Human Village - information autrement
 
Comment mieux vivre avec un handicap ?
par Daher Osman Karié, novembre 2009 (Human Village 9).
 

Dans les pays en voie de développement, le handicap conduit fatalement à la marginalisation et à l’exclusion, comme si les victimes s’étaient rendues coupables de leur infirmité. Outre le fait de vivre avec leur handicap, les infirmes doivent également apprendre à gérer leur invisibilité et évoluer dans une société qui les ignore et où chaque geste de la vie devient un combat.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitions mettre un coup de projecteur sur une association qui lutte pour la cause des handicapés : « Vivre plus fort ». Située au croisement de l’avenue 13 et du boulevard de Gaulle, cette association créée en 2003 compte plus de 500 adhérents parmi lesquels des enfants et des adultes de tout âge. Nous avons rencontré pour vous son président, monsieur Abdoulkader Yacoub, un homme charmant de 37 ans. Vivant maritalement, l’intéressé travaille à l’antenne de Balbala de I’ONEAD en qualité de contrôleur du personnel. Il est membre fondateur et président de la Fédération djiboutienne d’handisport et représente également la jeunesse djiboutienne au sein du Conseil national de la jeunesse djiboutienne. Un récit poignant !

Nous sommes un jeudi après-midi et je me dirige en me dépêchant vers le siège de l’association pour y rencontrer l’intéressé. Arrivé sur les lieux, je constate que mon interlocuteur n’est pas présent. J’en profite pour découvrir le siège de cette association. L’état des lieux semble inapproprié au fonctionnement d’une association, tant et si bien qu’on s’imaginerait mal que de quelconques activités puissent s’y tenir. Le manque de moyen est saisissant et vous devinez dans le regard des personnes présentes, une pauvreté qui confine à l’indigence. Notre rencontre ne se fera que le samedi suivant et j’en ai gardé un agréable souvenir. L’homme est ponctuel et sa courtoisie n’a d’égale que l’enthousiasme qu’il dégage. Le jeu des questions et des réponses aidant, j’en apprends un peu plus sur l’association au fur et à mesure que se prolonge notre entretien.
L’idée de créer cette association a d’abord germé dans l’esprit de l’actuel président de la Cour des comptes, monsieur Mahamoud Hassan, lui-même étant une personne à mobilité réduite. A la suite de la création des l’association, la charge de la gestion de ses activités a été confiée à monsieur Abdoulkader Yacoub.
Sa maîtrise du sujet en dit long sur sa profonde motivation et l’intérêt qui l’animent. En effet, c’est sous son impulsion que l’association a pris part aux travaux du 2e Congrès de l’UPJ de la jeunesse qui se sont déroulés à Brazzaville du 29 juillet au 1er août 2008. Plus récemment, l’association a été récemment sélectionnée pour participer à la réunion de l’Assemblée générale de I’ECOSOC qui s’est tenue du 21 et 23 mai dernier au Cameroun.
L’association se donne comme objectif principal de sensibiliser les pouvoirs publics et la société civile à la problématique du handicap afin que des solutions soient trouvées en vue de leur insertion sociale. Cette initiative s’avère plus ardue dans la mesure où le handicap englobe plusieurs volets tels que la santé, l’emploi ainsi que l’éducation ou la formation professionnelle.
J’apprendrai par la suite que par le passé, le siège de l’association était l’une des premières écoles primaires publiques du pays autrefois gérée par l’Unesco, avant d’être cédée à titre gracieux à l’association par le président de la République au début de l’année 2004. C’est ce même siège en état de délabrement avancé qui fait office de salle de réunion, de lieu d’échange et de travail pour l’association (recensement des personnes handicapées, planification des projets et d’une manière générale, faire un plaidoyer en faveur de l’amélioration des conditions d’existence des personnes handicapées).

Comme toute association ou organisation de la société civile, les difficultés auxquelles est confrontée l’association des handicapés sont nombreuses, au premier rang duquel le manque de moyens à l’origine des problèmes de trésorerie. Elle n’a comme source de financement que les cotisations de ses membres. Les adhérents ont pour la grande majorité d’entre eux beaucoup de mal à s’acquitter de leur cotisation conformément aux dispositions statutaires de l’association. Les handicapés vivent très mal leurs conditions d’existence et voient leur infirmité comme une fatalité, d’où le sentiment d’exclusion et de repli sur soi.

