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Djibouti à l’heure des choix, sous diktat américain ?
par Mahdi A., décembre 2018 (Human Village 34).
 

Le chef de l’État a prononcé hier matin, mercredi 19 décembre au Palais présidentiel, un important discours qui clôt trois jours d’un séminaire studieux qui a réuni nos ambassadeurs.
Dans son allocution d’un peu plus d’une dizaine de minutes, il a présenté une vision d’ensemble des menaces, des défis mais aussi les promesses qui s’offrent à nous pour faire progresser notre pays. Il a indiqué ses « orientations stratégiques » ainsi que le cap « choisi pour l’intérêt de notre nation ». Et comme « le monde évolue », il a expliqué l’importance d’adapter notre outil diplomatique, « la matrice », à ces nouveaux enjeux.

Pour ce faire il appelle les ambassadeurs à l’audace, à l’action, pour promouvoir de manière encore plus énergique la destination « Djibouti » comme un lieu propice pour les affaires, et ce d’autant plus que les arguments ne manquent pas : une monnaie librement convertible, un régime politique stable, doté d’infrastructures performantes, d’une interpénétration économique réussie avec le géant éthiopien, ainsi que d’un climat des affaires dont les progrès, « remarquables à plusieurs égards, ont été remarqués dans le cadre du Doing Business ».
« Oui ! Aujourd’hui plus qu’hier, et demain plus qu’aujourd’hui, vous ne devez plus vous cantonnez dans une diplomatie de représentation », explique le chef de l’État.

Il enjoint les ambassadeurs à ajouter une corde supplémentaire à leur arc en utilisant les représentations diplomatiques comme un comptoir commercial des opportunités offertes par notre économie en mouvement. Dans son esprit, nos diplomates ne peuvent plus se contenter d’attendre le chaland, mais doivent agir de manière proactive en devenant les représentants directs de la Chambre de commerce de Djibouti, comme si celle-ci avait ouvert une antenne au sein des chancelleries à Tokyo, Paris, Washington, Nairobi, Mogadiscio, New Delhi… Ambitieux programme, ô combien prometteur ! On ne peut que regretter que notre diplomatie ait autant tardé à faire son aggiornamento. Cette évolution n’a rien d’un luxe, Djibouti va sortir d’une situation de confort pour affronter une concurrence régionale érythréenne inattendue, longtemps isolée, mal équipée pour l’heure, mais cette situation risque d’évoluer rapidement. Courtisé par les européens, la Chine, les « spartiates émiratis », l’Arabie saoudite, les Américains, le Japon, la Russie, l’Inde, la Corée du Sud, l’Australie... Isaias Afeworki n’a que l’embarras du choix du/des partenaire(s) pour moderniser ses infrastructures et transformer son économie. Djibouti ne bénéficie que d’une légère fenêtre d’opportunité avant de voir s’ériger à ses côtés un concurrent de mieux en mieux outillé, de plus en plus compétitif et, cerise sur le gâteau, adossé au géant logisticien émirati DP World. Tout le monde l’aura compris, le domaine portuaire djiboutien va devoir se réinventer, passer la seconde vitesse pour continuer à préserver ses avantages comparatifs et conserver, si c’est possible, un temps d’avance sur ce potentiel redoutable concurrent. Pas une mince affaire ! Autant le savoir, les prochaines années ne devraient pas être de tout repos pour le gouvernement d’Ismaïl Omar Guelleh. Le gouvernement éthiopien a procédé au déchargement/chargement du premier navire de sa flotte marchande dans le port érythréen de Massawa le 6 septembre dernier en grande pompe, en présence notamment d’Abiy Ahmed Ali. Signe annonciateur prémonitoire, hier le FMI a revu le taux de croissance de Djibouti, l’estimant en légère baisse pour 2019 à 6%. Plus inquiétant, l’institution financière a relevé, à la surprise générale, le taux d’endettement du pays, estimé pour fin 2018, à 104% et non plus 88% du PIB [1]. La nouvelle ne pouvait plus mal tomber pour le gouvernement, alors qu’il est violemment chahuté pour son rapprochement avec la Chine et que le prétexte du « piège de la dette » est avancé pour l’amener à décrocher de son partenariat avec la République populaire de Chine.

