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En aparté avec… Victor Mugabe
 

Victor Mugabe est secrétaire général du centre international d’arbitrage de Kigali (KIAC). Il a aimablement accepté de nous ouvrir les portes de son institution et de nous en parler.
Qu’est-ce que le KIAC ? C’est un organe d’apurement des différends commerciaux, utile lorsqu’il s’agit de commerce où l’on constate des différences d’interprétation entre partenaires. Il veut se positionner comme l’un des principaux organes de règlements de conflits dans le commerce de biens et services entre l’Afrique et le reste du monde. Victor Mugabe croit possible de renverser la table et estime que l’Afrique peut fournir ce service d’intermédiation et de conciliation sur le continent, pour ne plus à aller plaider à Londres. Pour lui, il est plus que temps de lutter contre les préjugés et de ne plus accepter de se faire infantiliser.
Pour Victor Mugabe, cet outil est indispensable pour promouvoir l’investissement, garantir sa sécurité juridique et accélérer la résolution des contentieux commerciaux. Il estime qu’instaurer à Djibouti des modes alternatifs de règlement des différends (conciliation, médiation et arbitrage) serait bénéfique pour la croissance des échanges. Un partenariat avec un centre africain renommé comme le KIAC pourrait offrir à notre pays un moyen stratégique plus efficace et efficient pour conforter Djibouti dans sa position de hub régional et pour attirer davantage des investissements directs étrangers.

L’équipe du KIAC

Victor Mugabe : « L’initiative que vous avez prise, de faire une visite au centre d’arbitrage, est très importante pour nous. Parce qu’avoir des contacts avec nos différents partenaires fait partie de nos missions principales. C’est pour cela, qu’hier, lorsque maître Emmanuel Rukangira m’a fait part de votre souhait, on a dit que c’était une demande importante qu’il fallait honorer. Nous sommes donc ravis de votre visite. Et c’est l’hospitalité qui marque notre pays, pas seulement ici au centre d’arbitrage, mais dans l’ensemble du pays. Votre compatriote, l’homme d’affaires Yacin Mousse Boulhane, qui est installé à Kigali depuis quatre ans peut en témoigner. Cette hospitalité est répandue dans toutes les institutions du pays, vous êtes donc les bienvenus au centre international d’arbitrage de Kigali (KIAC). Merci aussi à maître Emmanuel Rukangira qui est avec vous ces derniers jours. Donc, étant un avocat respecté, ancien procureur général, mon aîné dans la profession, il fallait donc que nous acceptions cette invitation.
Je suis ici accompagné de mes collègues. Il y a Françoise Ingabire qui est chargée de l’administration des dossiers d’arbitrage. Nous avons aussi notre collègue Annette Tamara Mbabazi, chargée de la communication et du marketing. C’est elle qui a participé à répandre le centre au-delà des frontières rwandaises, depuis maintenant neuf ans. C’est donc une personne très importante au centre. Et je suis Victor, le secrétaire général de ce centre depuis une année et sept mois. »

Quelle est l’ambition du centre ?
Victor Mugabe : Le Centre international d’arbitrage de Kigali a été créé par une loi en 2010, à l’initiative de la fédération rwandaise du secteur privé. Les activités du KIAC ont été officiellement lancées en 2012. L’établissement de ce centre n’est pas le fruit du hasard, mais fait suite à la ratification par le Rwanda de la convention des Nations-unies sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères en 2007. J’ai remarqué que votre pays a aussi ratifié cette convention en 1983. Ce centre a été créé dans le cadre des réformes du climat des affaires et d’investissement au Rwanda. C’était pour appuyer la magistrature, pour se débarrasser des arriérés judiciaires afin de permettre aux investisseurs de se sentir plus à l’aise avec des moyens plus effectifs de règlement des différends. Le KIAC a émergé comme une réponse à un besoin exprimé par les opérateurs économiques confrontés à des retards devant les tribunaux. Il fallait trouver un moyen particulier pour les hommes d’affaires afin qu’ils puissent régler les différends commerciaux. Aujourd’hui, après presque dix ans, le centre est l’une des institutions de renom en Afrique qui fournit des services d’arbitrage et de médiation, en matière commerciale. En 2020, le rapport d’enquête biennal sur l’arbitrage en Afrique de la SOAS de London sur les meilleurs centres et sièges d’arbitrage africains a classé le KIAC au troisième rang.

