Human Village - information autrement
 
Plus c’est gros, plus ça passe
par Mahdi A., mai 2018 (Human Village 33).
 
Tero Varjoranta

La démission surprise et sans explication du Finlandais Tero Varjoranta, chef des inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) depuis fin 2013, hier, vendredi 11 mai, n’augure rien de bon pour l’avenir du Proche-Orient.
Comme l’explique Le Monde, « ce départ intervient à un moment délicat, trois jours après l’annonce par les Etats-Unis qu’ils se retiraient de l’accord de 2015 sur le programme nucléaire de l’Iran et rétablissaient des sanctions à l’encontre de Téhéran. […] L’AIEA a pourtant confirmé mercredi que l’Iran remplissait ses “engagements en matière de nucléaire”, conformément à l’accord signé avec les grandes puissances. “L’Iran est soumis au régime de vérification le plus fiable du monde en matière de nucléaire », avait réaffirmé Yukiya Amano, le directeur général de cette agence” » [1].

L’histoire ne se répète pas, ou alors comme une farce…
Tous les ingrédients semblent réunis pour que l’humanité revive dans un avenir proche un triste remake de la deuxième guerre d’Irak. Cette démission a très probablement réjoui l’administration américaine. Cette dernière n’avait pu compter sur un alibi fourni par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour justifier de sortir de l’accord sur le nucléaire iranien (connu sous l’acronyme JCPOA), contraignant le président Trump à imaginer une autre ficelle, les « révélations » du show du Premier ministre Benyamin Nétanyahou au ministère de la défense du 30 avril [2].
« En 2015, l’administration précédente s’est associée à d’autres pays dans un accord concernant le programme nucléaire iranien. Cet accord était connu sous le nom de Plan d’action complet conjoint, ou J.C.P.O.A.
En théorie, le soi-disant “accord avec l’Iran” était censé protéger les États-Unis et nos alliés de la folie d’une bombe nucléaire iranienne, une arme qui ne ferait que mettre en péril la survie du régime iranien.
En fait, l’accord a permis à l’Iran de continuer à enrichir de l’uranium et, au fil du temps, d’atteindre le seuil d’une rupture nucléaire.
L’accord a levé des sanctions économiques paralysantes contre l’Iran en échange de très faibles limites sur l’activité nucléaire du régime - et aucune limite à son autre comportement malfaisant, y compris ses activités sinistres en Syrie, au Yémen et ailleurs dans le monde. […] Aujourd’hui, nous avons la preuve définitive que cette promesse iranienne était un mensonge. La semaine dernière, Israël a publié des documents de renseignement - longtemps dissimulés par l’Iran - montrant de manière concluante le régime iranien et son histoire de poursuite des armes nucléaires » [3], justifiait Donald Trump depuis la Maison la Blanche sa décision de sortir de l’accord de Vienne.
Pour le chercheur, Jean-Pierre Filiu, « le seul dirigeant à les avoir apparemment prises au sérieux est Donald Trump. Il est vrai que manie des “fake news” et propension au mensonge font souvent bon ménage » [4].

Hans Blix

Un remake de la guerre d’Irak : intoxication de masse
Hans Blix, ancien président de la commission de contrôle, de vérification et d’inspection des Nations-Unies (COCOVINU) pour l’Irak, avait formulé le vœu lors d’une conférence de presse tenue en 2004 à l’occasion de la publication d’un ouvrage sur les causes de la guerre, que le « gouvernement américain saura en tenir compte dans la gestion des crises iranienne et nord-coréenne » [5]. Visiblement, il n’a été entendu !
Comme pour l’Irak en 2003, les faits ne comptent pas, ils ne sont qu’un détail que l’on peut manipuler ajuster si nécessaire pour les amener à dire ce que l’on veut faire entendre. Hans Blix impute la guerre en Irak à l’établissement d’un vaste écran de fumée qui a permis d’obtenir l’assentiment de l’opinion publique orchestré par les services spéciaux. « [L]es services de renseignement ont eu leur part de responsabilité dans cette intoxication de masse » [6].
Le 5 juin 2003, après l’invasion de l’Irak, Hans Blix réaffirmait devant le conseil de sécurité que les inspecteurs en Irak n’avaient pas trouvé la preuve de la reprise ou de la poursuite de programmes d’armes de destruction massive.
« Le président exécutif de la COCOVINU a précisé que pendant toute la période au cours de laquelle elle a mené ses activités d’inspection, la Commission n’avait trouvé aucun élément indiquant la poursuite ou la reprise des programmes d’armes de destruction massive, ni, si ce n’est en quantité négligeable, d’articles interdits avant l’adoption de la résolution 687 de 1991. […]
Bien que nous soyons conscients que de grandes quantités d’armements interdits n’ont pas pu être retrouvées en Iraq, nous devons cependant garder à l’esprit que pendant un certain nombre d’années ni la COCOVINU, ni l’UNSCOM n’ont pu faire de découvertes substantielles dans ce domaine, a poursuivi M. Blix. Ceci parce que ces armes avaient sans doute été unilatéralement détruites par les autorités iraquiennes ou parce qu’elles avaient été bien dissimulées. Cependant avec le nouvel environnement qui prévaut en Irak, il est désormais possible d’avoir un accès total aux sites suspects et de bénéficier de la totale collaboration des Iraquiens, et notamment de la part des témoins et des acteurs avertis qui n’ont plus aucune hésitation à révéler ce qu’ils savent. Il est en effet important que la lumière et la vérité soient faites sur ce que nous voulons tous savoir » [7].

