Human Village - information autrement
 
Le civisme contre le Covid-19
par Mahdi A., mars 2020 (Human Village 38).
 

Nos habitudes évoluent rapidement à Djibouti. La population dans sa grande majorité prend conscience du danger et accepte de se mettre au diapason du reste du monde. Nombreux sont celles et ceux qui adoptent les gestes de précaution élémentaires recommandés par les institutions sanitaires. Une campagne de sensibilisation a été lancée sur les médias publics en direction du plus grand nombre. Des messages simples et efficaces sont partagés sur les réseaux sociaux, comme de courtes vidéos rappelant l’importance du lavage des mains au savon [1], mettant en scène des personnalités de premier plan pour montrer l’exemple. Le premier à s’être prêté à l’exercice pédagogique sous les yeux des cameras a été le chef de l’État, Ismail Omar Guelleh, suivi par Mohamed Ali Houmed [2], Ilyas Moussa Dawaleh [3] ou Arnaud Guillois, l’ambassadeur de France à Djibouti [4]. Il s’agit d’obtenir un changement de comportement de la population pour contenir la propagation du nouveau coronavirus.

Branle-bas le combat
L’intervention du président de la République relayée par les réseaux [5] cet après-midi - lundi 23 - à l’adresse de la population est annonciatrice de nouvelles restrictions de circulation. Il a expliqué avoir constaté que les précédentes recommandations n’avaient pas été prises suffisamment au sérieux, et donc peu appliquées. Il dit son incompréhension devant la désinvolture et le non respect des bonnes pratiques à mettre en œuvre pour endiguer l’épidémie de Covid-19. Aussi, après avoir annoncé la mise au repos de tout le personnel de l’Etat pour sept jours, à l‘exception des services essentiels (santé, police, douane…), il a demandé avec insistance à la population de se calfeutrer dans les habitations et d’éviter les déplacements. Il n’a pas manqué de préciser qu’il s’assurerait de la bonne application de l’ensemble des restrictions adoptées, sous-entendant que des mesures de contraintes pourraient être prises pour sanctionner les citoyens irresponsables. Pour rappel, le plus grand employeur après l’État, le camp Lemonier, a pris des dispositions similaires envers ses employés djiboutiens. Ismail Omar Guelleh escompte probablement que l’ensemble du secteur privé s’y conforme, sans l’exiger pour l’heure. La durée de sept jours de confinement n’est pas le fait du hasard, et correspondrait à la période pour l’apparition des premiers symptômes pour les personnes atteintes qui s’ignorent.

Ce rappel à l’ordre était sans doute nécessaire, tant l’angoisse que suscite le Covid-19 gagne du terrain, même à Djibouti. Et, c’est tant mieux ! Il faut en finir des folles certitudes affirmant que ce virus ne résisterait pas la canicule djiboutienne. Une idée balayée par les cas égyptiens, tunisiens, nigérians… et maintenant djiboutiens. Nul n’est à l’abri. Et, on pourrait même dire que personne n’est plus exposé que les habitants de notre continent. Pourquoi donc me demanderez-vous ? L’état de nos structures sanitaires doit nous alerter sur nos capacités à apporter l’assistance nécessaires aux personnes atteintes du Covid-19. Ne voyons-nous pas que des États pourtant plus développés, disposant de ressources humaines mieux formées et d’équipements sanitaires de meilleures qualités, peinent à faire face à la déferlante de cette maladie. C’est presque devenu un rituel macabre, ou chacun quotidiennement cherche à s’informer sur le dernier décompte des personnes décédées du Covid-19 en Italie, mais aussi ailleurs autour du globe…
Le directeur de l’OMS appelait récemment notre continent à se réveiller : « L’Afrique devrait se réveiller, mon continent devrait se réveiller [… ] Les experts de la santé avertissent que les systèmes de santé publique mis à rude épreuve en Afrique pourraient être rapidement débordés si le virus s’installait, en particulier dans les zones urbaines surpeuplées. La recommandation de l’OMS est en fait que les rassemblements de masse doivent être évités et que nous devons faire tout notre possible pour les étouffer dans l’œuf toute propagation, en nous attendant au pire », a déclaré M. Teodros lors d’une conférence de presse à Genève, où l’OMS est basée. [6].

