Conformément à la loi, le ministre de l’Intérieur, Hassan Mohamed Omar, a publié dimanche 5 février 2017, les quinze listes retenues sur l’ensemble du territoire national [1] pour concourir aux troisièmes élections régionales et communales. Les dates d’ouverture et de fermeture du scrutin sont codifiées par le décret 2017-040. La campagne débutera samedi 11 février à minuit et prendra fin mercredi 22 février 2017 à la même heure. Le vote aura lieu le vendredi 24 février 2017. Les quinze listes retenues sont :
Ville de Djibouti
Commune de Ras Dika
– Liste du groupement des partis politiques UMP (Union pour la majorité présidentielle), tête de liste Ibrahim Saïd Badoul
– Liste indépendante ICP (Initiative citoyenne pour la promotion de Ras Dika), tête de liste Mourwan Mohamed Robleh
Commune de Boulaos
– Liste du groupement des partis politiques UMP (Union pour la majorité présidentielle), tête de liste Fatouma Awaleh Osman
– Liste du parti U.D.J. (Union pour la démocratie et la justice), tête de liste Warsama Houssein Moussa
Commune de Balbala
– Liste du groupement des partis politiques UMP (Union pour la majorité présidentielle), tête de liste Waberi Nour Eleyeh
– Liste indépendante Nassib, tête de liste Mohamed Issa Farah
Région d’Obock
– Liste du groupement des partis politiques UMP (Union pour la majorité présidentielle), tête de liste Mohamed Houmed Ismaïl
Région de Tadjourah
– Liste du groupement des partis politiques UMP (Union pour la majorité présidentielle), tête de liste Omar Houssein Omar
– Liste indépendante Se 17 (Société civile 2017), tête de liste Yacin Daoud Alwan
Région d’Arta
– Liste du groupement des partis politiques UMP (Union pour la majorité présidentielle), tête de liste Elmi Bouh Goudaneh
– Liste du parti U.D.J. (Union pour la démocratie et la justice), tête de liste Mohamed Djama Farah
Région d’Ali Sabieh
– Liste du groupement des partis politiques UMP (Union pour la majorité présidentielle), tête de liste Omar Ahmed Waiss
Région de Dikhil
– Liste du groupement des partis UMP (Union pour la majorité présidentielle), tête de liste Abdourahman Yonis Arreh
– Liste du parti U.D.J. (Union pour la démocratie et la justice), tête de liste Abdoulkader Hoch Hared
– Liste indépendante Wanag Dikhil, tête de liste Moussa Hoch Abrarre
Des listes ont été invalidées
Les motifs pour lesquels certaines listes n’ont pas été autorisées à concourir pour ces échéances électorales ne sont pas encore connus. Aussi, pour éviter que s’immisce le venin du soupçon sur les résultats à venir, le ministère de l’intérieur devrait rapidement apporter les éclaircissements nécessaires, en particulier en précisant le nombre de listes qui ont candidatées pour concourir sur l’ensemble du territoire et d’expliquer très clairement - afin d’effacer les soupçons d’un supposé verrouillage du scrutin – pour celles qui n’ont pas été retenues, les raisons qui les ont disqualifiées. Quelles sont les conditions nécessaires à leur candidature qui n’étaient pas remplies ?
Ceci dit, pour rappel, toute liste interdite d’enregistrement, ou dont l’enregistrement a été rejeté, peut se pourvoir devant la « section spécialisée dans le contentieux administratif créée auprès de la Cour de justice de Djibouti » [2] aux fins de se voir rétablir dans ses droits. « Celle-ci doit statuer dans les deux (2) jours. Faute d’une décision dans ce délai, la déclaration de candidature doit être enregistrée ».
Les partis de l’opposition boycottent le scrutin
Dans un communiqué en date du 19 janvier 2017 relatif aux élections régionales et communales, Abdourahman Mohamed Guelleh, coordinateur-délégué de l’Alliance des mouvements pour l’alternance et la nation (AMAN, qui regroupe l’ARD, le RADDE et le CDU), remet en cause l’engagement des autorités djiboutiennes à mener une véritable politique de transferts de compétences aux collectivités territoriales, dénonçant ce qu’il considère comme une « violation de l’accord de paix (…) signé en 2001 avec le FRUD-armé d’Ahmed Dini Ahmed ». Il ajoute que « depuis 2002, cela fait quinze années que le régime de Djibouti se targue d’une politique de décentralisation. Les assemblées régionales et communales issues des élections de 2006 et 2012 ont démontré que celles-ci n’ont ni le pouvoir politique ni les moyens adéquats en vue de bien mener leur programme de développement régional ou communal » [3].
