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L’unité rend puissant, la division affaiblit
 

Plus de 3,4 milliards de personnes dans le monde vivent aujourd’hui dans des pays qui dépensent plus en remboursement d’intérêts que pour la santé de leurs habitants. Dans la Corne de l’Afrique, la balance de la survie penche fortement en faveur de l’intégration plutôt que de l’isolement. Le manque de confiance dans la région étouffe souvent l’action collective. Les jeunes, peu convaincus que demain sera meilleur, votent avec leurs pieds, traversent les frontières et les mers à la recherche d’opportunités que les économies locales ne peuvent encore leur offrir.
La Corne de l’Afrique a atteint un tournant décisif dans un siècle turbulent. Les pandémies, les chocs climatiques, les secousses financières et les rivalités géopolitiques sont en train de redessiner la géopolitique mondial, obligeant les pays à choisir entre se retrancher derrière leurs frontières ou affronter ensemble la tempête.
Pour la Corne, la question est lancinante. Savoir s’il faut se replier derrière les frontières et laisser chaque pays se débrouiller seul, résonne des hauts plateaux aux côtes. L’isolement peut apaiser les craintes à court terme, mais le partenariat est désormais la nécessité objective de la force. L’intégration régionale n’est plus un rêve inaccessible, c’est un calcul nécessaire à la survie.

Il est inquiétant de constater que les coûts de la division sont déjà visibles. Les tensions aux frontières retardent les camions, allongent les délais de livraison de plusieurs jours et repoussent les investisseurs. Les divergences réglementaires entravent les start-ups numériques et empêchent la connexion des réseaux électriques. Le manque de confiance étouffe l’action collective.
Le plus domageable est la désunion qui transforme la Corne de l’Afrique en un échiquier stratégique sur lequel les puissances extérieures manœuvrent, chaque coup creusant davantage les fractures de la région. Aucun État, aussi grand ou riche en ressources soit-il, ne peut prospérer longtemps dans un tel environnement.

Djibouti a choisi une voie différente. Ses dirigeants insistent sur l’ouverture, le dialogue et la connexion. Plus qu’une plateforme logistique, Djibouti aspire à être un catalyseur de coopération, en accueillant des pourparlers de paix, en installant des câbles optiques et en gardant ses ports ouverts à tous.
Si la géographie des voies maritimes de la mer Rouge, des bassins versants partagés et des routes pastorales transfrontalières constitue le lien de la Corne de l’Afrique, alors la volonté politique peut transformer la géographie de malédiction en bénédiction.
La Corne de l’Afrique n’est pas condamnée à la crise. Elle possède les matières premières nécessaires pour devenir un laboratoire de solutions africaines aux problèmes de l’Afrique et un moteur de prospérité partagée. Les ports peuvent desservir des corridors entiers, et non pas un seul pavillon. La paix peut reposer sur le dialogue, et non sur la peur. La fierté nationale peut unir les peuples au lieu de les diviser.
La région n’est pas une poudrière. Elle peut être une puissance collective si nous choisissons l’unité.
Imaginez une région alimentée par des réseaux énergétiques communs, irriguée par des routes et des voies ferrées sans discontinuité, et connectée par des plateformes numériques interopérables. Imaginez des chaînes d’approvisionnement qui ne sont pas affectées par les chocs climatiques parce que les agriculteurs, les commerçants et les organismes d’aide humanitaire coordonnent les prévisions, les semences et le stockage. Imaginez une main-d’œuvre composée de jeunes femmes et hommes qui échangent des idées plutôt que des armes.
Un tel avenir est réalisable, mais seulement si des bases solides sont posées. Il faut un leadership qui brise les cycles de griefs, et des institutions dignes de confiance pour arbitrer les différends. Il convient d’encourager la mise en place de forums réguliers, des conseils, des commissions mixtes et des systèmes d’alerte précoce, qui remplacent les rumeurs par des faits. Si les investissements conjoints dans les biens publics, comme les infrastructures, l’innovation et la résilience climatique, doivent être renforcés, l’aspect le plus insaisissable, à savoir la culture de la confiance, doit être construit patiemment, transaction par transaction, élection par élection et accord par accord.

La souveraineté et la solidarité ne doivent pas nécessairement s’opposer. Lorsque l’interdépendance est gérée, les ponts protègent mieux les intérêts nationaux que les murs.
La revendication de neutralité de Djibouti doit être considérée comme une responsabilité et non comme une indifférence. Elle repose sur trois piliers.
Elle trouve son origine dans une géographie exceptionnelle, servant de passerelle entre l’Afrique, le Proche-Orient, l’Europe et l’Asie. Sa crédibilité diplomatique est acquise grâce à son ouverture à tous les camps sans renoncer à ses positions. Elle bénéficie d’une stabilité durable, soutenue par des institutions qui facilitent le dialogue politique et assurent une gouvernance prévisible.

L’Union africaine (UA), l’IGAD, la Ligue arabe, les Nations unies et les autres partenaires mondiaux reconnaissent ces atouts. Djibouti reconnaît toutefois que sa crédibilité s’érode si elle repose sur l’inertie. Djibouti souhaite aller plus loin, non pas dans la voie de la concurrence, mais dans la contribution et la coopération.
Ses dirigeants ont présenté trois initiatives pour traduire ces piliers en actions. Le Centre régional de médiation et de paix d’Arta formerait des médiateurs, ferait progresser la recherche stratégique et associerait les anciens, les jeunes et les femmes au processus de paix. Un forum annuel sur la sécurité, la paix et la coopération dans la Corne de l’Afrique, une sorte de Davos pour la paix, réunirait des dirigeants, des entreprises, la société civile, des universitaires et des médiateurs afin de comparer leurs points de vue avant que les crises ne s’aggravent.
Enfin, un ensemble de mécanismes diplomatiques trilatéraux neutres permettrait d’éviter les confrontations binaires, apaisant ainsi les tensions régionales avant qu’elles ne s’aggravent.

