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Sécurité alimentaire et agriculture sont indissociables !
 

L’agriculture djiboutienne couvre moins de 8% des besoins nationaux en fruits et légumes et ce pourcentage est encore beaucoup plus faible pour les céréales. Ces constatations posent le problème crucial de la sécurité alimentaire du pays.
Le secteur primaire ne présente que 3% du PIB et l’agriculture occupe moins de deux pour cent de la population, bien que, la population rurale approche les 150 000 personnes.
Cette situation amène obligatoirement à se poser la grande question : pour quelles raisons, l’agriculture a-t-elle toujours été le parent pauvre de l’économie djiboutienne ? Des éléments de réponses peuvent être trouvés dans le climat, la pédologie, l’environnement et les habitudes de la population.

Le contexte climatique
La République de Djibouti a un climat tropical aride de type semi désertique à l’exception des régions montagneuses situées au nord du golfe de Tadjourah. Le climat, relativement peu ensoleillé suite à la fréquence des nuages, brouillard et brumes sèches, se caractérise par des températures moyennes annuelle allant de 23°C en janviers à 39°C en août, par une évaporation élevée toute l’année et par des précipitations faibles et irrégulières (<130 mm/an). La pluviométrie faible et irrégulière est due essentiellement à de grosses averses avec des écarts très importants d’une année à l’autre. Le maximum des précipitations moyennes annuelles est observé dans les massifs de Goda et Mabla et elles diminuent fortement au fur et à mesure que l’ont se dirige vers Obock puis vers la frontière nord. De forte différence pluviométrique existent entre les régions ; la zone côtière du nord-est reçoit entre 50 et 100 mm de pluies par an, le sud et le sud-ouest de 150 à 200 mm et la région du Goda plus de 300 ! Le climat en montagne est semi-aride avec une pluviométrie irrégulière pouvant aller de 10 à prés de 700 mm. La distribution des pluies au cours de l’année diffère selon la zone concernée (cotes, inferieur du pays zone d’altitude) ; l’exposition aux vents humide d’est et les effets du relief ont une forte influence ! Une ligne, passant approximativement à la droite de Dikhil et de Randa, divise le pays en deux parties. Seule celle de l’est reçoit les pluies de saison fraîche. L’évapotranspiration est élevée toute l’année et au niveau du pays et dépasse les deux mètres de hauteur d’eau (20 millions de litre par ha et par année). Si l’ensoleillement atteint son maximum dans la région sud du golfe de Tadjourah et le littoral, les maxima d’humidité se trouvent dans les zones littorales et les zones de montagne.
De par sa position géographique, Djibouti bénéficie d’un climat caractérisé par :
 deux saisons bien distinctes et très différenciées : la saison fraiche (godet) de fin octobre à avril et la saison chaude (guedda) de juin à septembre,
 deux saisons de transition dont les caractéristiques météorologiques de températures, d’humidité et de vents sont identiques (mai à juin et septembre à octobre).
L’intérieur du pays reçoit des pluies de saison chaude tandis que les côtes reçoivent les pluies hivernales ou d’alizées. Mais les choses sont plus complexes et on distingue quatre types de régimes pluviométriques.

 Fréquence des pluiesSaison humide longueSaison humide courte Saison sèche
Goda, Mabla, Arta, Ali Sabieh, DjiboutiXXXnovembre à avrilaout, septembremai, juin, juillet, octobre
Nord d’ObockXnovembre à avrilaoût, septembremai, juin, juillet, octobre
Ouest (Balho, Dorra, Yoboki)XXjuillet, août, septembrereste de l’année
Sud-ouest (As Eyla, Dikhil)XXjuillet, août, septembreavrilJuin, octobre, novembre, décembre, janvier, février