Vous avez réussi à vous hisser très haut, très rapidement. En 2012, vous étiez à peine créé et aujourd’hui, vous êtes au troisième rang d’Afrique.
Je vais vous expliquer le pourquoi de cette accélération. Les attributions principales du centre se résument en quatre composantes essentielles :
 Fournir des services de résolution de différends par le biais d’arbitrage et d’autres modes alternatives de résolution de conflits.
 Promouvoir les modes alternatifs de résolutions de conflits à travers l’éducation du public, la publication et la recherche.
 Fournir des formations et une accélération en modes alternatives de résolution de conflits.
 Promouvoir le Rwanda comme un lieu sur d’arbitrage international.
Le centre dispose d’un conseil d’administration composé de sept personnes dont six qui sont nommés par la fédération rwandaise du secteur privé et un représentant du gouvernement qui vient du ministère de la justice, qui est notre ministère de tutelle. En effet, nous œuvrons dans le secteur de la justice mais aussi du commerce ; cependant la balance penche plus vers l’aspect justice.

Est-ce que le PSF équivaut à ce que l’on appelle la Chambre de commerce ?
Exactement. Avant cette dénomination, c’était la Chambre de Commerce. Avant 2010, la chambre de commerce avait une forme des méthodes de résolution des conflits également.

Victor Mugabe

Et l’efficacité n’était pas aussi efficiente ?
L’efficacité n’était pas aussi avancée, parce qu’avant 2008, il n’y avait pas d’organisation juridique, de cadre légal. Quand la loi de 2010 sur l’arbitrage a été adoptée, ils ont commencé à s’organiser de façon juridique, mais le centre est né officiellement en 2012, deux ans après l’adoption de la loi par la représentation nationale. C’était une façon d’organiser de plus en plus la pratique de l’arbitrage en Afrique et particulièrement au Rwanda. Cependant il y avait déjà des arbitrages ad-hoc, qui existent d’ailleurs jusqu’à présent car la loi n’a pas rendu caduques les méthodes qui existaient avant.
Nous avons un conseil d’administration composé de personnalités internationales. Parmi les sept membres, trois sont des membres internationaux d’Europe et d’Afrique. Le centre dispose d’un secrétariat nommé par le conseil d’administration et que je dirige, avec une équipe technique d’appui. Pour les services, nous administrons les dossiers d’arbitrage qui nous sont soumis par les parties en conflit et ce suivant le règlement du centre d’arbitrage. Ce règlement est calqué sur le Règlement d’arbitrage de la commission des Nations-unies pour le droit commercial international. Les services du KIAC sont vraiment abordables par rapport à d’autres centres, qui ont quand même établi un barème difficilement abordable comme ceux d’Egypte, du Nigeria ou encore d’Afrique du Sud. Nous avons donc essayé d’être abordables. Le KIAC dispose d’un panel d’arbitres de renommée mondiale, crédibles et indépendants, c’est-à-dire que les arbitres au sein du KIAC ne sont pas seulement des Rwandais. Il y a des arbitres locaux, mais comme le centre est international, nous avons également un panel international de plus de 150 arbitres, dont neuf seulement sont rwandais. Quand il y a des dossiers internationaux très complexes, les parties ont le droit de choisir les arbitres de leur choix. Par ailleurs, le centre apporte un soutien logistique à ses utilisateurs pour l’organisation des audiences, y compris des salles appropriées, des services de vidéoconférence et d’autres services de secrétariat.