II est à noter toutefois avec satisfaction l’assistance ponctuelle apportée à l’association, comme l’ouverture à titre gracieux de onze cabines téléphoniques en août 2008. Ce projet financé par la société Djibouti Télécom en partenariat avec l’organisation caritative Diwan Az-Zakat, a permis à ces bénéficiaires de créer de petites activités génératrices de revenus.
En termes d’emplois, trois jeunes ont été recrutés par l’entreprise Coubeche et un autre à la RTD suite à l’adoption d’un système de quota. Malgré leur succès relativement important, ces mesures dites de discrimination positive restent insuffisantes en raison de la persistance des inégalités et de la non application des lois en vigueur. Ces inégalités revêtent plusieurs formes comme l’absence de facilitation dans l’accès aux soins, l’inexistence d’un tarif préférentiel pour les consultations et l’achat de médicaments ainsi que les infrastructures spécialisées (salle de massage, de kinésithérapie, de fabrications d’orthèses et/ou de prothèses etc.). Il est navrant de constater à cet égard que les handicapés djiboutiens se rendent à Jijiga (Éthiopie) ou à Hargeisa (État autoproclamé du Somaliland) pour bénéficier de l’assistance d’organisations non gouvernementales telles Handicap International, Care ou Save the Children pour ne citer que celles-là.

La faible place laissée à ces initiatives non gouvernementales est décriée par l’association qui dénonce l’aggravation d’une situation déjà préoccupante. L’association des handicapés « Vivre plus fort » a lancé un appel pour que le gouvernement prenne en considération les besoins spécifiques de ses membres et multiplie par conséquent les activités de coopération avec les organisations caritatives en vue de leur installation à Djibouti.
Le succès de cette initiative repose sur une prise de conscience et une volonté politique au plus haut niveau de l’État. Un premier pas a été fait clans ce sens avec l’approbation lors de la 6e séance du Conseil des ministres en date du 21 avril 2009, du projet de ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif s’y rapportant.
Ces deux textes adoptés par l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 2006, engage les États signataires à adopter toutes les mesures appropriées pour mettre en œuvre les droits des personnes handicapés, à les prendre systématiquement en compte dans toutes les politiques et les programmes et, enfin, lutter contre toutes les formes d’inégalités et de discrimination dont ils sont ou susceptibles d’être l’objet.

Le président de l’association a fait montre de sa préoccupation par rapport à la situation de détresse sociale, notamment les nombreux cas désespérés d’enfants ou de groupes vulnérables dont l’Unicef et les acteurs concernés ignorent l’existence. Aussi a-t-il appelé de ses vœux la transmission sans délai de ces deux projets de loi, pour adoption à l’Assemblée nationale ainsi que la prise effective par le gouvernement des instruments de ratification nécessaires à leur entrée en vigueur.
Parmi les activités réalisées par l’association, figure la célébration de la journée mondiale des handicapés à Djibouti le 3 décembre de chaque année et la participation aux 12e et 13e éditions du semi-marathon de Djibouti sous forme d’organisation d’une course de 800 mètres au stade Hassan Gouled Aptidon.

Sous l’égide du ministère de la Promotion de la femme, du Bien être familial et des Affaires sociales, deux jeunes handicapés ont pris part aux olympiques spéciales (à ne pas confondre aux jeux para olympiques) à Abu Dhabi en novembre 2008 puis à Boise, la capitale de l’État de lIdaho (États-Unis) en février 2009.
En sa qualité de président, monsieur Abdoulkader Yacoub participe à des émissions radiophoniques de grande écoute comme Dood furan (« débat ouvert ») ou Ra’yiga dadwaynaha (« l’opinion publique ») pour sensibiliser les auditeurs sur les droits des personnes handicapées. C’est également sous son impulsion que la fédération djiboutienne d’handisport organise des festivités sportives et culturelles au CDC du quartier 5.
Pour ma part je me suis particulièrement réjoui de l’annonce de la réhabilitation du siège de l’association grâce à l’appui déterminant du secrétaire d’État à la Solidarité nationale, monsieur Mohamed Ahmed Awaleh. L’association compte ouvrir à moyen terme un atelier de montage de fauteuils roulants, développer l’artisanat et la broderie en vue de réduire la fracture et l’exclusion sociale des personnes handicapées.

Un autre volet qui mérite une attention particulière est, à mon sens, l’alphabétisation des personnes à mobilité réduite, car elles ne bénéficient pas à l’heure actuelle des programmes d’alphabétisation ou de distribution de vivres en usage à I’UNFD par exemple. C’est au moment d’apporter une touche finale à cet article, que j’ai appris avec satisfaction ce jeudi 17 septembre, la pose de la première pierre marquant le début des travaux de réhabilitation du siège de l’association.

En conclusion, il m’échoit l’honneur de me faire l’interprète des souhaits de mon interlocuteur en vous communicant le message suivant : l’association compte, entre autres, parmi ses adhérents, une trentaine de jeunes handicapés titulaires du baccalauréat ou du brevet qui n’attendent qu’on leur donne une chance de garder leur dignité en travaillant. Ce message s’adresse en particulier à tous ceux qui veulent aller au-delà de la compassion et donner un sens à leur engagement en faveur de leurs concitoyens les plus vulnérables.
Les éventuels employeurs intéressés par ce message sont priés de rentrer en contact avec le président de l’Association des handicapés « Vivre plus fort » à cette adresse : Association « Vivre plus fort »
Croisement du boulevard de Gaulle et de l’avenue 13
Tél. : 85 32 37
Courreil : handlcaprtd@yahoo.fr

Daher Osman Karié

 
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