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La face cachée... de la mer
 

Le nouvel eldorado des biologistes, c’est la microbiologie. Micro comme microbe, microscopique… Et pour cause, notre monde avec sa technologie ultra perfectionnée repousse toujours plus loin les frontières de l’invisible.
Or, les microbes, les bactéries, protistes, et virus, sont à la base de la vie sur Terre. Ils sont parfois nos pires ennemis - celles et ceux responsables de nos maladies- mais la plupart du temps nos meilleurs alliés. Sans les microbes, pas de digestion par exemple, et donc pas de vies animale et humaine. Notre peau ? Un écosystème varié, aux zones humides et arides où plus de 1000 espèces de bactéries s’ébattent. Alors songez à l’eau des océans… A l’échelle d’un microbe, serait-ce une galaxie, un univers ? Cette géographie et ces frontières de l’invisible, Tara Océans va les explorer sur toute la durée de son voyage circum-planétaire. Et l’eau de mer est loin d’être un simple liquide : il y grouille une quantité phénoménal de micro-organismes. Chaque millilitre de l’océan contient en moyenne un million de bactéries et 10 millions de virus. A l’échelle de votre baignoire contenant 150 litres d’eau, c’est 150 milliards de bactéries…
Mais qu’est-ce que qu’un nombre sans comprendre l’agencement de ces chiffres ? Il s’agit d’explorer comment tout ce beau monde interagit et se répartit dans l’eau. Que l’on soit bactéries, virus ou protistes, on vit : on absorbe des ingrédients et on en rejette d’autres ; on échange et communique ; on se reproduit et se multiplie – et ce n’est pas compliqué – enfin on meurt. Pour un microbiologiste, l’eau de mer n’est pas liquide : un gel plutôt, savant mélange d’êtres vivants, moléculaires et particules qu’ils fabriquent à longueur de journées. Comme sur notre bonne vieille Terre, les organismes morts sont décomposées, réduits en petites tailles par des spécialistes en la matière, puis ces morceaux sont eux-mêmes digérés et recyclés par d’autres, etc. La différences, c’est qu’ici l’échelles est de l’ordre du millimètre, voir du micro ou nanomètre, soit un million de fois plus petit qu’un millimètre… Face à un double décimètre, cela laisse rêveur.
La révolution en microbiologie, c’est d’être maintenant capable d’observer tout ce petit monde : les bactéries marines, aussi petites soient-elles, sont filmées lors de leur déplacement dans la jungle planctonique, et leur molécule d’ADN est traquée pour les identifier dans cet immense cirque océanique.
Mais ce gel vivant, que l’on appelle l’eau de mer, que contient-il à différentes profondeurs ? Sa composition varie-t-elle en fonction des eaux froides, chaudes, oxygénées, non oxygénées, salées ou non salées, acides ou non ? La tête vous tourne face à de telles interrogations. Celles des scientifiques aussi.
A bord de Tara, les voilà à la place des grands explorateurs des siècles précédents. Mais au lieu de découvrir des contrées sauvages arborescentes dépendantes des climats et des reliefs, ils plongent dans un univers un million de fois plus petit qu’eux. Lever le voile sur la face cachée de l’eau de mer et la rendre visible à la science pour en tirer des lois prédictives, c’est tout l’enjeu de l’expédition.
Lisa Garnier

Que pourriez-vous nous dire sur l’état des coraux, leur diversité, leur particularité en République de Djibouti ? Egalement pensez vous que l’effet du réchauffement climatique aurait pu perturber notre faune sous-marine ?

Andrews Baker

Dr. Andrews Baker (professeur de Biologie Marine, University of Miami, Florida, USA, spécialiste des algues symbiotique dans les coraux) : On peut d’autant mieux répondre à votre question qu’un des membres de notre équipe scientifique a eu la chance d’avoir pu plonger à Djibouti il y a maintenant près de 10 ans. Il a été agréablement surpris de retrouver le récif corallien 10 ans plus tard en aussi bonne qualité. Le milieu a été bien préservé ! Pourtant dans ce même laps de temps de part le monde, les récifs se sont fortement érodés, pas ici. C’est un fait assez rare, c’est une agréable surprise pour être signalé et ce d’autant plus qu’à cause du phénomène du réchauffement climatique, les coraux ont été soumis à de très fortes pressions : ce qui les a d’ailleurs amenés à blanchir et par conséquent à se détériorer ne pouvant plus se régénérer. Pourquoi Djibouti y a échappé ? Ceci peut s’expliquer par plusieurs raisons je crois : un tourisme peu intensif, une pêche raisonnable et raisonnée, des constructions respectueuses de l’environnement et enfin un littoral pratiquement peu habité. Egalement je pense que la géographie de la République de Djibouti a beaucoup interagi : Il faut savoir que les récifs coralliens sont très sensibles aux élévations de température, le fait que Djibouti soit brassée par des courants puissants d’eau froid remontant d’Afrique du Sud a sans doute contribué à maintenir une température ambiante constante des eaux territoriales.