La pertinence du KIAC dans le doing business
Le Rwanda a toujours été classé parmi les meilleurs endroits en Afrique pour faire du business. Il y a beaucoup de facteurs, mais le KIAC s’inscrit parmi les piliers dont dispose notre pays pour attirer les investisseurs et promouvoir le développement économique. Chaque année, le Rwanda s’efforce d’améliorer l’environnement du doing business, tel que décrit dans le rapport annuel de la Banque mondiale. Cela se fait avec l’objectif majeur de promouvoir le Rwanda en tant que destination attrayante pour les affaires et les investissements et de stimuler la croissance du secteur privé. Les services du KIAC font partie intégrante des indicateurs de la facilité de faire des affaires, notamment l’exécution des contrats commerciaux. Les services du KIAC sont donc essentiels pour favoriser l’investissement. Je voudrais vous donner un exemple. Un centre a été créé récemment, le Kigali International Financial Center. Chaque fois que les représentants de ce centre font du lobbying pour attirer des investisseurs étrangers, la question de savoir si il y a au Rwanda un mécanisme de résolutions des conflits autre que les juridictions revient. Bien sûr, nous collaborons avec d’autres centres d’arbitrage parce que les parties peuvent s’entendre pour utiliser d’autres centres. Nous sommes en contact avec au moins les cinq meilleurs centres d’arbitrages internationaux d’Afrique. Le succès du centre de Kigali est dû au fait que nous sommes bilingues et que nous avons un système juridique dualiste.

Est- ce qu’il y a une compétition pour l’arbitrage ?
Pour le moment, entre les centres, non. Mais il y a quand même une concurrence déloyale des centres d’arbitrage européens qui disent qu’on ne peut pas arbitrer en Afrique, parce qu’ on ne croit pas au système africain. C’est une mauvaise perception des choses.

N’est-ce pas à nous d’imposer le choix vu que c’est nous qui sommes les clients, de faire en sorte que le règlement des litiges se fassent en Afrique. A Djibouti, nous avons un litige avec DP World qui nous attaque à Londres et porte plainte contre notre partenaire China Merchant à Hong Kong ?
La plupart des grands contrats sont financés par des Européens, et ils exigent que les centres d’arbitrages soient celui de Londres ou autre. Avec la création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), l’Afrique est en train de devenir aussi puissante que les européens.

Un nombre croissant de dossiers d’arbitrage au KIAC
Nous avons jusque là traité 194 litiges arbitraux complexes et de grande valeur monétaire. Près de 40% de ces affaires sont internationales. Si vous comparez ces chiffres avec ceux des autres centres en Afrique, vous constatez l’avance du KIAC. Des études ont montré qu’il faut en moyenne entre trois et quatre ans à un centre d’arbitrage nouvellement créé pour administrer un seul dossier. Aujourd’hui, au KIAC, nous en sommes à 194 dossiers. Si vous créez un centre international d’arbitrage de Djibouti, vous pouvez faire trois à quatre ans sans aucun dossier parce qu’il y a une crédibilité à construire.

Victor Mugabe, Emmanuel Ugirashebuja (ministre de la justice)
et Me Abayazid

C’est ce que plaide maître Abayazid, qui ambitionne de nouer un partenariat entre le KIAC et Djibouti pour créer un nouveau centre.
C’est possible. Je connais Djibouti à travers les livres et l’histoire. C’est un pays avec une géostratégie où on peut faire des affaires parce que le pays remplit toutes les conditions pour avoir un système d’arbitrage qui fonctionne très bien, on peut donc collaborer. Il y a d’autres pays qui ont ouvert des branches de centres, et ça fonctionne très bien.
Il est également remarquable que les sentences arbitrales ont été exécutées sans difficulté et dans des délais raisonnables - entre trois et six mois-, et qu’à ce jour, aucune sentence arbitrale rendue sous l’administration de KIAC n’a été annulée par le tribunal.

Quelle est la contribution de l’arbitrage à la croissance nationale ?
La valeur des investissements enregistrés a considérablement augmenté, passant de 400 millions de dollars américains en 2010, l’année de création du centre, à 2,46 milliards en 2019. Le pays a investi dans l’énergie, dans la bonne gouvernance, dans les infrastructures mais aussi dans le fait d’éloigner les tribunaux de la gestion des conflits commerciaux.

