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Le SPAD et la liberté de la presse
 

Les journalistes du SPAD se sont retrouvés le 3 mai à l’hôtel Rayan pour célébrer la Journée mondiale de la liberté de la presse. Des journalistes chevronnés et des personnalités du milieu universitaire ont échangé sur la liberté de la presse, reconnue comme « un préalable et une condition sine qua none à l’état de droit et la démocratie ». Tour d’horizon…

« Des esprits critiques pour des temps critiques : le rôle des médias dans des sociétés pacifiques, justes et inclusives ». L’Unesco a retenu une thématique sans équivoque pour célébrer la Journée mondiale de la liberté de la presse, édition 2017.
Sans gloser sur ce choix, la presse est invitée à prendre à bras le corps sa mission première et finalement sa raison d’être : traiter l’information dans la plus grande transparence, la plus extrême rigueur, et être le juste médiateur entre l’ensemble des acteurs de la société, afin de défendre un modèle de société bâti sur la paix, la justice et l’inclusion.
Un thème qui renvoie vers l’esprit et les grandes lignes des Objectifs du développement durable 2015-2030. Peut-être parce que l’un ne va pas sans l’autre, ou que l’un est le complément, voire l’ingrédient essentiel, de l’autre !
Plus généralement, la Journée mondiale de la liberté de la presse permet chaque année de célébrer un principe fondamental. C’est aussi l’occasion d’évaluer la situation à travers le monde, de défendre l’indépendance des médias et de rendre hommage aux journalistes qui ont perdu leur vie dans l’exercice de leur profession.
Ce temps fort de la communauté de la presse et des médias à travers le monde est un important moment de mobilisation pour le Syndicat de la presse et de l’audiovisuel à Djibouti (SPAD), pour faire l’état des lieux sur cette liberté dans notre pays. Est-elle bafouée ou respectée ? Comment se mobiliser pour l’acquérir ou la renforcer face aux entraves, manquements ou déficiences… En un mot, proposer des états généraux de la presse et des médias.
Quel meilleur prétexte pour notre syndicat de porter le débat au niveau de la société toute entière, puisque la liberté de la presse est un ingrédient essentiel à la transparence et à la démocratie, et donc à l’état de droit ? Le plaidoyer du président du SPAD, Kenedid Ibrahim Houssein, n’a pas fait mystère de ce combat au quotidien : « À Djibouti, ces dernières années la situation des médias semble s’améliorer avec la mise en place du statut du personnel de la presse et de l’audiovisuel même si beaucoup d’améliorations doivent être apportées quant à l’application totale de ce statut ». Il a déploré la disparition « de la liberté de ton, les critiques et les analyses » au détriment du compte rendu d’évènements purement factuel. Ce qui n’élève pas le débat, somme toute !
Une alerte en bonne et due forme pour lancer la réflexion autour d’une série de questions existentielles pour l’avenir des médias à Djibouti. « Le journaliste s’acquitte-t-il de son travail convenablement ? Y a-t-il ou non une marge de manœuvre pour le traitement de l’information ? Surtout lorsque les médias sont piégés dans un terrible dilemme entre l’appartenance au secteur public (RTD, La Nation, Al Qarn, Djib-Post) ou à une opposition souvent farouche voire virulente (Réalité, Le Renard…). Une dualité qui pose question et ne favorise pas un juste traitement de l’information au service du citoyen.

Pour en parler, le regard d’une plume affinée et d’une signature respectée comme celle d’Abdi Mohamed Farah (AMF, pour les lecteurs de La Nation) avait toute sa pertinence. Il a longuement parlé du journalisme à Djibouti, mettant ses collègues face aux nombreux défis du temps présent, engageant le débat sur les mutations technologiques et leurs conséquences sur le travail du journaliste. Mais aussi en esquissant les discussions à mener pour anticiper l’avenir. AMF a enjoint ses camarades de « s’engager individuellement et collectivement dans les sujets de l’heure, dans la détermination et l’action commune pour rester inventif et réactif face aux évènements de nature à brider cet élan ». Un message de sagesse et de conviction qui a fait mouche.
Pour être pertinent et complet, le diagnostic exigeait et imposait même un autre regard. Celui d’une experte, observatrice avisée de la scène médiatique, le Dr Amina Saïd Chiré, figure éminente de la recherche universitaire djiboutienne. Dans notre pays, a-t-elle d’abord constaté, la presse est l’otage d’une dualité incommodante entre appartenance au secteur public ou aux médias d’opinions. Ce qui n’avantage guère la liberté, l’équité et le professionnalisme dans le traitement de l’information.
L’autre ennui de taille, a-t-elle relevé, est le flou qui entoure la profession de journaliste dans l’esprit du citoyen, qui l’assimile souvent à du militantisme, voire du pure mercenariat. « Ce ne sont que des gratte-papiers et de vils reporters incapable de la moindre analyse, de la plus simple critique, jamais prompt à décortiquer ou démêler le vrai du faux » peut-on entendre souvent, et ce procès en sorcellerie est tout aussi préjudiciable à la presse a-t-elle ajouté. 
Une impasse qui appelle des réflexions et des solutions. Impliquer la société civile dans ce débat pour reconnaître le travail d’une presse qui cherche à informer, mais également à apporter de la transparence dans la gestion des affaires publiques en tentant de démêler le vrai du faux dans ce qui touche à la vie publique, sont autant de pistes de travail pour venir à bout de ces difficultés, qui peuvent concerner également le travail des chercheurs et des universitaires dans leurs observations et leurs commentaires de la vie et l’action publique. 

Au-delà de ces pistes de réflexion, les leaders syndicaux, les élites de la presse et les chercheurs de l’Irica [1] se sont mis d’accord sur la nécessité de convoquer des états généraux de la presse en impliquant la société civile et les responsables politiques pour réaffirmer et défendre ensemble cette liberté si chère et si nécessaire pour la transparence, la démocratie et le pluralisme. Rendez-vous a donc été pris pour enfin briser les tabous et pratiquer avec passion cette liberté chérie qui parfois coûte leur vie aux plus téméraires de nos confrères ailleurs dans le monde ! 
 
Mohamed Ahmed Saleh


[1Nouvelle association de chercheurs djiboutiens, présidée par Amina Saïd Chiré, voir le site en ligne.

 
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