Francesca Benzon

Dr. Francesca Benzon (coordinatrice scientifique Tara Expédition, Université de Milan-Bicocca, Italie, spécialiste en coraux)
L’objectif de la mission était de mettre en relief la particularité des coraux à Djibouti par rapport à ceux de la mer Rouge ou de l’océan Indien. Nous avons été surpris de rencontrer une telle richesse, aussi variée et plus nombreuse qu’au Yémen par exemple où il y a moins d’espèces malgré la proximité des deux pays. La composition de la faune corallienne de Djibouti étant très intéressante, c’est un genre de mélange de celle que l’on peut rencontrer dans l’océan Indien et dans la mer Rouge. On est vraiment là où les eaux se rencontrent, c’est évident ! Par ailleurs il nous a été donné de rencontrer aussi des lieux vraiment particuliers, comme le Goubet, où d’ailleurs ce fut une extraordinaire découverte pour nous car il n’existait pas de documents disponibles sur la composition et la diversité de la faune corallienne sur ce site. Nous ne savions pas du tout à quoi nous attendre. Finalement sur les 27 plongées que nous avons effectuées, 6 se sont déroulées sur le lieu dit du Goubet, et nous avons été surpris de constater que ce que nous avons vu là-bas est très différent des autres récifs de la République de Djibouti.
Dr. Andrews Baker  : Concrètement, on nous avait dit qu’il n’y avait pas beaucoup de coraux dans le Goubet, pourtant sur le versant du récif, la couverture du corail que nous avons rencontré est très importante, surprenante même sur de nombreux endroits, notamment par sa profusion. En général ce corail est différent de ceux que nous avons relevés précédemment à Moucha, Maskali, Obock ou bien encore à Tadjourah. La surface récifale n’est pas abondante comme nous avons pu le voir ailleurs, c’est beaucoup moins homogène au niveau de la distribution des espèces dominantes et de la diversité en général, mais il y a de très grandes différences entre les sites visités. Le Goubet a quelque chose de particulier, voire de très intéressant ! Pourquoi ? C’est une énigme pour nous à l’heure actuelle, nous allons nous efforcer de le découvrir. Ce que nous savons tout de même, c’est que cette vie s’organise autour d’une sorte d’enclos : celle-ci a un écosystème varié avec des espèces plus fréquentes ici qu’ailleurs, est ce que ces espèces arrivent à vivre mieux dans les conditions existantes au Goubet et pourquoi ? Nous venons de tenir une réunion à ce sujet cet après-midi avec le directeur du CERD, ainsi que celui de l’environnement et nous sommes tous bien conscients que ce travail que nous venons tout juste d’amorcer n’est qu’une première étape, beaucoup trop de questions restent en suspens et auxquelles il nous semble important de répondre.
Dr. Francesca Benzon  : A ce propos il me paraît important de souligner que nous menons ces travaux en parfaite harmonie et de concert avec le CERD et ministère, de l’Habitat, de l’Urbanisme, de l’Environnement et de l’Aménagement du Territoire, d’ailleurs l’Expédition Tara, n’aurait pu être possible sans le soutien et la contribution de nos partenaires scientifiques djiboutiens.

Les espèces rencontrées au Goubet seraient différentes de celles rencontrées dans les autres sites visités en République de Djibouti. Comment expliquez-vous ces différences ?
Dr. Francesca Benzon  : Je ne dirais pas que les espèces soit totalement différentes, je dirais qu’il existe une abondance relative au Goubet d’espèces qui se font plus rare dans le golfe d’Aden et inversement les espèces les moins nombreuses dans le Goubet sont très communes dans le Golfe de Tadjourah…
Dr. Andrews Baker  : Maintenant nous devons explorer des hypothèses ! Je suis biologiste moléculaire, pour être plus clair, j’étudie la génétique des coraux et surtout la génétique des algues symbiotiques. Les coraux sont des espèces de vies symbiotiques, il y a le corail qui est un animal très simple mais cet animal vie avec des algues, des toutes petites algues qui vivent dans le corps du corail. Chaque polype d’un corail, chaque partie d’un corail contient jusqu’à un million d’algues symbiotiques et ces algues réalisent de la photosynthèse. Les coraux fonctionnent un peu comme les plantes pour être plus explicite, mais ils restent tout de même des animaux à part entière. Ainsi j’étudie la génétique des algues symbiotiques afin de découvrir si à Djibouti il existe des algues capables de résister aux hautes températures, aux changements de climat. Par exemple en Arabie saoudite, dans le golfe Persique il nous a été donné de constater que les coraux sont parfaitement acclimatés aux changements du climat. Est-ce le cas à Djibouti également ? Cela sera à la base de nos recherches de comprendre ces interactions ! Vous comprendrez donc que notre équipe scientifique vient ici avec des questions auxquelles nous allons essayer de trouver de retour dans nos laboratoires respectifs des réponses vérifiables.