« Voilà ce qui doit être le fil conducteur de votre mission, voilà ce qui doit être son centre de gravité et en même temps sa finalité.
Vous devez vous imprégner de cette réalité. […] Là aussi, c’est votre responsabilité d’expliquer à vos interlocuteurs les facilités d’investissements ou encore les avantages comparatifs qui peuvent les encourager à investir dans notre économie ».
On notera toutefois que certains de nos ambassadeurs n’ont pas attendu ce sermon présidentiel pour motiver les investisseurs susceptibles d’être attirés par les opportunités d’affaires considérables qu’offre le pays.

Tout mettre en œuvre pour soutenir l’emploi
« Des infrastructures qui portent la marque de notre ambition ; devenir une économie ouverte sur la région et sur le monde, une économie qui tire sa substance et sa prospérité de cette ambition. À ceux qui pensent que ces infrastructures ne font qu’endetter notre pays. Vous devez expliquer et faire œuvre de pédagogie. Expliquer calmement que ces infrastructures sont des leviers indispensables à l’économie. Expliquer calmement que ces infrastructures s’insèrent dans une logique économique régionale prometteuse. Enfin, expliquer toujours calmement que ces infrastructures génèrent des revenus, des emplois et de la croissance pour le bien être de notre économie et de notre population ».
Subrepticement, dans cette figure rhétorique Ismaïl Omar Guelleh dit sa lassitude du jeu trouble des États-Unis d’Amérique, à la manœuvre – avec un éventail de possibilités pour parvenir à ses fins - pour faire en sorte que le gouvernement en vienne à changer de cap, à revoir ses amitiés, à l’aune de ceux des intérêts de l’oncle Sam, ni plus ni moins… L’anaphore fixe également une ligne de conduite en fournissant nombre d’éléments de langage aux critiques formulées aux contempteurs de notre partenariat avec la République populaire de Chine. La raison est simple : pas de croissance sans investissements.
C’est la raison de cette stratégie réfléchie, considère le chef de l’État, dont le but ultime ambitionne d’extirper un pan entier de la population djiboutienne de la pauvreté extrême, faute d’emplois. Il rejette les critiques sur le niveau d’endettement de notre pays, puisque les réalisations sont concrètes et permettront de booster le décollage économique.
On peut pronostiquer sans trop se tromper que le président a certainement tenu une plaidoirie pas éloignée de celle-là lors de ces entretiens, il y a près de quinze jours à Djibouti, avec le sous-secrétaire d’État américain, Tibor Nagy, ou encore avec le commandant d’AFRICOM, le général Thomas D. Waldhauser, pour justifier que le pays se soit tourné vers l’Est pour son développement. Quelles ont été les réalisations économiques américaines à Djibouti depuis l’ouverture de leur base en 2003 ? Quelle alternative pour le gouvernement djiboutien à celle de la Chine ? Aucune si l’on se fie à l’opinion du secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, et de la coopération internationale, Mohamed Ali Hassan, qui s’exprimait notamment sur ce point à l’occasion d’un colloque international intitulé Djibouti dans le monde du XXIe siècle : « L’intérêt de Djibouti pour la Chine dans cette relation, je pense qu’il est important que tout le monde le sache, comprenne que les alliés traditionnels de Djibouti, et qui sont également présents ici à Djibouti, n’ont pas eu beaucoup de réalisations économiques… Vous avez beaucoup mentionné les Américains dans vos interventions, pourtant avec ce partenaire là, non plus, les résultats attendus n’ont pas été au rendez-vous ! Pour Djibouti, il est extrêmement important qu’il y ait des investissements privés, mais également des politiques de coopération ciblées dans la construction d’infrastructures de base pour la population, qui sont essentiels pour tout développement économique et social, c’est quelque chose que nous attendons beaucoup de nos partenaires, et la Chine, il faut le dire, fait beaucoup à Djibouti, mais aussi au niveau continental » [2].
Sans aucun doute, Djibouti apprécie à juste valeur, la disponibilité de la Chine pour le développement de ses différents projets de développement d’infrastructures, stimulant les investissements ont permis de créer de nombreux emplois.

