Human Village - information autrement
 
Miroir de la jeunesse d’Adaillou
par Simane Elmi, avril 2023 (Human Village 47).
 
La bibliothèque

Dans notre pays, les associations n’ont pas toujours une bonne image, et ce parfois à raison. Mais aujourd’hui, l’association Miroir de la jeunesse d’Adaillou (AMJA) souhaite changer cela. Créée en janvier 2016 à l’initiative des jeunes de la localité d’Adaillou, située à 63 km de la ville de Tadjourah, cette association se veut le reflet d’une jeunesse consciencieuse et engagée. Les associations jouent un rôle crucial dans le milieu rural de notre pays en offrant des services publics essentiels qui sont souvent indisponibles ou inaccessibles dans ces zones éloignées. En effet, dans les régions rurales, les services publics sont souvent limités, ce qui rend difficile la satisfaction des besoins des communautés locales. C’est là que les associations interviennent en fournissant des services vitaux tels que la santé, l’éducation, la culture, le développement économique et social, ainsi que la protection de l’environnement. Le partenariat avec cette société civile active ne peut qu’être bénéfique pour les institutions étatiques.
L’objectif du Miroir de la jeunesse d’Adaillou est d’améliorer les conditions de vie des habitants du milieu rural et de la localité. Depuis sa création, l’association est devenue l’une des plus actives de la région de Tadjourah et du pays. « Malgré les difficultés que peuvent rencontrer les associations, notamment les difficultés financières, nous avons réussi à montrer que la jeunesse pouvait s’engager et participer au développement local », déclare le président de l’association, Mohamed Abdourazak Daoud.

Un des domaines prioritaires de l’association est l’éducation. L’objectif est de réduire le fossé entre le milieu rural et les grandes villes. C’est ainsi qu’en 2017, un an après son lancement, elle a mis en place une bibliothèque communautaire dans le village d’Adaillou. Cette bibliothèque est une des premières en milieu rural. Elle permet aux enfants de s’ouvrir sur le monde et d’accéder aux livres. Elle est devenue un lieu de culture où sont organisés chaque été des concours éducatifs, des rencontres intergénérationnelles et des débats.

En 2021, l’association a lancé un nouveau projet baptisé « Lampes de l’espoir ». Il s’agit d’offrir des lampes solaires aux enfants des écoles rurales. Cette idée est née après que des membres de l’association ont vu un jeune garçon étudier la nuit avec une torche. Ils ont lancé un appel à la solidarité auprès des personnes originaires du village et travaillant à Djibouti afin qu’elles contribuent à l’achat de lampes solaires. Grâce à la somme collectée par les membres de l’association, ils ont pu acheter douze lampes solaires. Dans l’incapacité d’en offrir une par élève, ils ont opté pour une autre solution : équiper des locaux avec des lampes pour que les enfants puissent étudier sereinement. Après avoir publié les photos de leur action sur Facebook pour plus de transparence, un donateur anonyme a été ému par une photo d’une jeune fille étudiant sous une lampe solaire et a offert 300 000 FDJ. Avec cet argent, l’association a pu acheter cent lampes solaires et en offrir à d’autres villages de la région de Tadjourah et d’Obock.
L’association compte lancer la seconde vague de cette initiative, mais est encore à la recherche de financements. Pour Mohamed Abdourazak, l’accès aux financements est la plus grande difficulté que rencontrent les associations à Djibouti.

En 2019, Miroir de la jeunesse d’Adaillou a organisé un concours éducatif et culturel inter-localités, baptisé « Giard » en hommage à un enseignant français qui a eu une histoire particulière avec le village d’Adaillou. Ce concours souhaitait mettre en avant les jeunes des localités rurales. Des dizaines des candidats issus de plusieurs villages de la région de Tadjourah se sont affrontés en lecture, dictées, culture générale, théâtre.

Solidarité envers les plus démunis…
C’est l’autre grande priorité de l’association. Pour les jeunes qui travaillent en grande majorité à Djibouti-ville, il est nécessaire de ne pas oublier la communauté villageoise. La pauvreté est une réalité en milieu rural, elle est encore aggravée par les effets du changement climatique. « Cette culture de solidarité nous a été léguée en héritage dans le village » indique Mohamed Abdourazak. En effet, Adaillou est connu pour être un fief de l’engagement associatif. C’est là qu’en 1996 l’association EVA, qui est aujourd’hui une ONG, a été lancée. Cette association, un exemple pour l’AMJA a réalisé de grands projets dans le village à une époque où l’engagement associatif était quasi inexistant. C’est en hommage à l’ancien président d’Eva, qui a énormément fait pour le village, que la bibliothèque porte le nom de Djilani Dimbio.
Tous les travailleurs originaires du village contribuaient à hauteur de 1000 FDj chacun pour offrir des kits scolaires, des couettes en période de froid… C’est dans cette lignée que dès son lancement l’association a mis en place deux initiatives : « Offrons de la Joie aux enfants » et « anti froid ». Chaque année depuis 2017, l’association fait des dons des vêtements chauds ou de couettes lors des périodes de grand froid. Et à chaque aïd el fitr, une centaine d’enfants orphelins ou de familles vulnérables sont habillés depuis 2017. « C’est l’une des initiatives dont nous sommes les plus fiers, nous avons lancé la cagnotte pour la 7e édition le mois de mars dernier, chacun peut contribuer à faire sourire ces enfants » dit Mohamed, qui regrette par ailleurs « la baisse de la solidarité avec le temps, sûrement due aux difficultés financières ».

