance clanique ou ethnique et envisagerait de le déstabiliser ou de soutenir son opposition. Djibouti n’a ni les moyens ni la certitude que le but poursuivi déboucherait sur le résultat escompté. Les récents événements dans les pays voisins ont largement démontré l’inefficacité d’une telle politique. C’est inutile, couteux et la garantie des relations détériorées ou d’un dirigeant qui tenterait à son tour à déstabiliser Djibouti en retour. Quel que soit son clan ou son ethnie, un dirigeant est avant tout contraint par les intérêts de son pays et la préservation de son pouvoir. Pourquoi demeurer dogmatique et inflexible. Les temps changent et imposent prudence et pragmatisme.

3. Initier un projet d’intégration séduisant et crédible entre les deux pays. Il est temps d’accorder à la Somalie la considération qu’elle mérite en tant qu’État souverain et d’établir des relations normales. Imaginer un nouveau type de partenariat plus ambitieux à la hauteur de la singularité des liens entre les deux pays, en mesure d’apporter une réponse adaptée aux circonstances et pour se prémunir également contre les projets d’intégration en préparation dans la corne desquels Djibouti est absent. Il s’agit de créer une alternative crédible dans laquelle Djibouti se retrouve et prendrait le leadership. Une intégration entre Djibouti et l’Ethiopie ne fait pas sens et comporte même des risques d’un partenariat déséquilibré ou d’une annexion déguisée à terme. Mais avec la Somalie, Djibouti a le temps et la sérénité nécessaire pour s’embarquer dans un processus d’intégration à son rythme, orienté dans le sens de ses intérêts et dont il garderait le contrôle sur toutes les étapes de sa construction.

4. Soutenir, non pas du bout des lèvres mais activement, la mise sur pied d’une armée fédérale dotée des moyens nécessaires pour garantir la sécurité de la Somalie et, qui sait, pourrait s’avérer stratégiquement utile à Djibouti à l’avenir.

Aden Omar Abdillahi, chercheur à l’IEPS-CERD


[1Consulter à ce propos Aden Omar Abdillahi, « Djibouti et la corne face à la Somalie de Farmaajo : confort du statu quo vs nostalgie nationaliste », Note d’analyse, septembre 2017, IEPS-CERD et sur https://humanvillage. org/spip.php ?article370.

[2Des hypothèses farfelues ont circulé à ce propos pour donner des explications. Par exemple pour certains observateurs, « Djibouti ne voulait pas de Farmaajo à la présidence somalienne en raison de ses idées et surtout de son identité clanique ». Pour d’autres « il y aurait un conflit d’égo, une incompatibilité générationnelle ou une compétition pour le leadership politique des Somalis entre Ismail Omar Guelleh et Farmaajo ».

[3Sur la diplomatie erratique de Farmaajo, voir « Somalia Needs a Cogent Foreign Policy Agenda », Policy Brief n°16, August 2018, Heritage Institute for Policy Studies (HIPS).

[4Discours du président djiboutien prononcé lors de sa visite à Mogadiscio le 16 mars 2019 dans lequel il a rappelé entre autre la nécessité pour les dirigeants d’être à l’écoute des attentes de leur peuple et de les concrétiser dans un partenariat élargi entre les deux pays.

 
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