Endiguement de l’influence chinoise… au prétexte du « piège de la dette » ?
Pour de nombreux observateurs, l’annonce de la nouvelle doctrine américaine pour l’Afrique, par le conseiller à la Sécurité nationale, John Bolton, n’était en rien une surprise, notamment depuis la publication de la nouvelle stratégie nationale de défense dévoilée à Washington, le 19 janvier 2018, par James Mattis, secrétaire à la Défense, pour contrer l’influence de la Chine et de la Russie. Si cela n’était suffisant, l’allocution du Premier ministre singapourien aurait dû mettre la puce à l’oreille en donnant une idée assez précise de ce que tramait les stratèges américains. Lee Hsien Loong, en novembre dernier, à l’occasion du sommet réunissant les nations de l’Asie du Sud-Est (Asean), s’inquiétait ouvertement des tensions palpables entre les États Unis d’Amérique et la Chine, entrevoyant les indices latents d’un retour à une forme de guerre froide qui ne dit pas son nom : « Les circonstances peuvent arriver où l’Asean devra choisir l’une ou l’autre [partie] » [3]. Il formulait le vœu que ce choix apparemment inévitable survienne le plus tard possible.
Dans cette doctrine d’endiguement de l’influence chinoise, Djibouti va servir de laboratoire, voire d’exemple, pour les nations qui seraient tentées de céder aux sirènes chinoises et envisageraient secrètement de concéder une emprise militaire sur leur sol… Patrick Martin, éditorialiste au Washington Post, n’a d’ailleurs pas manqué d’être surpris par le degré d’attention accordé par l’administration Trump à « un minuscule pays », dont le port à conteneurs pourrait tomber dans l’escarcelle de la Chine. « Si Djibouti est légèrement plus petit que le New Jersey et compte moins d’un million d’habitants, son emplacement stratégique lui confère une influence démesurée », explique t-il. Ajoutant qu’en octobre a été annoncé le déblocage 240 millions de dollars sur une ligne budgétaire programmée de 1,4 milliard de dollars permettant l’agrandissement et le renforcement de l’infrastructure militaire. C’est peu dire que les Américains ne sont pas prêts à plier bagages et comptent s’installer durablement, puisque l’administration Obama aurait négocié en 2012 la possibilité de renouveler le bail jusqu’en 2042. [4].

« De même, de 2014 à 2016, le ratio de la dette publique extérieure au PIB de Djibouti a augmenté de 50% à 85%, la majeure partie de cette dette étant contractée avec la Chine. En 2017, la Chine a établi une base militaire à Djibouti à seulement quelques kilomètres de notre base américaine, Camp Lemonnier, chargée de l’appui à des opérations critiques des Etats-Unis pour lutter contre les organisations terroristes en Afrique de l’Est.
En mai, des responsables américains ont accusé la Chine d’utiliser des lasers de qualité militaire à partir de cette base pour cibler et distraire les pilotes américains en dix occasions différentes. Deux de nos pilotes américains ont été blessés aux yeux par l’exposition aux rayons laser.
Et Djibouti pourrait bientôt céder le contrôle du terminal à conteneurs de Doraleh, un port de commerce stratégiquement situé sur la mer Rouge, à des entreprises nationales chinoises.
Si c’est le cas, le rapport de forces dans la Corne de l’Afrique – au croisement des principales artères du commerce maritime entre l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud – évoluerait en faveur de la Chine. Et notre personnel militaire américain au Camp Lemonnier pourrait faire face à de nouveaux défis pour protéger le peuple américain. […]
En quelques mots, les pratiques prédatrices auxquelles se livrent la Chine et la Russie freinent la croissance économique en Afrique, menacent l’indépendance financière des nations africaines, nuisent aux opportunités d’investissement des Etats-Unis, font obstacle aux opérations militaires américaines, et constituent une menace importante pour les intérêts de la sécurité nationale des Etats-Unis
 » [5].

