Loin des feux de la rampe et des effets de manche, la justice djiboutienne instaure difficilement un dispositif de traque des voyous en col blanc. La lutte contre les fortunes mal acquises ne se fait pas avec la volonté, la détermination, ni la précision chirurgicale nécessaire.
Les autorités centrales du pays avancent à petits pas, avant de reculer, dans la direction des voyous en col blanc qui pensent se soustraire à la justice de leur pays en se planquant aux quatre coins du monde. La méthode suivie par Djibouti pour récupérer l’argent détourné n’est pas spectaculaire, mais surtout à plusieurs reprises elle n’a pas démontré son efficacité.
Le gel par les autorités djiboutiennes des avoirs et des biens appartenant aux voyous en col blanc n’a pas eu lieu pour le moment. Cela montre l’inefficacité tranquille d’un État qui ne planifie pas, comme il le devrait, la traque des fortunes illégalement acquises. Et si l’on veut évaluer l’efficacité du déploiement de la justice djiboutienne à l’étranger, c’est un exemple parfait puisqu’aucune demande d’entraide judiciaire n’a été lancée. Plus qu’un simple évènement, cette inefficacité annonce certainement d’autres défaites de Djibouti dans la poursuite des individus pris la main dans le sac pour détournement de fonds.
Le président de la République qui, au tout début de son mandat, avait fait aux Djiboutiens la promesse de lutter contre la corruption et de récupérer une grande partie des fonds détournés, n’a visiblement pas marqué de points sur ce front. On se souvient des commentaires qui prévoyaient l’échec d’une telle entreprise, arguant de ceux rencontrés par de nombreux autres pays. Et force est de constater qu’à bien suivre l’évolution du dossier djiboutien, le scepticisme est de plus en plus évident. L’absence d’une volonté politique dans la lutte contre la corruption se fait sentir !
Des accords d’extradition et les gels des avoirs, en particulier à l’étranger, devraient permettre à Djibouti de resserrer l’étau autour des criminels, qui verraient leur espace se réduire de jour en jour. Ils devraient désormais s’informer avant d’entreprendre le moindre voyage, et surveiller de très près les déplacements des ministres de la Justice et de l’Intérieur, des juges djiboutiens et des autres fonctionnaires liés de près ou de loin au dossier de la récupération des fonds détournés.
La traque prendrait ainsi toute sa force et des résultats concrets ne tarderaient pas arriver. Une difficulté est cependant peut-être la crédibilité de la justice djiboutienne à l’étranger. Que ce soient les pays arabes ou occidentaux, les partenaires de Djibouti, n’accorderent peut-être pas beaucoup d’intérêt à des demandes formulées par un État indépendant qui traîne, jusque ici, une réputation de mauvais traitement et de procès injustes.
Toutes les critiques que l’on peut entendre sur la justice ne relèvent pas de l’objectivité mais du discours politique. Aucun système judiciaire ne peut échapper à la logique de la brebis galeuse. Cela les gouvernants étrangers le savent parfaitement pour l’avoir expérimenté dans leur propre pays. C’est cette relation réciproque, que devraient partager Djibouti et tous les autres pays, qui ferait craindre le pire aux voyous en col blanc.
Bolock Mohamed Abdou