Est-ce qu’il y a eu au début une concurrence entre les tribunaux civils et le KIAC ?
Le problème est qu’avant 2007, si vous étiez face à un litige commercial, il fallait aller devant les tribunaux,et les dossiers étaient traités dans l’ordre d’arrivée. Et un dossier pouvait prendre jusqu’à deux ans. Au départ, le centre a été créé pour éviter que le businessman se trouve face aux tribunaux classiques. Ici, au KIAC, ça va très vite. Ça prend en moyenne entre trois et six mois et parfois quand les parties veulent vraiment coopérer, ça prend moins de trois mois. Ça dépend donc de la volonté des parties.

Est-il temps de dynamiser l’arbitrage en Afrique ?
C’est un problème que presque tous les pays d’Afrique ont. Le 28 février, j’étais avec une délégation du Congo qui avait un problème. Le Congo est le premier client africain de la Cour Internationale d’Arbitrage d’ICC de Paris. Il y a des contrats énormes mais la clause d’arbitrage, c’est toujours Londres, Paris, Singapour ou la Chine. Ils sont en train de faire une révolution en venant au KIAC. Avec un tel investissement, les conflits surgiront toujours et il est grand temps de créer/préparer une génération d’arbitres et de conseils de grande qualité.

Pourquoi certain partenaires commerciaux n’aiment arbitrer en Afrique ?
Il y a une perception de manque d’expertise des praticiens africains. C’est une mauvaise perception, parce qu’en Afrique, nous avons de bons arbitres capables d’arbitrer de manière professionnelle. Nous avons beaucoup de Kényans, de Nigérians, de Camerounais… Il y a aussi le manque d’informations sur les praticiens africains qualifiés de l’arbitrage, et le manque de confiance dans la capacité des praticiens africains de l’arbitrage. Il y a aussi des préjugés sur l’ingérence des tribunaux dans la pratique d’arbitrage, la corruption, l’insécurité, l’instabilité politique, le nombre limité de professionnels formés, les cadres juridiques et réglementaires inappropriés ou insuffisants, les problèmes de visa, le transport aérien insuffisant et cher. On manque de données sur l’exécution des sentences arbitrales en Afrique.

Que devons-nous faire ?
Nous devons admettre certaines des faiblesses et travailler dur pour nous améliorer : Lutter pour changer la perception négative sur l’Afrique - dans tous les domaines y compris la capacité de résoudre les conflits commerciaux par arbitrage ou médiation commerciale - ;Exploiter les sites africains les plus fiables et plus dynamiques en arbitrage ; La formation continue en arbitrage ; Renforcer le réseautage pour le partage des connaissances et expériences et bonnes pratiques en arbitrage ; Renforcer la coopération des institutions d’arbitrage et de médiation du continent africain. C’est ce que nous sommes en train de faire avec une association africaine d’arbitrage qui a été créée en 2018 et qui est aujourd’hui abrité au Rwanda, l’African Arbitration Association. Nous avons voulu former une organisation qui va parler au nom de toutes les institutions africaines d’arbitrage pour avoir une seule voix. Cette association est basée à Kigali au KIAC parce que toutes les institutions africaines ont dit que c’était le lieu sur pour arbitrer cette institution. Lors de la dernière conférence organisée, plus de 500 arbitres de renoms internationales se sont inscrits.

Recommandations aux gouvernements
Nous avons proposé de créer un cadre politique, économique et juridique favorable à l’investissement local et international et qui donne la place privilégiée aux modes alternatifs de résolution des conflits commerciaux - arbitrage & médiation. Créer un cadre de gouvernance transparente et crédible, notamment en ce qui concerne la justice, la sécurité et la stabilité. Sur cet aspect, votre pays n’est pas connu pour être instable bien que vous soyez entouré de voisins en conflit.