La violente charge de John Bolton – en écho à celle de deux sénateurs, Marc Rubio, et Chris Coons [6] sur la stratégie chinoise à Djibouti, et les risques pesant sur le Doraleh Container Terminal (DCT) - rend plus aiguë la pression pesant sur les épaules d’Ismaïl Omar Guelleh. Le moment ultime du choix annoncé par Lee Hsien Loong, est-il venu ? De quelle marge de manœuvre dispose le gouvernement ? Qu’attende exactement l’administration Trump du gouvernement Djiboutien ? Comment éviter des crispations militaires supplémentaires entre les deux forces sur le territoire djiboutien, voire une escalade du genre de celle qui s’est produit entre le destroyer lance missile USS Decatur et le destroyer chinois Luyang, à proximité des récifs Gaven et Johnson, dans l’archipel des Spartleys ? [7].

La politique décomplexée, guidée uniquement par les propres intérêts de la nation avec pour unique boussole la quête d’une vie meilleure pour ses habitants, est-elle encore possible pour Djibouti face au diktat américain ?
Suffira t-il de rappeler qu’être un ami, un allié, de la nation américaine ne peut être interprété comme un alignement jusqu’à l’absurde sur la politique de Washington ?
« Cette diplomatie est morte avec la guerre froide, avec l’époque où les pays sous développés servaient de pré-carrés aux grandes puissances. Cette époque est révolue », paraît pourtant croire le chef de l’État. Il doit considérer – comme l’immense majorité de ses homologues africain - qu’il faut un certain culot couplé à une hypocrisie éhontée, pour oser dire aux peuples du continent, depuis Washington, ce qui est bon ou pas bon pour leur économie ! Ce qui nous laisse penser que les invectives et les proférations de John Bolton auront peu d’impact sur la poursuite de la ligne politique djiboutienne. « Aujourd’hui, notre diplomatie est au service de notre intérêt, l’intérêt de notre nation et de notre peuple. Aujourd’hui, notre diplomatie est dictée par les impératifs de notre développement socio-économique », rétorque Ismail Omar Guelleh comme fin de non recevoir aux côtés injonctions américaines.

Alors que le FMI appelle les pays d’Afrique subsaharienne à redoubler d’efforts au cours des prochaines années pour créer vingt millions d’emploi nets par an, au lieu de dix millions actuellement, pour relever le défi du baby boom de la jeunesse africaine, l’administration Trump exige des nations d’Afrique qu’elles se brident les ailes - en se privant des financements/investissements chinois et russes - et fassent place nette à ses entreprises pour l’accès prioritaires aux ressources du continent… Perplexes - on le serait pour moins - on s’interroge : à qui pense s’adresser John Bolton ? Probablement à « des pays de merde » [8], dont l’avis importe peu !
« L’avenir de l’emploi est déjà là et les décideurs doivent en tenir compte dès à présent », estime le FMI dans une étude sur les flux de capitaux et l’avenir de l’emploi en Afrique subsaharienne, présentée jeudi 8 novembre à la presse [9].