Les changements, liés au réchauffement climatique, devraient se traduire par une diminution de 4 à 10% des précipitations et une élévation de la température moyenne annuelle de 2°C. Ils auront des conséquences importantes sur le bilan hydrologique car la recharge des nappes souterraines dépend des infiltrations liées aux crues des oueds. La hausse des température entraînera une demande croissante en eau, une hausse de l’évaporation aux dépends de la nappe phréatique et par voie de conséquence une pénurie d’eau renforcée. La diminution des précipitations à l’échelle du pays et une nouvelle répartition des orages auront une influence sur la recharge des nappes, le pâturage et l’élevage en milieu rural, le fonctionnement et le développement des exploitations agricoles. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses accélérera la disparition progressive du couvert végétal et en conséquence augmentera l’érosion hydraulique et surtout éolienne.
Les populations vivant à l’intérieur du pays s’alimentent à partir de stations de pompage dont la gestion doit absolument être reprise. Les points d’eau sont abandonnés saisonnièrement et les populations rurales sont contraintes de parcourir des distances plus importantes pour avoir accès à l’eau.
Les eaux de surface sont composées de cours d’eau non pérennes dont une partie se jette dans les plaines de l’intérieur et l’autre en mer. Ces eaux constituent l’une des principales sources d’approvisionnement des communautés rurales mais sont peu exploitées (5%).

Le contexte pédologique
A Djibouti, on distingue grosso modo cinq types de sols :
 les sols bruns issus de basalte sont en général assez profonds. Ils sont souvent recouvert d’une couche de blocs ou de pierrailles et présentent parfois, notamment dans le massif du Goda, un horizon humifère assez important. La mise en culture de PK 20 a montré qu’en l’absence d’une parfaite adéquation « sol-irrigation-climat » les résultats étaient catastrophiques.
 les lithosols des massifs rhyolitiques ou gréseux, au relief accidenté, et, plus rarement, des massifs basaltiques qui alternent avec des éboulis plus ou moins décomposé. Les sols issus de grés ou de rhyolites sont toujours plus acides et pauvres en éléments fins que les sols issus de basalte.
 Les sables calcaires coralliens générés par la décomposition superficielle des plateaux madréporiques.
 Les colluvions formés par les matériaux décomposés au pied des massifs montagneux, ce sont des sols très hétérogènes, constitués de blocs de dimensions variables inclus dans des sables généralement grossiers.
 Les alluvions fulvio-lacustres sont des sols formés à partir de matériaux transportés par les oueds au cours des crues et déposés plus ou moins loin, selon la taille des éléments.

Le contexte humain
Les statistiques montrent que la population de Djibouti a presque doublé en 25 ans, passant de 330 000 à 600 000 personnes dont 76% vit dans les villes. Le taux annuel de croissance de la population de 6,1%, il se décompose en 3% de croissance naturelle et de 3,1% d’immigration estimée. La population de Djibouti se caractérise par sa répartition géographique très inégale même si la densité de la population au niveau national est très faible (26 habitants par km2). Seuls 24% de la population vit dans les zones rurales et 66% à Djibouti-ville.
La population rurale estimée à 150 000 personnes. Mais durant les dernières décennies, les nomades se sont sédentarisés le long des parcours de pâturage, des routes et au voisinage des points d’eau. Ces regroupements de population et de leur cheptel entrainent une pression extrêmement forte sur les milieux naturels induisant pollution des eaux et dégradation de l’environnement (déboisement, surpâturage, mauvaises pratiques agricoles) et donc accélèrent la désertification.

Le contexte agro-pastoral
L’agriculture est une activité récente qui subit les contraintes liées aux changements environnementaux (pluviométrie, salinité des eaux). Grâce à l’appui gouvernemental, les périmètres agricoles se sont multipliés et des plantations de palmiers dattiers ont été effectuées sur plusieurs sites mais les résultats sont mitigés et pas uniquement à cause des problèmes d’irrigation ! Certes le niveau de l’eau dans les puits baisse en période de sécheresse, favorisant la salinisation. Mais même si les réserves sont suffisantes, les techniques d’exhaure à trop fort débit ont un effet comparable et de graves lacunes techniques apparaissent.
Les crues périodiques des oueds et l’érosion hydrique causent des dégâts aux infrastructures hydrauliques et aux récoltes. L’activité agricole dominante est maintenant la production légumière mais il y a un peu d’arboriculture fruitière associée ou non à un élevage semi sédentaire. L’association « agriculture-élevage » constitue une alternative intéressante pour diversifier les productions. Il serait judicieux pour réduire la pression sur les parcours de développer plus encore l’élevage sédentaire avec installation d’espèces fourragères adaptées. L’alimentation fourragère du bétail est l’utilisation majeure des plantes se trouvant sur les terres de pâturages à Djibouti. Les plantes fourragère comprennent des arbres, des arbustes et des herbes qui représentent une source de fourrage pour les animaux domestique et sauvages. Environ 70% 80% des plantes décrites sur les terres de pâturage boisées sont appétées par le bétail, mais toutes les plantes n’ont pas la même valeur nutritionnelle. Certaines d’entre elles, comme les acacias, présentent de bonnes qualités nutritionnelles. Les gousses sont très nourrissantes et peuvent être stockées pendant de longues périodes pour servir de fourrage pendant les périodes de sécheresse.