Les bureaux du KIAC à Kigali

Pourquoi choisir l’arbitrage du KIAC ?
Ici au KIAC, nous avons des garanties de bonne gouvernance au niveau national : risque mineur de corruption, accessibilité du pays, visa à l’arrivée, moins de tracasseries frontalières,… C’est un lieu dit « neutre » et « support du pouvoir judiciaire ». Il y a des juges formés en droit de l’arbitrage par la Chartered Institute of Arbitrators au Royaume-Uni. Jusqu’à présent, aucune sentence arbitrale n’a été annulée par un juge. L’exécution de la sentence se fait par une simple formule exécutoire du juge au lieu d’un jugement. Si on a une sentence qui doit être exécutée, on n’a pas besoin de demander au tribunal de faire un jugement pour la mettre à exécution. Comme nous l’avons dit précédemment, il y a également la flexibilité de deux systèmes juridiques, à savoir le droit civil et la Common Law, mais également de bénéficier de juristes francophones et anglophones. Nous avons également des salles d’audience modernes, équipées d’internet haut débit et l’assistance d’un staff technique bien formé. Par ailleurs, le KIAC dispose d’un panel composé de plus de 150 arbitres actifs dont 60% internationaux, et c’est l’honneur de notre centre parce que les parties peuvent choisir les arbitres qu’ils veulent.

Un dernier mot pour finir ?
L’expansion économique du continent nécessite de penser et de repenser la relocalisation des mécanismes de règlement des différends, en particulier la relocalisation de l’arbitrage en Afrique. La leçon de certains pays africains qui ont investi dans la promotion de l’arbitrage en Afrique est encourageante. Il y a le Rwanda, mais aussi le Nigeria, l’Égypte, l’Afrique du Sud. Cependant, il faut quand même que le nombre des pays qui font la promotion de l’arbitrage en Afrique augmente. Il ne faut pas que ça reste entre les cinq pays développés, il faut que ce soit une culture de tous les pays africains. Ce sera un moyen de se libérer des clauses imposées par les occidentaux dans la négociation des contrats. Il est possible d’avoir une seule voix en Afrique. On a les compétences et le savoir faire, ça peut donc marcher.
Il faut maintenant pouvoir lutter contre l’inégalité de perception par les Occidentaux et s’imposer dans la négociation. Il ne faut pas se mettre dans une position de faiblesse. C’est l’union qui fait la force, il faut échanger et partager. Si vous avez des difficultés dans un dossier à Djibouti, vous pouvez demander une expertise au Rwanda. C’est la coopération et la collaboration que nous voulons en Afrique. Et chez vous, à Djibouti on peut travailler ensemble de deux manières. Vous pouvez établir votre centre d’arbitrage, et on peut vous apporter une assistance technique. On peut faire des recherches, des consultations pour établir la possibilité de mettre en place un centre. Ou bien vous pouvez travaillez avec notre centre sous une autre forme de collaboration, tout est possible. On n’est pas en compétition en Afrique. Ce que l’on veut c’est que les Africains puissent avoir une seule voix. C’est comme cela que nous serons plus forts dans la négociation avec nos concurrents occidentaux.

Y a-t-il un moyen de renégocier certains contrats ?
On peut même négocier des contrats qui sont en cours aujourd’hui. Quand le KIAC a été créé en 2012, je me rappelle qu’il y avait certains contrats commerciaux qui prévoyaient une procédure judiciaire, mais avec la création du KIAC, les parties ont renégocié la clause et choisi l’arbitrage. Cela dépend donc des parties.

Yacin Mousse Boulhane, Victor Mugabe, Man Mohamed Djama

Est ce que, aujourd’hui, dans les contrats que signe le gouvernement rwandais, c’est le centre d’arbitrage rwandais qui est choisi ?
Pas toujours, parce que certains partenaires veulent utiliser les centres de leurs pays. Dans ce cas, nous estimons qu’il faut un endroit que nous estimons neutre. Mais on conclut des contrats de partenariat avec ces centres. Par exemple, si la procédure va se dérouler virtuellement, on peut utiliser le KIAC pour la logistique (salles de visio-conférence), ou encore le KIAC peut recommander des institutions gouvernementales ou des arbitres de renom.Il faut posséder ce pouvoir de négociation Nous n’imposons pas le fait que le KIAC apparaisse dans la clause du contrat, mais nous voulons au moins une clause d’arbitrage et défendre les intérêts des parties. Il y a certaines clauses qui disent qu’on va faire appel à des arbitres britanniques, mais pourquoi ? On doit avoir la latitude de choisir les arbitres que l’on veut. Le problème est là. Vous avez un contrat de 50 millions de dollars dans lequel vous avez prévu une clause d’arbitrage. Supposons que les coûts d’avocats et des arbitres sont de 5 millions de dollars, il y a pas de gain. Vous pouvez dire dans la clause : on utilise le règlement de Londres, le barème du Caire et le logo du KIAC, c’est cette coopération que nous voulons.
Quand on est Africain, on n’est trop souvent considéré comme partie peu fiable, ça ne doit plus être le cas. On n’est plus en période de colonisation, on est en 2022.

