Depuis sa déclaration d’indépendance en 1991, après trente ans d’une union de plus en plus intenable avec la Somalie, le Somaliland dispose d’un bilan remarquable avec l’instauration de la paix et de la sécurité, et la relance de son économie. Après les destructions causées par la guerre de 1988-1990, le pays s’est développé en peu de temps. La dynamique d’une économie de marché a bien fonctionné malgré le manque de soutien extérieur et d’interactions économiques, commerciales et politiques normales avec le reste du monde, causées par la non-reconnaissance du pays.
Non seulement le Somaliland a participé à la paix, la sécurité et la stabilité dans la corne de l’Afrique, mais il a également établit une structure stable de gouvernance, basée sur des initiatives locales, avec cinq présidents qui se sont succédés pacifiquement ces trente dernières années. Des élections législatives et locales s’est se sont déroulées le 31 mai 2021. Très ouvertes, elles ont été déclarées équitables et libres par tous les observateurs internationaux. Une élection présidentielle est prévue fin 2022.
Le Somaliland a également été en mesure de contenir le terrorisme, la violence et la piraterie sur son territoire et reste un bouclier contre ces maux pour ses voisins depuis plus de trois décennies. Cependant, il ne pourra pas continuer à le faire si le statu quo se maintient et qu’il reste isolé, sans interactions normales avec le reste du monde. Le Somaliland est en mesure de partager ses expériences et ses réalisations des trente dernières années avec les états membres de l’UA qui sortent fragilisés de périodes de conflits. Contrairement à certains de ses voisins, le Somaliland n’a jamais connu d’acte de terrorisme, sauf un incident en 2008, de tension le long de ses 850km de côtes, ni de conflit. C’est la zone la plus pacifique, la plus stable et la plus démocratique de la corne de l’Afrique. Le Somaliland est un parfait et bel exemple de la façon dont un État fragile sortant d’un conflit peut parvenir à mettre en place des solutions durables et locales. Le président du Somaliland, qui participait déjà à ce processus avant son élection en 2017, est le mieux placé pour présenter l’expérience du Somaliland, qui peut servir d’exemple pour tout le continent
Le rôle de l’UA et des dirigeants africains
Le Somaliland est un modèle de succès qui mérite l’attention et devrait être étudié par les dirigeants africains. Depuis le rapport en 2005 d’une mission d’enquête de l’UA, il n’y a pas eu beaucoup d’avancées sur les conclusions et les recommandations de cette mission ou l’examen approfondi de la situation du Somaliland. Nous pensons qu’il est grand temps de le faire. Le rapport de cette mission concluait que : « La quête de reconnaissance du Somaliland est historiquement unique et justifiée dans l’histoire publique de l’Afrique ; qu’objectivement, l’UA devrait trouver une méthode pour traiter cette affaire en souffrance ». Nous demandons maintenant que la situation du Somaliland, dans le prolongement du rapport de la mission de 2005, soit mise à l’ordre du jour du prochain sommet de l’UA. Nous lui demandons d’approuver, dans un premier temps, l’idée d’une deuxième mission de l’UA afin de préparer un rapport actualisé sur la situation.
Nous faisons cette demande alors que nous venons de célébrer le 31e anniversaire de la reconquête de notre indépendance le 18 mai 1991. Le Somaliland est en dehors de l’union avec la Somalie depuis 1991, une période plus longue que son appartenance à l’union (1960-1911). Continuer à lier son sort à celui de la Somalie, embourbée dans les conflits et l’instabilité ces trois dernières décennies, serait injuste et potentiellement déstabilisant. Le Somaliland s’est révèle un État pacifique, stable et fonctionnant bien au cours des trente-et-une dernières années.
Il est hors de question que le peuple du Somaliland accepte le retour d’une union avec la Somalie. Les massacres de la fin des années 1980 par l’armée nationale somalienne et la destruction ciblée de grandes villes rendent impossible de même imaginer de revenir à cette union. Forcer le Somaliland à rejoindre la Somalie contre la volonté de son peuple ne conduira qu’à des destructions inutiles, des effusions de sang et une déstabilisation de la région. Les arguments juridique et moraux en faveur de la reconnaissance sont également en notre faveur :
– Le Somaliland remplit tous les critères définissant un État, énoncés dans la convention de Montevideo de 1933.
– Le Somaliland était un pays souverain indépendant reconnu par trente-cinq membre de l’ONU, dont quatre membres permanents du conseil de sécurité, jusqu’à ce qu’il décide de fusionner avec l’ancienne colonie italienne de Somalia en juillet 1960.
– L’indépendance du Somaliland restaure les frontières de l’ancien protectorat britannique du Somaliland et ne viole donc pas le principe selon lequel les anciennes frontières coloniales doivent être maintenues après l’indépendance, inscrit dans l’Acte constitutif de l’Union africaine.
– La mission d’enquête de l’Union africaine, venue au Somaliland entre le 30 avril et le 4 mai 2005, a déclaré que : « L’union entre la Somalie et le Somaliland n’a jamais été formellement ratifiée objectivement, l’affaire ne devrait pas être liée à la notion d’’ouverture d’une boite de Pandore ».
Le but ultime du peuple somalilandais est d’obtenir la reconnaissance internationale (en particulier par les autres États africains) de son statut de nation souveraine. Nos demandes immédiates sont :
– Être autorisé à assister aux sommets de l’UA avec un statut d’observateur.
– Mettre la situation du Somaliland à l’ordre du jour de l’agenda de l’UA et examiner objectivement sa revendication d’indépendance.
– Approuver l’idée d’une deuxième mission de l’UA pour préparer un rapport sur la situation au Somaliland qui mette à jour le rapport de la mission 2005.
En conclusion, nous présentons notre dossier pour un examen attentif par l’UA et les dirigeants africains. Nous croyons que la situation du Somaliland est basée sur la justice, les principes moraux et les faits sur le terrain - un État de facto aussi viable que tout autre État, sur le continent et ailleurs, ancré sur la volonté de son peuple. Le leadership incontesté du président Macky Sall est un nouvel espoir pour le règlement des conflits en Afrique et dans le monde.
Mamadou Dia, conseiller spécial du président du Somaliland