D’après un article de DefenceWeb [1]
5 juillet 2024
Le vice-président de l’Union européenne (UE), Josep Borrell, sera à Djibouti du samedi 6 au lundi 8 juillet. Selon le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), il s’agit de renforcer les liens bilatéraux avec ce pays stratégiquement situé qui accueille une présence militaire internationale avec huit bases - terrestres et navales - de l’Allemagne, l’Arabie saoudite, la Chine, l’Espagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Unin (par ordre alphabétique),
Djibouti est un partenaire clé pour l’Union européenne. Borrell va visiter le déploiement naval de longue durée qui y est basé - l’opération Atalanta - qui soutient les États côtiers de la région indo-pacifique dans leur quête de la paix, de la stabilité et de la sécurité maritime. La force navale multinationale fournit, entre autres, une protection permanente aux navires du Programme alimentaire mondial (PAM) qui apportent des denrées alimentaires indispensables aux pays frappés par la sécheresse et la violence, notamment le Soudan.
Avant son arrivée à Djibouti, M. Borrell fera une brève escale en Grèce à Larissa, le quartier général de l’opération Aspides, la troisième - et dernière - force navale de l’Union européenne déployée dans les eaux territoriales africaines. Lors de son séjour à Djibouti, il visitera les moyens navals détachés pour les opérations Aspides et Atalanta.
« La visite de l’ensemble de ces dispositifs lui permettra d’apprécier de première main la manière dont les opérations de l’UE contribuent à la sécurité régionale » et d’interagir avec « des hommes et des femmes européens qui protégent la liberté de navigation ».
Des réunions de M. Borrell avec le président djiboutien, Ismail Omar Guelleh, et son ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale, Mahmoud Ali Youssouf, sont prévues lundi, avant une conférence de presse qui précédera son départ.
Discours de Josep Borrell au quartier général Aspides à Larissa en Grèce
Je vous remercie, cher ministre.
Je suis très heureux d’être ici à Larissa avec le ministre grec de la défense nationale, Nikos Dendias. J’ai travaillé avec vous en tant que ministre des affaires étrangères, et maintenant je vous vois en tant que ministre de la défense.
Je vous félicite pour votre travail et je vous remercie tous - tous les officiers qui travaillent sur cette opération.
Vous savez que depuis octobre dernier, la sécurité en mer Rouge et dans le golfe d’Aden s’est de plus en plus détériorée. Cela a conduit à une crise aiguë.
Les houthis lancent des attaques de plus en plus sophistiquées, développent des capacités accrues pour attaquer nos navires commerciaux, menacent la sécurité maritime et le commerce international, et mettent en péril la paix et la sécurité régionales.
Les chiffres sont assez clairs, permettez-moi d’en citer quelques-uns. Une réorientation du trafic maritime par le cap de Bonne-Espérance ajoute de 10 à 14 jours par trajet. Cela signifie plus de coûts, plus de coûts signifient des prix plus élevés, des prix plus élevés signifient plus d’inflation. [Ainsi que] l’augmentation des prix des matériaux expédiés, des assurances. C’est très important. Le coût d’un conteneur entre la Chine et l’Europe a doublé.
Le transit quotidien des navires par le canal de Suez a été divisé par deux. Cela signifie beaucoup d’argent perdu par l’Égypte et beaucoup de problèmes pour l’économie mondiale.
Ces attaques ont également des conséquences dramatiques pour les pays de la région. J’ai mentionné le cas de l’Égypte qui perd beaucoup de revenus.
Et comme toujours, ce sont les plus pauvres qui sont les plus touchés.
C’est le cas, par exemple, du Yémen. Au Yémen, les flux de marchandises ont été massivement réduits. La population yéménite est en outre privée de l’aide vitale nécessaire et doit faire face à des difficultés liées à l’augmentation du coût des denrées alimentaires et à la détérioration de la sécurité alimentaire.
Je l’ai dit la dernière fois que j’ai parlé avec le commandant de l’opération, le contre amiral Vasileios Gryparis, et je tiens à le souligner à nouveau.
Ces attaques constituent une atteinte directe à nos intérêts, aux intérêts de l’Union européenne, à la paix et à la stabilité régionales, ainsi qu’à la vie des personnes dans le besoin.
C’est pourquoi nous avons lancé l’opération Aspides. Cette opération a pour mandat - l’amiral l’a rappelé - de protéger les navires attaqués, d’accompagner les navires et de renforcer la connaissance de la situation maritime.
La mission a été lancée en février. Depuis, Aspides a accompagné avec succès plus de 170 navires marchands. Elle a détruit 19 drones et missiles tirés par les Houthis, principalement contre des cibles civiles.
