Le corps mutilé d’une jeune fille, venant probablement d’Éthiopie pour se rendre au Yémen par Obock, a été trouvé hier, 19 juin, en début d’après-midi à côté de la turbine n° 2 du projet éolien du Ghoubet. En l’état de l’enquête, le décès serait dû à la chaleur qui sévit dans cette région isolée, ajoutée à la fatigue d’un corps éprouvé par plusieurs centaines de kilomètres de marche depuis l’Éthiopie. Le corps de la défunte a été mis en terre ce matin, mardi 20 juin.
De 250 000 à 300 000 Éthiopiens traverseraient notre pays chaque année selon les chiffres de l’Office des migrations internationales (OIM), notamment sous l’effet, depuis 2015, des actions multiples engagées par l’Union européenne pour verrouiller les voies migratoires conduisant vers le continent à travers la Méditerranée, sans compter les opérations médiatisées d’arrestations en Éthiopie ou au Soudan. Par exemple, celle de deux chefs de réseaux internationaux, un ressortissant éthiopien et un érythréen [1]. Aussitôt appréhendés via l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL), ils ont été déférés à la Cour internationale de Justice, qui a son siège à La Haye, pour crime contre l’humanité et traite humaine. L’effet espéré de la médiatisation de ces arrestations spectaculaires est d’instiller la peur chez ces profiteurs de la désespérance humaine.
Paradoxalement, la migration éthiopienne par Djibouti en direction du Yémen, avec pour destination finale l’Arabie saoudite, est pour ne pas dire encouragée, mais pour le moins grandement facilitée, par le bureau local de l’OIM Djibouti... ce qui ne manque de surprendre !
Dans ce jeu de dupes, Djibouti se voit pris en étau, dans une configuration quasi similaire à celle du Niger, entre les pressions très appuyées européennes et celles de plus en plus aigües de Ryad qui commence à comprendre que le Pacte mondial sur les migrations adopté à Marrakech sous l’impulsion de l’Union européenne – qui transforme l’OIM en son bras armé pour réduire les flux migratoires africains vers le continent – se traduit dans l’Est de l’Afrique par la création d’un nouveau hub migratoire : la République de Djibouti.
Ryad, après, une importante campagne en 2021/22 de rapatriements forcés vers Addis Abeba de migrants entrés illégalement sur son territoire - et étrangement aussi, vers Djibouti, suite à des mesures restrictives adoptées dans l’urgence par le gouvernement éthiopien pour limiter le refoulement de ses ressortissants, qui permettent les rentrées de devises conséquentes, de la péninsule arabique -, souhaiterait maintenant mettre le holà à une situation qui fait du royaume des Saoud le dindon de la farce des pays européens… Les pressions politiques saoudiennes pour fermer cette voie de migration ne se limitent plus à Djibouti, mais visent également le gouvernement d’Abiy Ahmed. Le processus de réconciliation en cours avec la résistance houtie au Yémen pourrait par ailleurs éventuellement permettre de mieux contrôler les échanges entre les deux rives du Bad-el Mandeb.
Mahdi A.
![]() Le site de la macabre découverte
|
![]() La sépulture anonyme
|
[1] « Le trafiquant d’êtres humains “le plus recherché au monde” arrêté au Soudan », RFI, 7 janvier 2023.