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Violences communautaires et cohésion sociale
par Amina Abdi, septembre 2025 (Human Village 55).
 

À la suite des affrontements intercommunautaires qui ont ébranlé des quartiers et régions de Djibouti « à plusieurs reprises ses quatre dernières années », une rencontre s’est tenue, jeudi 18 septembre au Sheraton, afin de réfléchir à la cohésion sociale et aux moyens de prévenir de nouvelles crises. Organisée par l’Institut d’études politiques et stratégiques (IEPS-CERD), en partenariat avec la Fondation Konrad Adenauer, cette rencontre a rassemblé chercheurs, universitaires, autorités locales, représentants de la société civile et diplomates étrangers.
L’objectif affiché était de comprendre les causes profondes des tensions, dresser un diagnostic partagé et identifier des solutions concrètes pour consolider le vivre-ensemble.
Les chercheurs ont présenté une étude basée sur des enquêtes de terrain, des témoignages et une analyse historique des dynamiques sociales [1].

Comprendre les fractures sociales
Dès l’ouverture, les organisateurs ont insisté sur l’urgence de comprendre un phénomène qui « n’est plus périphérique, mais au cœur de la vie quotidienne des Djiboutiens », selon Aden Omar, directeur de l’IEPS-CERD. Les chercheurs ont rappelé que les affrontements récents trouvent leurs racines dans des facteurs multiples : rivalités communautaires anciennes, pressions économiques, inégalités territoriales et déficit de confiance envers les institutions. À Dikhil, par exemple, plusieurs habitants ont confié privilégier la justice coutumière, jugée plus rapide et accessible que les tribunaux officiels.

Solidarités traditionnelles et fragilités institutionnelles
Malgré ces tensions, l’étude met en lumière des mécanismes de résilience. Les solidarités tribales, les comités de sages, les mariages mixtes ou encore les cérémonies religieuses jouent un rôle essentiel dans la médiation et la cohésion. « Le tissu social djiboutien possède en lui-même des ressources de paix, mais celles-ci sont fragilisées par les violences récurrentes et les stéréotypes hérités de la colonisation et de la guerre civile », a souligné Abdoulkader Houssein Mohamed.
L’importance du rôle de l’État a également été discutée. Si les forces de l’ordre sont jugées indispensables pour stopper les violences, elles sont parfois perçues comme « non neutres ». Les participants ont plaidé pour un renforcement de la confiance institutionnelle et une meilleure présence des services publics dans les régions.

La cohésion sociale, au-delà de l’unité nationale
Un aspect marquant de la conférence a été la distinction faite entre « unité nationale », notion dominante depuis l’indépendance, et « cohésion sociale », concept plus récent qui intègre la diversité culturelle, sociale et économique. « L’unité nationale a été un ciment indispensable à l’indépendance. Mais aujourd’hui, il nous faut aller plus loin, intégrer toutes les composantes de la société et créer une véritable confiance horizontale et verticale », a estimé Zohra Mohamed Omar.
L’expérience d’Engueila, un quartier présenté comme « modèle de cohésion sociale » grâce à ses pratiques de solidarité intercommunautaire, a été citée comme un exemple à suivre.

Coopération internationale et engagement citoyen
L’ambassadrice d’Allemagne à Djibouti, Heike Fuller, a salué la qualité des travaux et rappelé l’engagement de la Fondation Konrad Adenauer dans la région : « Renforcer la cohésion sociale et prévenir les conflits, c’est aussi consolider la stabilité régionale et internationale. »
Elle a rappelé que la Fondation soutient activement la recherche, la formation et le dialogue en Afrique de l’Est, dans le but de renforcer la paix et la gouvernance démocratique.
Des représentants locaux ont également témoigné des initiatives de terrain. À Balbala, mais aussi dans la commune de Boulaos, des jeunes leaders ont organisé des rencontres pour éviter l’extension des violences vers d’autres communes, illustrant le rôle clé de la jeunesse et de la société civile.

Recommandations et perspectives
Le rapport propose plusieurs pistes concrètes, comme renforcer les mécanismes traditionnels de médiation en les articulant avec la justice officielle, développer des programmes sociaux et économiques dans les zones vulnérables, instaurer des conseils de quartiers pour favoriser le dialogue, promouvoir la tolérance religieuse et culturelle par l’éducation et la sensibilisation.

En conclusion, la rencontre s’est achevée sur un appel à la responsabilité collective. « Nous avons vu ce qui s’est passé. La question est désormais : allons-nous rester dans ce cycle de violences, où allons-nous bâtir ensemble le futur de ce pays ? », a résumé un participant.
Si les tensions récentes ont mis en lumière la fragilité du tissu social, elles offrent aussi l’occasion d’une réflexion profonde et d’un engagement renouvelé. La cohésion sociale apparaît ainsi comme un chantier prioritaire pour l’avenir de Djibouti, condition indispensable de la paix, de la sécurité et du développement.

Amina Abdi


[1Aden Omar Abdillahi, Abdoulkader Houssein Mohamed, Zohra Mohamed Omar, Kamil Dabaleh Ali, Abdoulrazack Aref Abdillahi, La cohésion sociale à l’aune des récents affrontement intercommunautaire à Djibouti, septembre 2025.

 
Commentaires
Violences communautaires et cohésion sociale
Le 21 septembre 2025, par Youssouf Ali.

Inutilisable dans notre contexte. Pleins d’autres études et rapports ont été réalisés sur ces violences au cours des 20 dernières années. Personne ne s’en souvient. Aucune raison objective pour celui-ci soit réellement différent. Le contenu et la qualité ne sont pas en cause. C’est le contexte dans lequel on espère le mettre en œuvre qui est rarement preneur.

 
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