Ce qui a fait de l’AMJA une association importante dans la région de Tadjourah, c’est la régularité et la continuité de ses activités, mais surtout la transparence et le sérieux dont fait preuve l’association. La réputation des associations n’est pas des plus reluisantes dans le pays, et les membres de l’AMJA en sont conscients. « Les gens se méfient des associations, beaucoup considèrent qu’elles ne sont là que pour se faire bonne image et pour accéder parfois à des postes politiques. C’est une méfiance qui s’explique notamment par des pratiques tendancieuses de nombreuses associations pendant des années. On peut classifier les associations en deux types : les anciens combattants, des vieilles associations qui ont commencé par les actions envers les communautés et qui se sont spécialisées dans un domaine pour bénéficier de grands projets, et les associations généralement fragiles mais extrêmement utiles dans les localités éloignées et qui jouent un rôle primordial. »
Avec le temps, l’AMJA a également développé une approche inclusive qui associe la communauté à ses activités. C’est dans cette optique que chaque début d’année, après la traditionnelle assemblée générale, elle mène des rencontres avec la communauté locale, les responsables éducatifs… pour identifier les besoins et trouver des solutions communes. Une belle façon de tisser des liens et de créer un climat de confiance.

Mohamed Abdourazak Daoud

Les projets à venir
L’AMJA a de nombreux projets, mais elle éprouve des difficultés à les réaliser faute de moyens suffisants. L’un de ses projets phares est la construction d’une bibliothèque/médiathèque, qui serait également un lieu culturel où elle pourrait mettre en œuvre plusieurs activités. Le président de l’association souligne que grâce à ses activités variées, l’AMJA est très sollicitée par les habitants des localités rurales, en ce qui concerne les actions de solidarité mais aussi les problèmes d’eau. Beaucoup demandent la mise en place des citernes enterrées. C’est pourquoi l’association présentera bientôt un projet de mise en place de plusieurs citernes auprès d’une agence internationale installée dans le pays. Un autre objectif important de l’association est la lutte contre les violences basées sur le genre, notamment les mutilations génitales féminines, les mariages précoces et la déscolarisation des filles. Un grand chantier au vu du tabou que représente le sujet dans un milieu rural très conservateur. Elle va bientôt mener un projet en ce sens, financé par l’USAID.
En ce qui concerne la protection de l’environnement, l’association souhaite transformer les déchets plastiques en objets artisanaux. Ce projet a déjà été développé avec succès dans la ville de Tadjourah par l’association des Femmes de Tadjourah (AFT), et l’AMJA réfléchit à la meilleure manière de l’adapter à Adaillou en partenariat avec AFT. L’ambition est de faire d’Adaillou un exemple en matière de protection de l’environnement et de contribuer à la promotion d’un village vert et éco-responsable. Ce projet s’inscrit dans l’engagement en faveur de la préservation de l’environnement et de la promotion du développement durable dans lequel s’est inscrite la jeune association.

Le mot de la fin
Pour terminer, laissons la parole au président de l’association Miroir de la jeunesse d’Adaillou . « Le bénévolat est quelque chose de magnifique. Nous sommes tellement engagés que cela peut parfois être épuisant, surtout lorsque les ressources pour mener à bien toutes nos activités sont inexistantes. Mais c’est lorsque nous voyons les résultats de nos actions et que nous recevons les remerciements des bénéficiaires que nous sommes motivés à continuer. Notre souhait est de voir les institutions étatiques, les agences internationales, les ONG et les ambassades présentes à Djibouti porter plus souvent leur attention sur les zones rurales de notre pays », conclu Mohamed Abdourazak.

Simane Elmi

Miroir de la jeunesse d’Adaillou
Courriel : associationmja1@gmail.com
Téléphone : 77 75 97 56
Facebook : facebook.com/assoamja0107 ?mibextid=ZbWKwL

 
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