Dans une critique à peine voilée de la politique étrangère de Donald Trump, le président Guelleh ne veut pas se fondre dans une vision simpliste du monde, où il y aurait d’un côté les gentils occidentaux et de l’autre, les méchants chinois et russes… Il refuse catégoriquement cet unilatéralisme, et dénonce une vision réductrice et égoïste pour ne pas dire impérialiste de la gestion du monde.
« C’est pourquoi nous restons fidèles à nos principes quand nous plaidons pour un monde où le multilatéralisme triomphe et repousse les tentations de l’unilatéralisme et de repli sur soi, nourries par des idéologies populistes ou nationalistes.
Car les défis auxquels est confrontée la communauté internationale ne pourront être relevé que si cette même communauté internationale fait converger ses efforts dans la même direction », plaide le chef de l’État.

Des inquiétudes françaises… pour la ligne de chemin de fer se font également jour !
Un rapport sénatorial sur les nouvelles routes de la soie, publié le 30 mai 2018, s’alarme de voir les rêves d’émergence se transformer in fine en cauchemars faute d’équilibre des comptes, comme pour l’infrastructure ferroviaire, rétrocédée possiblement dans un avenir proche – sur la base de la théorie du piège de la dette - à des intérêts chinois ; à l’instar du port Hambantota au Sri Lanka, brandi comme exemple - incapable de rembourser le prêt, le pays aurait été contraint de céder la majorité de ses parts, (70%) au sein de la société portuaires, et négocié une concession de 99 ans pour se départir d’une partie de ses créances intenables auprès de la Chine.
Selon les sénateurs, Djibouti devrait rembourser à partir de 2019 « 50 millions de dollars par an soit 12% de ses recettes actuelles. Il pourrait alors être nécessaire, face aux défis de la soutenabilité de la dette, de revendre une partie des capitaux djiboutiens, du train par exemple » [10].
Ce rapport sénatorial identifie la Chine comme un redoutable compétiteur, aux moyens financiers inépuisables, n’hésitant à comparer la stratégie sous jacente à la nouvelle route de la soie, à une toile d’araignée tissée pour modifier les rapports de force en vue d’un nouvel ordre mondial économique, technologique, militaire, et scientifique … Le sénateur du Calvados, Pascal Allizard, lève un second voile sur les craintes occidentales relatives à la base chinoise de Doraleh, en commission sénatoriale : « L’aspect géostratégique est évident : juste en face de Djibouti, le port de Gwadar au Pakistan, tout proche de l’Iran, est sous contrôle chinois. […] Tracez une ligne droite avec Djibouti : vous fermez l’accès au détroit d’Oman et à la Méditerranée » [11].

Mais que cachent en filigrane ces incessantes inquiétudes américaines et françaises à l’égard du niveau de notre endettement ? Ne s’agit-il pas aussi d’affrontements entre puissants concurrents pour s’accaparer des richesses disponibles sur le continent que certains considéraient - à tord - il y a encore peu, comme leur zone de chasse réservée ? Il faut reconnaître que la rhétorique du piège à la dette, est une trouvaille brillante, pour se débarrasser de manière assez déloyale mais à peu de frais, de redoutables rivaux ! Cette campagne de diabolisation de la Chine aura du mal à passer, que cela soit, auprès de la population djiboutienne, que des nations membres de l’Union africaine (UA), si l’on se réfère au succès du dernier sommet Afrique-Chine, à Pékin du 3 au 5 septembre 2018.