Lors de la visite du navire nous avons pu voir les nombreux prélèvements que vous avez effectués lors de vos différentes plongées, est-ce, à partir de ces éléments prélevés que vous allez tirer les conclusions de vos études ?
Dr. Andrews Baker  : En effet, ils vont être transférés à Milan dans le laboratoire du Dr Francesca Benzon tout d’abord pour les études sur les coraux, puis à Miami, en Floride, dans mon laboratoire pour la poursuite de cette étude sur les algues symbiotiques, d’ailleurs desquelles j’extrairais les ADN.
Dr. Francesca Benzon  : Les tubes contenaient également des prélèvements qui ont été réalisés en vue de l’étude sur la diversité bactériale associée aux coraux dont les travaux de recherche se dérouleront au centre scientifique de Monaco. Il faut savoir que les coraux se construisent sur des squelettes durs et sur lesquels ils bâtissent un milieu qui profitera et servira pour des millions d’organismes, allant des bactéries aux poissons. Personnellement à Milan, je travaillerai sur l’identification des espèces que l’on rencontre à Djibouti. Je les identifierai par rapport à leur variabilité morphologique car c’est souvent difficile de séparer les différentes espèces. Ainsi en partant de la morphologie et en rajoutant dans mes données les informations liées à l’ADN que transmettra par la suite mon collègue le Dr. Andrews Baker et ainsi par recoupement on arrive à les distinguer les uns des autres. Vous comprendrez que les travaux réalisés à Miami et ceux de Milan sont très liés, interdépendants. Nous allons utiliser les outils traditionnels que vous avez pu voir sur le Tara pour examiner comment les frontières entre espèces sont délimités. Si nous ne disposons pas de ce type d’informations il n’est pas possible de répondre à la question relative au nombre d’espèces présentes en république de Djibouti. Ces études prennent du temps, il faudra s’armer de patience, on peut escompter des résultats entre 6 ou 8 mois après leur arrivée à Milan avant de pouvoir communiquer une liste approximative du nombre d’espèces existantes à Djibouti.

Que pouvez-nous dire sur la composition des espèces de poissons en République de Djibouti ?

Ameer Abdulla

Dr. Ameer Abdulla (Group Leader Marine Biodiversity and Conservation Science, IUCN, Global Marine Programme, spécialiste en poissons) : Je me suis intéressé aux espèces de poissons récifaux présents dans la mer Rouge et ceux présents en République de Djibouti afin de relever les particularités existantes. Notez bien que Djibouti est brassée par de puissants courants océaniques très particuliers remontant d’Afrique du Sud et remplis richement en nutriment et en plancton.
Par ailleurs il n’y a pas de pêches intensives contrairement aux autres pays riverains, ici, l’écosystème est préservé. Du coup les liens entre corail et poissons sont très équilibrés. Il faut savoir que si la santé des récifs coralliens est bonne, les poissons seront abondants. C’est le cas à Djibouti.

Y a-t-il des poissons particuliers en République de Djibouti ?
Dr. Ameer Abdulla  : Non, pas particulièrement. On y trouve les poissons qui sont communs à la Mer rouge. De nombreux poissons de la mer rouge et de l’Océan indien y sont présents. Une très forte présence de plancton est à signaler, c’est important pour les requins baleines entre autres. Mais aussi très nutritif pour les poissons. La culture alimentaire des Djiboutiens fait qu’ils ne sont pas de grands consommateurs de poissons, ce qui explique sans doute la taille très importante des poissons qu’on y rencontre. Le phénomène de sur-pêche n’existe pas, c’est une très bonne chose.
Dr. Francesca Benzon  : Djibouti est très chanceuse de posséder un tel patrimoine aussi diversifié et aussi bien préservé !
Dr. Ameer Abdulla  : Néanmoins des programmes de gestion de la pêche pour mieux gérer la ressource devrait être mis en place. Il y a plusieurs façons de protéger son environnement, les outils ne manquent pas : instauration d’aires protégées, gestion de la pêche à travers une politique de quotas… Il est important de comprendre la dynamique, la manière dont cela fonctionne et aussi de disposer de bonnes bases de données afi n de mieux connaître le monde de la pêche à Djibouti : l’effort de pêche, combien de bateaux, le nombres de pêcheurs, le tonnage, la taille du marché local, les espèces les plus pêchées… La protection du récif implique que nous comprenions comment la population utilise et conditionne les produits de la mer. Il faut vraiment sauvegarder ces espèces, il est à craindre qu’avec la hausse de la population dans les années à venir que la pression sur la pêche puisse augmenter considérablement et nuire au repeuplement des espèces.