Comment comptez-vous encore renforcer votre stature ?
L’objectif du centre n’est pas d’en faire une institution commerciale. Nous voulons que la société puisse considérer les modes alternatifs de résolution de conflits comme une culture. Parce que les tribunaux, ce n’est pas notre culture. Nous avons notre système à nous, au Rwanda, qui est la médiation traditionnelle qu’on appelle le « gacaca » qui nous a aidé à régler les suites du génocide. Quand les juridictions ont été apportées par les colons, c’était pour faire taire les autochtones. C’était donc un instrument créé en Europe dont le but était d’éviter toute résistance des autochtones. Pourtant, nous avions une justice avant l’arrivée des colons. Il y a des décisions rendues par les rois à l’époque sur l’égalité homme-femme, qui s’appliquent comme jurisprudence jusqu’à aujourd’hui. Notre mission, c’est d’avoir d’ici cinq à dix ans une partie de la population rwandaise qui puisse comprendre que l’on peut régler les conflits sans forcement devoir aller devant les tribunaux. Il y a certaines civilisations qui pensent que c’est la loi de la jungle qui s’applique en Afrique. Ce n’est plus le cas, nous avons des juges africains qui sont nommés dans les cours internationales. Le challenge que nous, Africains, devons relever, c’est de lutter contre les mauvaises perceptions que certains ont de nous.

Propos recueillis à Kigali (Rwanda) par Man Mohamed et Mahdi A.

 
Commentaires
En aparté avec… Victor Mugabe
Le 31 août 2022, par Omar wahib aref .

Article intéressant. De plus j’avait entendu parler du centre d’arbitrage du Rwanda dans un article d’un journal londonien, en tout cas ce centre à une bonne réputation internationale.
De plus avec l’augmentation des IDE en Afrique et le développement de la Zone de libre échange africaine (ZLEA), le recours à l’arbitrage deviendra de plus en plus obligatoire et il est temps que l’Afrique forme ces futures arbitres et commence à se familiariser avec ce mode de réglement des conflits.
A Djibouti depuis quelques années il y a cette volonté politique de créer un centre d’arbitrage pour les litiges commerciaux. J’espère que cette ambition verra bientôt sa mise en œuvre concrète avec la la signature et la ratification de l’accord sur la zone de libre-échange africaine. Les investissements étrangers seront de plus en plus importants sur le continent, certainement ces investisseurs exigeront des clauses règlements de conflits auprès de la Cour arbitrale de Londres ou Paris ? Est-ce pertinent pour les intérêts de notre continent ?
Notre pays a récemment adhéré aux règlements des conflits au niveau de la Banque mondiale par une loi voté en 2017.
Dans notre pays le plus urgent est que nos hommes d’affaires se familiarise avec ce mode réglement, ces procédures et la notion de jurisprudence. Car il ne faut pas oublier que l’arbitrage se fonde se constitue par les jurisprudences. 
En tout cas les magistrats et les avocats Djiboutiens doivent se préparer et être formés dans cette nouvelle compétence. Le partenariat avec le centre d’arbitrage du Rwanda me semble extrêmement opportun, une coopération Sud-Sud. Je félicite à ce titre maître Mohamed Abayazid et maître Ahmed Abdourahman Cheikh pour l’investissement qui est le leur pour ce partenariat et leur détermination à secouer le cocotier et la profession pour essayer d’améliorer le climat des affaires et donc forcément, la qualité des investissements étrangers sur notre territoire. 
Enfin je félicite Man Mohamed et Mahdi Ahmed pour ce reportage sur le KIAC. Mahdi a toujours un train d’avance sur les autres journalistes.
A bientôt, maître Omar Wahib Aref

 
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