Questionné dans nos colonnes sur le fardeau de la dette et les risques liés, le ministre de l’Économie, des finances, chargé de l’industrie, Ilyas Moussa Dawaleh, s’en expliquait très sereinement : « Pour jouer le rôle de hub sur le plan continental voire international et surtout pour développer Djibouti et permettre de réduire le niveau du chômage que nous connaissons et rendre le pays bien plus résilient à tout type de choc externe, il était vital d’accélérer le processus d’intégration régionale et globale. Cela veut dire concrètement de participer à la compétition régionale et internationale. Et l’on ne peut participer à cette compétition qu’en ayant les meilleurs atouts en termes d’infrastructures qui nécessitent des investissements conséquents. Je ne vois pas la Banque mondiale nous prêter 500 millions de dollars pour construire un chemin de fer. La Banque mondiale n’avait pas participé au projet de terminal portuaire de Doraleh à l’époque parce qu’elle n’y croyait pas. Pourtant aujourd’hui, la valeur et le poids économique de ce poumon de notre économie, n’est un secret pour personne. Cet investissement qui était le plus coûteux à l’époque, avec un montant colossal de plus de 397 millions de dollars, s’est révélé aujourd’hui l’investissement le plus rentable que nous ayons fait. Notre logique est simple, nous voulons construire un pays sur le très long terme, cela implique nécessairement des prises de risques indispensables. Nous sommes donc heureux d’avoir trouvé un partenaire providentiel qui a cru en nos potentialités et misé sur notre avenir et qui s’est engagé à nos côtés pour nous aider à mener à bien notre politique de transformation économique. Nous lui en sommes reconnaissants. Mais l’essentiel, c’est de bien gérer ces sommes colossales empruntées et honorer nos engagements. Nous avons investis en toute connaissance de cause dans le projet du train malgré les risques dus à nos faibles capacités. Mais il s’agit d’un projet commercial qui devra générer des revenus et s’auto-rembourser. Nous devons seulement observer une certaine rigueur et une discipline budgétaire pour rendre rentable nos investissements tout en réformant nos institutions. A ce jour, je considère que notre dette est raisonnable, si l’on fait abstraction du volume de ces différents emprunts qui peuvent sembler élevés par rapport à notre PIB actuel. Les établissements publics qui bénéficient de ces prêts vont générer des ressources additionnelles et honoreront eux mêmes leurs dettes. A l’image du port de Djibouti qui va s’élargir et sera en mesure de rembourser les investissements consentis. […] Nos partenaires, dont le FMI, ont émis des réserves sur le projet des chemins de fer qui engageait notre avenir dans le processus d’intégration économique régional. Cette connexion ferroviaire avec l’Éthiopie était indispensable afin de pouvoir tenir la compétition avec n’importe quel autre port de la région. Ce choix a été fait et nous en sommes fiers. A nous maintenant de trouver la bonne discipline pour rentabiliser ces projets et permettre leur auto-remboursement. Et dans le pire des cas, des capitaux privés pourront se joindre à nous et donc il n’y a vraiment aucune inquiétude à avoir. Y a-t-il un pays au monde qui ne s’est pas endetté pour se développer ? Il n’y a qu’à regarder les taux d’endettement des USA, du Japon, de la France… Dubaï a contracté des emprunts colossaux pour se transformer. Et malgré la brève crise de 2008, le pays continue de rayonner. Nous devons laisser à nos générations futures un héritage solide, le chef de l’État s’y emploie… »

Secret de polichinelle, le durcissement du discours de Washington vis a vis de la Chine inquiète le gouvernement djiboutien ! Faut-il écarter l’idée de voir le pays déstabilisé pour renverser le régime, comme le suggérait, il y a encore peu - très naturellement - le Washington Times ? [12]. Le chef de l’État demande dès à présent aux ambassadeurs de ne pas manquer de mener une tournée d’explication, les invitant à communiquer davantage pour mieux défendre les choix politiques afin de faire barrage aux nombreuses campagnes médiatiques qu’ils jugent diffamatoires, biaisées, pour nuire à l’image, à la réputation, et aux intérêts du pays. Un exercice de pédagogie sera t-il suffisant pour ramener à la raison les faucons de l’administration Trump ? Rien n’est moins sûr !

Mahdi A.

Summary 2018 - National Defense Strategy

[3« Singapore fears Asean may need to choose between US-China », Bloomberg, 15 novembre 2018.

[4« Could China squeeze US out only permanent military base africa », Washington Post, 14 décembre 2018.

[6« US senators alarmed if China gets control of Djibouti port », Reuters, 13 novembre 2018.

 
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