Je rappelle que cette opération Aspides a un mandat strictement défensif. Nous ne sommes engagés dans aucune opération contre les houthis sur terre. Nos navires opèrent en légitime défense et pour protéger des navires ciblés.
Cette mission a bénéficié d’un large soutien dès le premier jour de la mission. Six États membres déploient des frégates dans les eaux internationales de la région et 15 États membres fournissent du personnel au quartier général opérationnel. J’ai eu le plaisir de rencontrer nombre d’entre eux, ici à Larissa et au quartier général de la force en mer.
C’est ce que nous faisons, mais nous n’agissons pas seuls. L’opération Aspides coopère étroitement avec l’opération française AGENOR et d’autres partenaires dans la région. Nous avons également des contacts réguliers avec l’opération Prosperity Guardian menée par les États-Unis. Il s’agit d’une mission importante, et nous continuerons à agir pour limiter les capacités des acteurs violents qui gâchent les perspectives de paix, menacent les civils et mettent en péril la sécurité maritime.
Je vous remercie pour votre travail. Merci pour votre professionnalisme, merci pour votre engagement total dans cette mission. Mais la mission ne suffira pas. Nous devons la compléter par un engagement politique et diplomatique constant afin de contribuer à la désescalade, à la médiation et au soutien d’une solution pacifique au conflit au Yémen. Nous y travaillons et nous ne ménagerons pas nos efforts pour y parvenir.
En conclusion, cher ministre, cher amiral, chers officiers, cette opération est une preuve concrète de notre volonté, de notre capacité à renforcer la sécurité internationale, à défendre l’Union européenne et les intérêts mondiaux, et à sauvegarder le droit universel à la liberté de navigation. J’en suis très fier.
L’opération Aspides est un exemple clair de la manière dont l’Union européenne peut agir efficacement en tant que fournisseur de sécurité maritime. Et maintenant, cher ministre, cher amiral, je me rends à Djibouti. Je me réjouis de voir vos navires en action, de leur rendre visite demain matin, de les encourager à continuer à travailler à ces fins.
Encore une fois, félicitations et merci.
Vidéo en ligne sur audiovisual.ec.europa.eu.
Visite à la frégate grecque Psara avec le ministre grec de la Défense
Nikos Dendias, ministre grec de la Défense nationale, et Josep Borrell ont visité samedi dans le port de Djibouti la frégate grecque Psara qui participe à l’opération Aspides de l’Union européenne en mer Rouge.
M. Dendias a exprimé aux marins sa reconnaissance pour leur dangereuse mission (qui consiste à escorter les navires de la marine marchande contre les attaques des Houthis). Il a déclaré en particulier que « si le libre passage de la navigation est interrompu, les bouleversements sur les marchés, l’augmentation de l’inflation, la perte d’emplois, affecteront profondément la société grecque, la société européenne ».
Les deux hommes ont également rencontré le commandant hollandais de l’opération, en présence du contre-amiral Vassilios Gryparis. Ils étaient accompagnés du chef d’état-major général de la défense grec, le général Dimitrios Choupis et du chef d’état-major de la marine grecque, le vice-amiral Dimitrios-Eleftherios Kataras.
Nikos Dendias a également rencontré le président de la communauté grecque de Djibouti, Marios Armenakis
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D’après un communiqué de la présidence
Le président de la République a reçu Josep Borrell ce lundi 8 juillet. Les discussions ont permis un large tour d’horizon des relations d’amitié et de coopération entre Djibouti et l’Union européenne, et des partenariats en cours, dont le lancement de la seconde phase du projet de dessalement d’eau de mer. Ce programme vise à couvrir près de 70% les besoins en eau de la population djiboutienne.
Le partenariat stratégique entre Djibouti et l’Union européenne dans le domaine de la sécurité maritime a aussi été abordé. La mission Atalante de la lutte contre la piraterie maritime au large des côtes somaliennes et dans le golfe d’Aden est un exemple de coopération exemplaire. Les deux partenaires entendent obtenir le même succès dans la lutte contre les atteintes à la circulation des biens et des personnes dans le détroit névralgique du Bal el-Mandeb.
Josep Borrell était accompagné notamment de la représentante de l’Union européenne dans la Corne de l’Afrique, Annette Weber, de sa conseillère pour les affaires étrangères et la politique de sécurité pour l’Afrique, Maud Arnould, et de l’ambassadrice de l’UE à Djibouti, Sylvie Catherine Tabesse.
Coté djiboutien, étaient présents le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Mahmoud Ali Youssouf, le secrétaire général de la Présidence, Mohamed Abdillahi Wais, la conseillère diplomatique du chef de l‘État, Fathia Djama Ouduine, l’ambassadeur djiboutien en Belgique et auprès de l’Union européenne, Aden Mohamed Dileita.
