Les institutions sanitaires européenne ne reconnaissent pas l’utilisation du vaccin Covishield, fabriqué en Inde, pourtant distribué par l’OMS dans le cadre du programme Covax que l’Europe contribue à financer [1].
Une histoire qui ne manque pas de piquant et qui risque de susciter de nombreux questionnements, aussi bien auprès de la population qu’au niveau des décideurs politiques africains. En effet, les personnes non vaccinées, ou par un autre vaccin que ceux reconnus par l’Agence européenne des médicaments, ne peuvent entrer librement dans l’espace Schengen.
Les documents demandés par les autorités françaises pour voyager vers la France en provenance de Djibouti comprennent entre autres une preuve de vaccination. L’ambassade de France à Djibouti précise que « les vaccins admis par la France sont ceux reconnus par l’Agence européenne du médicament (EMA) : Pfizer, Moderna, AstraZeneca et Johnson & Johnson. La preuve de vaccination n’est valable qu’à la condition qu’elle permette d’attester la réalisation d’un schéma vaccinal complet » [2].
Le voyageur n’est alors pas soumis au régime des motifs impérieux, ni aux sept jours d’auto-isolement à l’arrivée [3]. Il doit cependant présenter, en plus de la preuve de vaccination, le résultat d’un examen négatif de dépistage PCR de moins de 72 heures (ou antigénique de moins de 48 heures).
Ainsi, le Covishield fabriqué par le Serum Institute of India, ne figure pas sur la liste, alors qu’il s’agit d’une production sous licence du vaccin d’AstraZeneca. Il a été validé par l’OMS, mais pas par l’Agence européenne des médicaments. Curieusement, le vaccin Vaxzevria, une version de l’AstraZeneca produite au Royaume-Uni et en Europe, a lui été approuvée par l’EMA.
Une situation comique ou insupportable ?
Une partie des vaccins injectés dans les centres officiels de vaccinations à Djibouti sont des Covishield, issus du dispositif Covax des Nations-unies. Ce dispositif, codirigé par l’OMS et Gavi, une organisation spécialisée dans l’accès à la vaccination dans les pays en voie de développement, doit garantir un accès équitable et mondial aux vaccins contre la Covid-19. Un dispositif pour lequel l’Union européenne a contribué à hauteur de 2,47 milliards d’euros, soit plus de 400 milliards FDJ.
L’on trouve également à Djibouti le Spoutnik de fabrication russe, et le Sinopham produit en Chine. Ces derniers ne sont pas non plus homologués par l’EMA, même si des millions de doses du Sinopharm ont été injectées en Hongrie.
L’une des premières réactions outrée à cette forme d’ « apartheid vaccinal » est venue d’Antanarivo, la capitale malgache :
« J’ai été surpris et consterné, en lisant cette déclaration. Le Covishield a été le vaccin offert à Madagascar, dans l’initiative Covax. L’ambassadeur de l’Union européenne, le représentant du système des Nations-unies eux-mêmes, ont été présents à l’aéroport d’Ivato, lors de l’arrivée de ces vaccins. Et après, l’Union européenne déclare qu’elle ne reconnait pas ce vaccin ? C’est intrigant. Cela veut-il dire qu’il y a des vaccins pour les Africains et d’autres pour les Européens ? », s’est interrogé le ministre de la Santé publique, le professeur Hanitrala Jean Louis Rakotovao [4].
Ces restrictions ne manquent pas d’interroger autant à Madagascar, sur le continent africain, qu’en Inde : « Pourquoi avoir cofinancé le programme Covax pour ensuite dire que le Covishield n’est pas un vaccin reconnu par l’UE » ? Quid pour les bacheliers 2021 désireux de poursuivre leurs études en Europe ?
L’Union africaine ne serait-elle bien inspirée d’appliquer la réciprocité à ces mesures restrictives, discriminatoires ? Par exemple en autorisant l’entrée sur le continent uniquement aux voyageurs européens vaccinés avec Sinopharm, Spoutnik, ou Covishield…
Mahdi A.
[1] « L’UE ne reconnaît pas le Covishield, le vaccin d’AstraZeneca majoritaire en Afrique », RFI, 23 juin 2021.
[2] Voir le site de l’ambassade de France à Djibouti.
[3] Voir le site de l’ambassade de France au Bénin.
[4] « Covishield non-reconnu en Europe – le Pr Jean Louis Rakotovao consterné », L’Express, 18 juin 2021.