Barack Obama condamne « une grave erreur »
L’ancien président américain a réagi fermement au retrait de l’accord sur le nucléaire. Il s’exprime presque aussitôt à la déclaration du président Trump pour expliquer qu’au lieu de « réparer » ce retrait va mettre en danger non seulement la sécurité mais également les intérêts américains.
« La réalité est claire : le JCPOA fonctionne - c’est un point de vue partagé par nos alliés européens, des experts indépendants et l’actuel secrétaire américain à la Défense, le JCPOA est dans l’intérêt de l’Amérique - il a considérablement réduit le programme nucléaire iranien. JCPOA est un modèle pour ce que la diplomatie peut accomplir - son régime d’inspection et de vérification est précisément ce que les États-Unis devraient travailler à mettre en place avec la Corée du Nord, alors que nous aspirons tous à la diplomatie avec la Corée du Nord. S’éloigner du JCPOA risque de perdre un accord qui réalise - avec l’Iran - le résultat même que nous poursuivons avec les Nord-Coréens. […]
Deuxièmement, le JCPOA a œuvré pour faire reculer le programme nucléaire iranien. Pendant des décennies, l’Iran a constamment avancé son programme nucléaire, approchant le point où ils pourraient rapidement produire suffisamment de matières fissiles pour construire une bombe. Depuis la mise en œuvre du PAGC, l’Iran a détruit le cœur d’un réacteur qui aurait pu produire du plutonium de qualité militaire, retirer les deux tiers de ses centrifugeuses (plus de 13 000) et les placer sous surveillance internationale et éliminer 97% de son stock de l’uranium enrichi - les matières premières nécessaires à la fabrication d’une bombe - le JCPOA a donc imposé des limites strictes au programme nucléaire de l’Iran et obtenu des résultats concrets.
Troisièmement, le JCPOA ne repose pas sur la confiance - il est enraciné dans le plus vaste système d’inspection et de vérification jamais négocié dans un accord de contrôle des armements. Les installations nucléaires iraniennes sont strictement surveillées. Les observateurs internationaux ont également accès à toute la chaîne d’approvisionnement nucléaire iranienne », déclarait entre autres Barack Obama dans un post sur sa page Facebook [8].

On ne peut s’empêcher de penser que les frappes "préventives" israéliennes de ces derniers jours sur les positions militaires iraniennes en Syrie avaient finalement pour objectif de les amener à répliquer en ciblant… Israël. Prélude, prétexte à l’escalade, pour enclencher militairement la recomposition tant souhaitée par Israël et son nouvel allié, l’Arabie saoudite, des forces dans la région, et tordre le coup à ce que l’on nomme, le « croissant chiite ».

Plus souvent un mensonge est répété, plus il porte…
On retiendra que le président Trump - à quelques jours de l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem – a décidé de faire siennes les revendications parmi les plus radicales de Benyamin Nétanyahou… en dépit du bon sens et probablement, des intérêts propres des États-Unis d’Amérique. L’influence des groupes de pression dans la diplomatie américaine mis en évidence dans l’essai Le Lobby israélien et la politique étrangère des Etats-Unis des universitaires, John Mearsheimer et Stephen M. Walt, donne sans aucun doute des éléments pour comprendre les maux de la diplomatie américaine.
Toutefois ne jetant pas trop vite la pierre au magnat de l’immobilier, la diplomatie djiboutienne, sous la houlette de Mahmoud Ali Youssouf, n’est malheureusement pas en reste, que cela soit au Maroc pour dénoncer une supposée ingérence iranienne à travers le Front Polisario [9], au Yémen où se déroule un remake des scénarios irakien et libyen, ou encore dans la rupture des liens diplomatiques avec le Qatar alors que ce pays a permis à travers sa médiation entre autres la libération de quatre prisonniers de guerre déténus en Erythrée.
Après le Qatar, l’Iran n’est sans doute pas loin de penser que Djibouti a le cœur plus près du portefeuille… que du thorax !
« God knows where we’re heading », Marvin Gaye

Mahdi A.


 
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