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Djibouti, un partenaire indispensable dans une région stratégique mais fragile
Le compte rendu de sa visite par Josep Borel [2].
Il y a une semaine, je me suis rendu à Djibouti pour rencontrer les autorités de ce pays, partenaire stratégique au cœur d’une région, la Corne de l’Afrique, en proie à de multiples crises. J’ai également visité l’opération navale Aspides lancée en février pour protéger le trafic maritime en mer Rouge des attaques des houthis. Un pas de plus pour faire de l’UE un fournisseur mondial de sécurité maritime.
Accompagné du ministre grec de la défense, je me suis d’abord rendu à Larissa, en Grèce, où se trouve le quartier général de l’opération Aspides. Nous y avons fait le point avec les officiers qui dirigent la mission. Elle a été lancée en un temps record : son principe a été approuvé fin décembre 2023 et elle a commencé ses opérations en février dernier. C’est le lancement le plus rapide de toutes les missions décidées pendant mon mandat.
Une urgence majeure
Nous avons en effet dû faire face à une urgence majeure. 22 % des importations de l’UE passent normalement par la mer Rouge et le canal de Suez. Suite à la guerre de Gaza, les attaques des houthis au Yémen sur ces navires ont entraîné un détournement massif du trafic vers le Cap de Bonne Espérance. Ce détournement prolonge de 10 à 14 jours le voyage de l’Asie vers l’Europe. Ce temps supplémentaire augmente le coût du transport mais son effet est également multiplié par le fait que, pour une même quantité de marchandises transportées, plus de navires sont mobilisés en même temps sur la mer. En conséquence, la capacité de transport disponible, limitée à court terme, se réduit.
Cela entraîne une forte augmentation du coût du fret, du simple fait de la loi de l’offre et de la demande. Depuis octobre dernier, le coût du transport d’un conteneur de la Chine vers l’Europe a presque doublé. Cet état de fait a pour effet non seulement de relancer l’inflation en Europe, mais aussi de priver toute une région des ressources essentielles tirées de ce transit. C’est vrai pour Djibouti, mais aussi pour l’Égypte, où les revenus du canal de Suez ont chuté de 57 % au premier trimestre 2024.
Une opération strictement défensive
L’opération Aspides a été lancée pour tenter de rétablir ce transit. Elle a bénéficié d’un large soutien dès le premier jour. Six États membres de l’UE ont déployé des frégates dans la région et 15 États membres de l’UE fournissent du personnel au quartier général. Cette opération a un mandat strictement défensif. Nos navires n’interviennent qu’en cas de légitime défense pour protéger les navires ciblés et nous ne participons à aucune opération sur terre. Depuis février, l’opération Aspides a accompagné plus de 170 navires et détruit plus de 19 drones ou missiles lancés par les Houthis.
Je me suis ensuite rendu à Djibouti, où sont basés les navires de l’opération Aspides. A mon arrivée, j’ai visité la frégate grecque Psara, ancrée à Djibouti, et le lendemain j’ai rejoint en hélicoptère le navire italien Fasan, en mission en mer Rouge. Quelques heures après ma visite, le Psara, qui avait également quitté le port de Djibouti entre-temps, a intercepté plusieurs drones lancés par les Houthis.
Malheureusement, cette mission et les autres navires alliés présents dans la zone n’ont pas encore permis de rétablir pleinement le trafic maritime via la mer Rouge. Il reste environ la moitié de ce qu’il était avant le 7 octobre 2023. La fin de la guerre à Gaza reste une condition préalable essentielle à un véritable retour à la normale dans la région.
L’UE devient un fournisseur mondial de sécurité maritime
Malgré ces limites, l’opération Aspides illustre l’un des domaines dans lesquels la politique européenne de défense et de sécurité a réalisé des progrès significatifs au cours de ce mandat : la capacité d’être un fournisseur de sécurité maritime globale pour protéger en mer les intérêts de l’UE, mais aussi ceux de nos partenaires régionaux. L’opération Irini, en Méditerranée, lancée début 2020, met en œuvre l’embargo des Nations unies sur les livraisons d’armes à la Libye, même si d’autres voies que la voie maritime sont malheureusement utilisées à cette fin. L’opération Atalante, en place depuis 2008, a fait un travail remarquable dans la lutte contre la piraterie au large de la Somalie. Nous disposons également de deux présences maritimes coordonnées, dans lesquelles les marines de nos États membres coordonnent étroitement leurs actions, sans être placées sous un commandement unique comme c’est le cas pour les opérations de l’UE. Nous avons mis en œuvre ce concept dans le golfe de Guinée et dans le nord-ouest de l’océan Indien, des zones d’intérêt stratégique majeur pour les approvisionnements européens.