Concernant les difficultés, mais également les lenteurs de la mise en œuvre de la réforme de la décentralisation entamée en 2002, Abdoulkader Hassan [4], auteur d’un ouvrage sur la décentralisation à Djibouti [5], livre dans un article récemment publié dans les colonnes de La Nation [6], un diagnostic de la question en mettant notamment en exergue les défis/obstacles qu’il faudra nécessairement résoudre si l’on souhaite aller plus en avant dans cette importante réforme institutionnelle : « Le manque de fiscalité locale sape le travail des élus qui n’ont pas les coudées franches pour s’acquitter de leur mission. Il fait noter aussi des incohérences au niveau des textes qu’il faudra corriger dans le futur ». Et d’enfoncer le clou sur un constat lapidaire, « lorsque les autorités agissent, notamment par le biais de textes normatifs, on assiste à des lenteurs et des délais importants entre le vote des lois et leur application concrète par des décrets. À cet égard, certains décrets d’application de la loi de 2002 ont été publiés cinq ans plus tard. Ce retard démontre la réticence de l’Etat central à respecter l’agenda de mise en œuvre du processus de décentralisation ».
Sans trop s’avancer on peut considérer que l’alliance des mouvements de l’opposition partage l’analyse du conférencier Abdoulkader Hassan [7]. Et que les justifications/motivations de leur boycott ne seraient pas trop éloignées du constat posé par le conférencier. « Vu l’extrême sous développement des régions et des communes à cause de la confiscation des pouvoirs des collectivités décentralisées par l’exécutif djiboutien. L’Alliance des mouvements pour l’alternance et la nation (AMAN) a décidé de ne pas participer à une élection qui ne présente aucun enjeu de développement pour les collectivités territoriales décentralisées », conclu le communiqué de ce mouvement.
On notera enfin que le rapport d’évaluation MAEP des « éminentes personnalités du panel » sur Djibouti, apporte également un éclairage qui confirme la thèse développée par Abdoulkader Hassan, notamment en se basant sur le degré d’application du décret n° 2007-0099 du 3 mai 2007 « portant transfert et répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales qui n’a pas été mis en œuvre, sauf pour l’état-civil, la voirie locale, ainsi que pour l’organisation de jeux culturels et sportifs. La faiblesse des moyens financiers et l’insuffisance des compétences humaines rendent difficile voire impossible, la prestation de ces services. D’après certaines autorités régionales, la Commission de transfert des compétences, présidée par le secrétaire général du ministère de l’Intérieur, n’a jamais tenu sa première réunion » [8].
En mal de leadership féminins, une femme parrainée pour la mairie de Djibouti…
On peut penser que le constat posé par les éminentes personnalités du MAEP, sur « la faiblesse du leadership politique féminin (qui) exerce un impact négatif sur le développement du leadership économique des femmes », aura contribué à ouvrir le débat. C’est ainsi que comme recommandé par ce rapport, la ministre de la Femme et de la famille, Moumina Houmed Hassan, qui souhaite également voir « émerger des leaders féminins au sein de nos futurs conseils municipaux », a mené une campagne soutenue « pour la promotion des droits de la femme et combattre les facteurs socioculturels qui pèsent lourdement sur le statut de la femme (gouvernement, société civile) » [9]. A travers notamment un atelier dont l’intitulé, « En mal de leadership féminins », devait donner le ton aux nouvelles opportunités d’avancement revendiquées par les femmes pour une large insertion dans les sphères politiques et économiques. Leur espoir et leur attente semblent avoir été exaucés, puisque l’on voit finalement se mettre en place un scénario inattendu dans lequel Madame Fatouma Awaleh Osman [10] serait la future maire de la capitale.
Mahdi A.
[1] La Nation, lundi 6 février 2017.
[2] Loi n°174/AN/02/4ème L du 7 juillet 2002 portant décentralisation et statut des régions, article 23.
[4] Docteur en droit public, avocat au barreau de Djibouti.
[5] Abdoulkader Hassan, La décentralisation en République de Djibouti : cadre juridique et institutionnel, Paris, Karthala, 2013, 226 p.
[6] La Nation, lundi 23 janvier 2017, voir en ligne.
[7] La conférence sur « La décentralisation à Djibouti, limites administratives et politiques » organisée par l’organisme de recherche Irica, s’est déroulée à l’hôtel Rayan le samedi 21 janvier 2017. Voir aussi l’atelier organisé par le SPAD sur le même sujet, et la réponse du ministre chargé de la Décentralisation.
[8] Rapport d’évaluation MAEP des éminentes personnalités du panel sur Djibouti, novembre 2015.
[9] La Nation, 16 janvier 2017.
[10] Fatouma Awaleh Osman est directrice des statistiques, des études prospectives et des affaires juridiques au ministère de l’Équipement et des transports.