Ce programme repose sur les principes de la neutralité en tant que devoir, de la stabilité en tant que bien public régional et des solutions africaines aux défis africains. À mesure que le multilatéralisme mondial s’affaiblit, un leadership régional fondé sur des principes devient de plus en plus essentiel. La vocation de Djibouti est de connecter, de rassembler et d’intégrer, jamais de dominer.
Il n’y a pas ici d’agenda caché, seulement un désir sincère de construire une communauté de destin partagé.

Cette vision porte en grande partie l’empreinte du président Ismail Omar Guelleh, salué dans son pays et à l’étranger comme un homme d’État charismatique dont le dévouement de toute une vie allie sagesse, clairvoyance et engagement indéfectible en faveur de la paix régionale. Depuis plus de deux décennies, il guide Djibouti à travers les champs de mines de la Corne de l’Afrique, misant systématiquement sur le dialogue plutôt que sur la discorde, et sur l’intégration plutôt que sur l’isolement.

Les voisins à la recherche de médiateurs arrivent souvent d’abord à Djibouti, convaincus qu’ils y trouveront une main sûre et une oreille discrète.
Cependant, ce moment n’appartient pas à un seul dirigeant, mais aux citoyens de la région. Ils doivent faire un choix clair. Ceux qui investissent dans la paix, le dialogue et la prospérité partagée sont les bienvenus. Ceux qui tirent profit de la méfiance ne devraient pas l’être.
L’unité ne doit plus être un slogan, mais représenter la seule politique de sécurité viable. L’avenir de la Corne de l’Afrique sera décidé par celles et ceux qui sont prêts à troquer la suspicion contre la coopération. Le choix est donc urgent, et il nous appartient toujours de le faire.

Ilyas Moussa Dawaleh, secrétaire général du RPP et ministre de l’Économie et des finances, chargé de l’industrialisation
Texte publié le 23 août dans Addis Fortune. Traduction Human Village.

 
Commentaires
Cet article est un plaidoyer éloquent et bien structuré en faveur…
Le 29 août 2025, par osman.

Cet article est un plaidoyer éloquent et bien structuré en faveur de l’intégration régionale et de la coopération dans la Corne de l’Afrique, une région stratégique mais fragilisée par les conflits, la pauvreté et les ingérences extérieures.

Points clés et analyse :

1. Contexte global et régional alarmant : L’article commence par souligner un problème mondial criant (le service de la dette dépassant les dépenses de santé) pour contextualiser les défis spécifiques de la Corne de l’Afrique. Il identifie avec justesse les maux de la région : déficit de confiance, fragmentation, fuite des cerveaux ("vote avec leurs pieds"), et son instrumentalisation comme "échiquier stratégique" par des puissances étrangères.
2. Le dilemme : Isolement vs. Intégration : L’article pose clairement le choix auquel la région est confrontée : se replier sur soi ou s’unir pour survivre aux chocs multiples (climat, pandémies, géopolitique). Il argue de manière convaincante que l’intégration n’est plus une option idéaliste mais une nécessité pragmatique ("le calcul complexe de la survie").
3. Djibouti comme modèle et catalyseur : L’article présente Djibouti, sous l’égide de son président Ismail Omar Guelleh, comme un acteur pivot et un modèle de stabilité, de neutralité active et de promotion du dialogue. La proposition de trois initiatives concrètes (Centre de médiation, Forum de type Davos, mécanismes trilatéraux) donne de la crédibilité à cette ambition et dépasse les simples déclarations d’intention.
4. Une vision ambitieuse et positive : L’article oppose une vision positive et ambitieuse de l’avenir de la région ("collective powerhouse", "laboratoire de solutions africaines") à la narrative habituelle de crise et de chaos ("powder keg"/poudrière). Il utilise une imagerie forte ("ponts gardent mieux les intérêts nationaux que les murs") pour promouvoir l’interdépendance gérée.
5. Appel à l’action et responsabilisation : La conclusion est un appel pressant et responsabilisant aux citoyens et aux leaders de la région. Elle insiste sur l’urgence du choix et la nécessité de privilégier ceux qui œuvrent pour la coopération.

Précision sémantique : La traduction de "hinge moment" par "moment charnière" est excellente, tout comme "the arithmetic of survival" par "l’arithmétique de la survie". Le terme "foresight" a été judicieusement conservé en anglais avec sa traduction entre parenthèses ("clairvoyance"), car il résume une qualité essentielle attribuée au leadership djiboutien.

Portée : Cet article va au-delà du simple reportage. C’est un éditorial engagé qui reflète très probablement la vision officielle de Djibouti et sert de plateforme pour promouvoir son leadership régional et ses initiatives diplomatiques. Il s’adresse à la fois aux audiences régionales, aux partenaires internationaux et aux institutions multilatérales.

En résumé, c’est un texte bien écrit et persuasif qui défend avec force l’idée que l’unité et la coopération sont les seules voies viables pour assurer la sécurité, la stabilité et la prospérité dans la Corne de l’Afrique

 
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