Ismail Omar Guelleh veut une prise de conscience des dangers de la part de ses concitoyens. Dans la pratique, elle doit accompagner les mesures mises en œuvre par le gouvernement pour nous préserver d’une diffusion plus large, essentiellement les recommandations de l’OMS, mais aussi – soyons réalistes - en fonction des moyens disponibles.
Hier encore, dimanche 22, le Premier ministre Abdoulkader Kamil Mohamed dans sa déclaration à la RTD, déclarait que notre pays ne comptait aucun cas de personne atteinte de Covid-19. On voit à quel point la situation peut changer rapidement. Il est possible qu’un certain nombre de cas présents ne soient pas encore détectes par les services de la santé, ou que des personnes peu symptomatiques n’aient pas consulté et ne soient pas identifiées. Quel meilleur exemple que les deux personnes testées positifs ce matin, l’une était rentré de France le 14, et la seconde de Turquie le 17. Combien de personnes ont-elles pu contaminées depuis leur arrivée ? C’est le travail d’enquête en cours mené par les services sanitaires.
C’est pourquoi les pouvoirs publics demandent à toutes et tous de se montrer précautionneux pour faire barrage à la maladie, mais aussi de ne pas hésiter en cas de symptômes évocateurs, comme fièvre, toux, mal de gorge, difficultés respiratoires, fatigue excessive, diarrhée et vomissements, de contacter le numéro vert 1517, et de ne surtout pas se rendre à l’hôpital. Une équipe médicale fera le déplacement pour la prise en charge sanitaire et la mise en salle d’isolement si nécessaire.

On ne manquera pas de déplorer que la décision de fermeture des mosquées, effective depuis samedi dernier, ait valu tant de sarcasmes sur les réseaux sociaux et de critiques à l’égard des décideurs politiques. Que dire aussi de ceux qui ont bravé l’interdit, et brisé les chaines qui maintenaient fermées les portes des mosquées d’Arribah ou de PK 12 en début de soirée de la même journée. Comment expliquer une telle insouciance ? Ne sont-ils pas conscients qu’au-delà de leur personne, c’est la vie de leurs proches qu’ils mettent en danger ? Comment ne comprennent-ils pas que cette décision, comme la fermeture des CDC, des bars et des boites de nuit, et l’interdiction des attroupements de plus de cinq personnes, visent à lutter contre la diffusion de la maladie ? Le gouvernement n’a pas d’autre choix pour faire respecter sa décision que de poster dorénavant devant les portes des lieux de prières des agents en uniformes et sévir en cas de récidive de ces croyants sans jugeote.

Nombreux s’interrogent sur les disponibilités de lits de réanimation ou de masques de protection sur notre territoire. Ou comment notre pays va-t-il gérer les cas graves qui ne pourraient pas être mis sous respirateur ? Les réponses à ces questions sont-elles fondamentales ? Je ne crois pas. À titre d’information, un département français comme la Guadeloupe, abritant 400 000 âmes, ne dispose que de 22 lits de réanimation (au 15 mars 2020)... Peut-on espérer beaucoup plus à Djibouti ? Les failles béantes de notre système sanitaire sont connues des Djiboutiens. Il ne faut pas espérer une voie de salut de ce côté-là. Bien évidemment, il est possible d’améliorer l’existant, mais c’est un autre débat, qui devra attendre la fin de la pandémie. Pour l’heure, si l’on veut préserver notre vie et celles de nos proches, pas de miracle : l’urgence, c’est le respect des principes de prévention, de protection, de distanciation sociale… En cas de refus de notre part, de légèreté dans notre approche de ce fléau, il faudra s’attendre à des ravages dans notre population, des pertes a n’en finir de proches, de voisins, d’amis, de parents… Ismail Omar Guelleh l’a très bien expliqué : nous ne sommes pas très nombreux, le risque c’est la destruction de notre société, une nation déchirée au plus profond de son âme, puisqu’aucun système sanitaire, même les performants, ne parviendrait à surmonter ce défi sanitaire. C’est la raison pour laquelle il en appelle au patriotisme, au civisme, à la citoyenneté, au savoir vivre ensemble, pour collectivement nous protéger, et par la même prendre soin des nôtres.

Mahdi A.


[1« Pourquoi le savon détruit le coronavirus ? », Le Monde, 24 mars 2019.

[2Vidéo Mohamed Ali Houmed publiée sur Facebook.

[3Vidéo Ilyas Moussa Dawaleh publiée sur Facebook.

[4Vidéo Arnaud Guillois publiée sur Facebook.

[5Vidéo Ismail Omar Guelleh publiée sur Facebook.

 
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