Combien d’espèces y a-t-il en République de Djibouti ?
Dr. Ameer Abdulla  : Je n’ai pas fait un comptage du nombre d’espèces présentes à Djibouti, je me suis plus intéressé à deux familles, les poissons prédateurs et les poissons herbivores. Ces informations sont essentielles si l’on souhaite obtenir des indicatifs pertinents sur l’état de santé du récif corallien. Il faut comprendre que nos plongées se déroulaient en deux séquences, une première dans la matinée et une seconde dans l’après-midi, chacune d’une heure à chaque fois. Aussi vous comprendrez qu’il n’était pas matériellement possible de pouvoir élargir mes travaux à d’autres éléments de recherche mais cela ne veut pas dire que ceci est inintéressant, au contraire je crois même qu’il est important de remettre la base de données disponibles à Djibouti sur les espèces de poissons présentes à jour, la dernière datant de plus de 25 ans.

Le Tara

Que pourriez-vous nous dire sur la qualité et la richesse de la faune sous marine de la République de Djibouti ?
Dr. Ameer Abdulla  : Elle est très riche, extrêmement belle, étonnant même sur de nombreux sites, tout particulièrement près d’Obock ! D’un point de vue scientifique cette mission était passionnante. Esthétiquement aussi, ce fut un véritable plaisir de plonger en République de Djibouti. Chaque plongée a été pour nous une découverte. Vous avez ici une telle richesse sous marine qu’il me semble important de la préserver. D’ailleurs la grande taille des poissons à Djibouti témoigne si cela est encore nécessaire de la grande productivité de vos récifs coralliens.
Dr. Andrews Baker  : Nous avons pu constater sur certaines zones du pays que la couverture récifale est excellente, elle est de l’ordre de 80 à 90%. C’est un niveau exceptionnel de couverture lorsque l’on sait que la moyenne ailleurs dépasse rarement 40 à 50 %, ce qui est d’ailleurs considéré comme de bonne qualité. Ce qui est le plus marquant, le plus frappant est que ce taux de couverture vaut pour presque tous les sites que nous avons visités. Nous n’avons malheureusement pas pu plonger auprès des îles des 7 frères pour des raisons conjoncturelles mais nous envisageons de poursuivre des travaux sur ce site qui selon les données à notre disposition serait le joyau des récifs coralliens de la République de Djibouti. Il faut bien comprendre qu’en ce qui nous concerne, ces travaux sur la qualité du récif djiboutien ne sont qu’à leur début : Ils doivent nécessairement connaître un prolongement.
Dr. Francesca Benzon  : C’est la particularité de Tara, contribuer à ce que tous les scientifiques de part monde puissent se rencontrer et travailler ensemble sur des domaines spécifiques : C’est le cœur du projet de l’Expédition Tara. Le partage, des connaissances et des expériences, est le seul maître mot de l’expédition. Merci Tara donc !

Auriez-vous rencontré au cours de vos plongées au Goubet, le monstre qui hante les fonds marins de l’île du Diable ?
Dr. Francesca Benzon  : Je dois reconnaître que j’avais vaguement entendu parler de l’histoire du professeur Cousteau sur le Goubet avant de plonger sur le site. D’ailleurs lorsque vous arrivez à près de 20 mètres de profondeur, et que vous avez en face de vous une visibilité quasi nulle et un fond tout noir vous ne pouvez vous empêcher de repenser à cette histoire sur le monstre du Goubet (petit sourire…) ! Pour rien vous cacher, j’ai arrêté de faire des photos à cette profondeur, je me suis dit que faire des flashs à cette profondeur sans voir ce qu’il y avait en dessous n’était peut-être pas très prudent… Mais bon ne le répétez pas, j’en suis pas très fière…
Dr. Andrews Baker  : Cette noirceur à cette profondeur scientifiquement s’explique très bien, son origine vient des sédiments qui s’y trouvent en fortes quantités. Par contre je comprends ma collègue Christina car lorsque vous êtes au fond de l’eau au Goubet, la sensation que l’on ressent est assez ambivalente, difficile à expliquer : c’est mystérieux !