Ce rôle croissant de l’UE en matière de sécurité maritime nous a également conduits à mener un certain nombre d’exercices conjoints avec plusieurs marines, comme celle de l’Inde dans l’océan Indien. En mars 2023, nous avons également organisé le premier exercice maritime conjoint entre les États-Unis et l’Union européenne. La plupart des importations et des exportations de l’Union européenne sont transportées par voie maritime. Il est donc crucial pour nous d’être en mesure de protéger ces flux partout dans le monde lorsque leur sécurité peut être menacée.
Djibouti, un partenaire central de l’UE dans une région stratégique
Mais ce voyage n’était pas uniquement consacré à la mission Aspides. Il s’agissait avant tout d’une visite bilatérale aux autorités de Djibouti, partenaire central d’une région, la Corne de l’Afrique, actuellement marquée par de nombreuses crises. Djibouti, pays d’un peu plus d’un million d’habitants, n’est certes pas le plus grand de la région. Il joue néanmoins un rôle majeur grâce à sa position stratégique. Le pays abrite des bases militaires américaines, françaises, chinoises, japonaises et italiennes. Djibouti est également le principal port d’attache des opérations européennes Atalanta et Aspides.
Le pays fait face au Yémen, déchiré par la guerre, à seulement 28 kilomètres du détroit de Bab Al Mandab, à l’entrée de la mer Rouge. Il est voisin de la Somalie, qui est en proie à des conflits internes depuis des décennies. Les tensions ont récemment été exacerbées en Somalie et dans ses environs à la suite de la signature d’un protocole d’accord entre l’Éthiopie et le Somaliland, une vaste région bordant l’océan Indien au nord du pays. Djibouti est également un voisin de l’Éthiopie, qui a connu une terrible guerre civile dans le Tigré l’année dernière et qui est actuellement confrontée à de graves troubles dans les régions d’Amhara et d’Oromia. Enfin, le pays n’est pas très éloigné du Soudan et du Sud-Soudan, tous deux en proie à des guerres civiles sanglantes.
Les perspectives financières de Djibouti sont très sombres
L’économie de Djibouti dépend essentiellement de son port, qui représente 60% de son PIB. Or, cette activité a été fortement affectée par les tensions régionales et la baisse du trafic maritime en mer Rouge : les revenus générés par le port ont chuté d’environ 60%. Et les perspectives financières du pays sont très sombres. Il a une dette extérieure importante représentant 70% de son PIB, principalement auprès de la Chine. Djibouti risque de devenir rapidement insolvable si le trafic maritime ne se redresse pas rapidement.
C’est dans ce contexte difficile que j’ai rencontré le président de la République, Ismail Omar Guelleh, et le ministre des Affaires étrangères, Mahmoud Ali Youssouf. Je tenais à les remercier d’avoir accueilli les navires de la mission Aspides après ceux d’Atalante, à discuter de la situation critique dans la Corne de l’Afrique et à les assurer du plein soutien de l’Union européenne dans ce moment difficile pour Djibouti et la région.
Djibouti préside également actuellement l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), l’organisation régionale qui réunit Djibouti, l’Érythrée, l’Éthiopie, le Kenya, la Somalie, le Sud-Soudan, l’Ouganda et le Soudan (le Soudan a récemment suspendu sa participation à l’IGAD). J’ai rencontré son secrétaire exécutif, Workneh Gebeyehu, pour discuter des énormes difficultés auxquelles la région est confrontée.
L’usine de dessalement, projet phare de l’UE à Djibouti
Enfin, j’ai visité une usine de dessalement d’eau de mer, projet phare de la coopération au développement de l’UE à Djibouti. Comme dans toute la région, l’accès à l’eau douce est une question cruciale pour une population croissante, alors que la sécheresse s’intensifie. La première phase de ce projet a permis de fournir de l’eau potable à 30 % de la population djiboutienne. En collaboration avec la Banque européenne d’investissement, nous venons de lancer la deuxième phase, qui permettra de fournir de l’eau à 70 % de la population djiboutienne d’ici 2028.
En cette fin de mandat, je me réjouis d’avoir pu effectuer ce voyage que je souhaitais faire depuis longtemps. Il illustre à la fois notre détermination à faire de l’UE un fournisseur mondial de sécurité maritime et notre engagement à travailler aux côtés de l’Afrique et des Africains pour surmonter les énormes défis auxquels le continent est confronté.
[1] « EU VP to visit strategically sited Djibouti, DefenceWeb, traduction Human Village avec l’aide de DeepL.
[2] Voir en ligne, « Djibouti, a crucial partner in a strategic but unstable region », site de l’Union européenne, 15 juillet 2024.