C’est suffisamment rare pour être souligné : une commission d’enquête parlementaire est instaurée concernant les dernières inondations, établir notamment un premier bilan des pertes humaines et des dégâts matériels, ainsi que des mesures entreprises par le gouvernement pour atténuer les effets des pluies attendues en tout début de semaine prochaine. Cette commission, présidée, par un éléphant du Rpp, parfait connaisseur des arcanes du pouvoir, doyen des élus et, premier vice-président Elmi Obsieh Waiss, est composée des présidents des commissions, des deux présidents de groupes et du secrétaire général du Parlement, Ismail Goulal Boudine. Démarrant ses travaux sur les chapeaux de roue, elle avait décidé d’auditionner dès, jeudi 5 décembre, les principaux acteurs concernés par le plan Orsec, mais pour cause d’une météo chargée, avec des risques de pluies importantes attendues pour samedi 7, elle a été reportée de quelques jours.
Pour sûr, les élus nationaux sont aussi échaudés que la population par la gestion par le gouvernement des dernières pluies. L’impréparation flagrante des secours à la population a été l’un des principaux points qui a motivé la constitution de cette enquête parlementaire. La décision n’est pas anodine. Elle marque très nettement un changement dans l’exercice du contrôle de l’exécutif par le législatif. Les députés, réunis autour de l’honorable Mohamed Ali Houmed lundi dernier, ont ainsi décidé de demander des comptes à l’État devant les conséquences désastreuses de ces pluies. Ils veulent établir les causes et les responsabilités de ces inondations et prévenir les risques à l’avenir. Dans le détail, il faudra déterminer pourquoi les mesures prises dès l’annonce des perturbations météorologiques ont-elles été à ce point inefficaces et les mesures à prendre pour corriger ces errements.
Le compte rendu du conseil des ministres du mardi 3 décembre fait état de « douze sites » réquisitionnés par les pouvoirs publics pour accueillir les réfugiés, qui ont permis d’héberger « plus de 5800 » sinistrés. Ce chiffrage ne prend en compte que les habitants pour lesquels les services de l’État ont été sollicités pour fournir gite et repas. Les populations impactées ayant bénéficié de soutien divers de leur voisinage et de leur parentèle n’ont pas été comptées, mais il ne fait aucun doute qu’elles ont été bien plus nombreuses que l’évaluation officielle. Chapeau bas d’ailleurs aux nombreuses initiatives de citoyens engagés et ayant fait montre d’une grande générosité pour alléger les souffrances des personnes touchées par cette catastrophe.
En créant cette commission d’enquête sur les causes et éventuelles défaillances à l’origine des inondations qui ont affecté la capitale et causé la mort de onze personnes, nos députés veulent tout mettre en œuvre pour que ces malheurs ne se reproduisent plus, mais montrent aussi une farouche volonté d’agir pour rétablir la confiance de la population dans ses institutions. Pour eux, le gouvernement doit prendre ses responsabilités afin de sanctionner le cas échéant les agents responsables. Ils semblent craindre que l’annonce par l’exécutif de la suspension temporaire de deux agents pour fautes graves et manquements ne seraient que l’arbre qui cache la forêt. Ils veulent débusquer les fautes au-delà de ces deux personnes. Bref ils veulent aller au bout de cette histoire pour faire en sorte que ces drames puissent être prévenus, que les pouvoirs publics prennent enfin les mesures contre leurs causes, comme le mépris du principe de précaution ou l’urbanisation incontrôlée. Ils devront déterminer si des parties ont failli à leurs responsabilités, et leur faire rendre des comptes. Pour eux il faut comprendre comment ont été réalisées des constructions qui ne respectent pas la législation, comme par exemple à canal Einguela Sud, avenue Nasser, Haramous, un tronçon de la cité Dawaleh, ou bien encore le permis de construire de la salle de conférence mitoyenne au Palais du peuple (un aperçu non exhaustif !). Ils signalent franchement au gouvernement, à travers cet acte fort, qu’ils n’accepteront plus les rafistolages, les bricolages largement médiatisés les lendemains d’inondations, mais qu’il est temps de poser une réflexion pour changer de logiciel, de rétablir le respect des textes concernant la gestion des zones inondables et le plan d’urbanisme… En résumé, les parlementaires veulent remettre de l’ordre dans une cacophonie « sans bras ni jambes » institutionnalisée et prônent un retour au bon sens au service des concitoyens !
Mahdi A.