Mystérieux ou inquiétant ?
Dr. Andrews Baker  : (Petit sourire…) C’est à la fois mystérieux et inquiétant !
Dr. Francesca Benzon  : Dans l’eau, c’est inquiétant et d’une beauté étonnante à la fois ; hors de l’eau, c’est mystérieux !
Dr. Ameer Abdulla  : J’ajouterais pour ma part que les poissons y sont très nombreux au Goubet et de tailles assez imposantes. Ceci s’expliquant certainement par le nombre de crevasses et de failles qui y sont présentes. Ces habitats naturels permettent aux nombreux poissons présents sur le site de se cacher des prédateurs, dont fait partie probablement le monstre du Goubet (Grand sourire…) !
Dr. Francesca Benzon  : Si vous permettez je voudrais ajouter que ce milieu est vraiment spécial, aussi particulier qu’exceptionnel. Le Goubet est un lieu unique au monde ! Je pense qu’il faudra rester extrêmement vigilant sur les questions environnementales en ce qui concerne la préservation de ce site. Les conséquences d’un désastre écologique sur ce lieu pourraient causer des conséquences irréversibles pour la faune sous marine. Il y a beaucoup, beaucoup à perdre au Goubet. Des projets sont en cours de réalisation à proximité de ce site, économiquement certainement intéressants et créateurs d’emplois c’est une bonne chose, mais il importe de concilier préservation de l’environnement et développement économique de manière harmonieuse. Pour ce faire, il me semble important d’évaluer annuellement les conséquences sur l’écosystème du Goubet afin d’avoir l’opportunité de corriger le tir, le cas échéant, et par là même de minimiser les dégâts qui auraient pu être occasionnés à la beauté et à la richesse exceptionnelle du lieu. Ce n’est pas un coin mort, ce n’est pas un coin monstrueux, c’est un lieu magnifique, un lieu très unique ! Il doit être sauvegardé…

Entretien réalisé par Mahdi A.

Daniel Cron, capitaine en second du navire Tara, nous décrit avec enthousiasme l’appareil scientifique dont il est le plus fier : la plateforme CTD.

La CTD (Conductivity-Température-Depthprofilers) est une sorte « d’ingénieurs maître » à tout faire dont la qualité principale est surtout d’associer une caméra de haute résolution à une batterie de capteurs qui mesurent la salinité, la température et la profondeur, et préside à l’ouverture de bouteilles recueillant les échantillons qui serviront plus particulièrement aux spécialistes de la biologie moléculaire et taxonomiste.
Elle saisit donc des « instantanés » de la vie planctonique et produit 25 images/secondes, in situ. La CTD permettra de rendre compte de la structure physique, chimique et biologique de la colonne d’eau étudiée. L’appareil pourra être immergé jusqu’à la profondeur de 2 000 m !
Le prélèvement et les mesures durant les profils verticaux permettront également d’étudier les relations et les comportements réciproques entre les espèces végétales et animales dans leur milieu physico-chimique. Ces données seront mises en relation avec les images satellitaires, lesquelles déterminent les conditions de surface des océans (courants, température, chlorophylle). Ainsi il sera possible de relier les vastes étendues vues de l’espace et les profondeurs exploitées par la CTD.
Les données seront traitées à bord à l’aide d’une fl opée de logiciels, et d’un ingénieur travaillant à bord avec les scientifiques. En couplant la caméra de la CTD à des indications physicochimiques, nous dresserons une carte détaillée de l’écosystème planctonique dans son ensemble. Nous allons pouvoir observer, stocker des données de tous ces groupes vivant dans leur élément naturel. Nous allons aussi, grâce aux dimensions multidisciplinaires de l’appareil, mieux évaluer les effets de l’acidifi cation des eaux sur les écosystèmes.
Enfin nous offrons une meilleure vue aux satellites d’observation de la surface des océans.
Nous allons en effet calibrer les images satellitaires en collaborant avec les agences spatiales telles que la NASA. Les cartes biogéographiques seront ainsi complétées, voire modifiées. Peut-être ne sommes nous pas à l’abri de surprises, comme de s’étonner peut-être, dans certaine partie du monde, d’une richesse insoupçonnée du vivant, là où on s’attendrait à des déserts marins.

 
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