Depuis, hier, vendredi 28 juin, des propos de juin 2023 tenus par l’alors députée Rassemblement national Joëlle Mélin, à propos des occupants d’un centre d’accueil de migrants à Gémenos (Boûches-du-Rhône), et rapportés par le quotidien régional La Provence [1] circulent sur les réseaux sociaux djiboutiens.
L’installation en 2017 d’un centre d’accueil Prahda (programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile) d’une cinquantaines de places, avait créé des tensions parmi les habitants de cette petite commune provençale. Certains avaient alors mal pris que l’office français de l’immigration et de l’intégration (Ofil) puisse installer des demandeurs d’asile dans leur localité. Voir débarquer des étrangers effrayait des résidents. Conscients des craintes et des interrogations que cela risquaient de soulever au sein de la population, le maire, Roland Giberti, et le préfet avaient tenu une réunion d’information publique pour expliquer la démarche et atténuer les peurs suscitées par cette initiative. Ces discussions publiques n’ont pas empêché des réaction furieuses et très exagérées de certains participants aux débats : « Nos maisons vont perdre de la valeur ! Que vont-ils faire de leur temps s’ils sont désœuvrés ? Nous avons peur pour nos enfants ! Seront-ils libres de circuler ? Auront-ils un couvre-feu ? Je mettrai le fusil sous le lit ! […] Une femme avait demandé au préfet de lui garantir que sa fille ne se ferait pas violer ».
Alors que le centre passe progressivement à 88 places, ce « violent rejet a provoqué une solidarité toute aussi forte en réaction », explique Paul Massiani, responsable de la Croix-Rouge au sein du centre, qui explique « qu’au début, nous avions pour règle de prudence d’être au minimum deux lors des cours de français. Mais nous avons vite arrêté, il n’y a jamais eu d’agressivité, pourtant les bénévoles sont en majorité des femmes à la retraite et elles ne font pas de krav-maga. »
Six ans après, aucune trace du chaos annoncé
Un comité de pilotage regroupant habitants, Adoma, préfecture, mairie et forces de l’ordre se met en place à l’été 2017. « Tout le monde était représenté, cela s’est déroulé dans un climat serein. On a espacé les réunions, puis elles n’ont plus eu de raison d’être. Ce serait mieux s’ils n’étaient pas là, mais ils le sont, et ils ne posent pas de gros problèmes. Au début, c’était parfois agité, certains sont partis à Paris, et il y a eu quelques bagarres. Mais depuis, honnêtement, je ne suis pas au courant », détaille Roland Giberti, le maire de Gémenos.
Six ans plus tard en effet, l’expérience est saluée par les personnes interrogées par le journaliste Iounès Disdier. La cohabitation n’a pas posé de problème et la pagaille annoncée ne s’est pas produite.
L’intervention de la députée
C’est dans ce contexte qu’en juin 2023, la députée RN Joëlle Mélin a déclaré : « Je reste opposée à ce centre. Entendons-nous bien : je suis pour un accueil dans la dignité, mais contre le fait de les prévenir de leur expulsion, ce qui leur laisse tout loisir de partir. Je les préfère cent fois à Djibouti, ils sont mieux dans leur milieu naturel ». Ces propos ont alors été condamnés par la Ligue des droits de l’homme [2].
Aujourd’hui, Joëlle Mélin, réinvestie par son parti, se représente aux élections.
Pourquoi Djibouti ?
Pourquoi cette députée, alors membre de la commission des affaires sociales, désigne-t-elle Djibouti comme lieu de vie « naturel » pour des demandeurs d’asile en France ? Peut-être ne connaît-elle du « Sud global » que Djibouti, ancienne colonie française où de nombreux Français ont effectué une partie de leur service militaire dit « long », avant que Jacques Chirac ne décide la professionnalisation de l’armée et donc la suspension du service national en 1997. Cela nous confirme la pauvreté intellectuelle de cet ancien médecin, dont le parti ambitionne de gouverner son pays.
Paraphrasant le diplomate Gérard Araud, on ne peut que s’interroger : comment la France peut-elle rester encore crédible vis-à-vis du Sud global si cela se produisait ? À suivre…
Mahdi A.
Pour aller plus loin « Des communes d’accueil pour les personnes migrantes : Expériences de collaboration entre mairie et collectif citoyen en Normandie et en Bretagne », rapport de La Cimade.
[1] Iounès Disdier, « À Gémenos, l’intégration réussie du centre d’accueil de migrants », La Provence, 17 juin 2023.
[2] « La section LdH du Pays d’Aubagne et de l’Étoile condamne fermement les propos racistes tenus par la députée Joëlle Mélin », communiqué de la LDH, 23 juin 2023.