L’agriculture
La superficie des terres régulièrement cultivées est estimé à quelques milliers d’hectares, on est très loin du potentiel de terres cultivables de 140 000 ha annoncé par le passé. Le pays compterait environ 1500 petits exploitants établis sur 23 sites agricoles avec la clé de distribution suivante :
 Ambouli (14%)
 Plaine côtière de Djibouti (18%)
 District d’Ali-Sabieh (5%)
 District de Dikhil (30%)
 District de Tadjourah (29%)
 District d’Obock (4%)
La productivité agricole est réduite en raison de la pauvreté des sols, de la salinité des eaux, de l’absence de tradition agricole et de la faiblesse de l’encadrement. L’extrême précarité de la population rurale (80% d’indigents), est la conséquence de la longue dégradation des conditions d’existence liée à la rareté des ressources en eau et à la fragilité des ressources naturelles. Les stress climatiques fragilisent directement le développement de l’agriculture et de l’élevage tout en limitant les productions.
Etant donné les difficultés hydriques et l’environnement extrêmement sensible, l’exploitation agricole subit globalement :
 la baisse des nappes utilisées pour l’irrigation en période de sécheresse ;
 l’augmentation de la richesse ionique des eaux d’irrigation (remontée du biseau salé, faible recharge des nappes, utilisation de motopompes à débit trop élevé, prélèvement d’alluvions dans le lit des oueds) ;
 la présence excessive de certains oligo-éléments (bore notamment) ;
 la salinisation secondaire des sols durs à l’emploi de trop faibles doses d’irrigation (pas de lixiviation possible) et à la forte évapotranspiration ;
 le déboisement des terrains des bassins surtout dans les zones périphérique des zones urbanisées ;
 le développement des Prosopis qui empiètent sur les superficies cultivées et concurrencent les arbres et arbuste fourragers locaux.

En république de Djibouti, l’agriculture ne se pratique que lorsque l’eau est disponible. Cette eau a un coût, il est donc indispensable de maitriser les systèmes d’irrigation les plus économiques et les moins dommageables. L’agriculture irriguée se pratique sur un petit millier d’hectares et les besoins hydrique annuels atteignent 7,5 Mm3 avec une efficacité d’application estimée à 40%.
Les zones des plaines (Gobaad, Hanlé et plaines côtières) sont marquées par la baisse du niveau des puits, la destruction des berges et l’ensablement des puits, la baisse de la fertilité des sols due à la salinité croissante des eaux des puits et/ou la baisse du niveau dans certains secteurs du Gobaad, la mauvaise gestion de l’eau pour l’irrigation avec l’emploi de moyens d’exhaure inadaptés. L’interaction de ces facteurs est la cause majeure d’abandon de parcelles agricoles, notamment dans les plaines côtière (Djibouti, Ambouli, Obock, Tadjourah) et dans les plaines de Gobaad et de Hanlé. Les agriculteurs confrontés aux baisses de rendement ont changé leurs habitudes et se sont tournés vers les cultures maraîchères et fruitières. Ils connaissent cependant toujours des difficultés car les quantités d’eau sont insuffisantes, les terres se dégradent, les semences sont de mauvaise qualité ou inadaptées, les moyens de lutte contre les ravageurs sont inappropriés ou inexistants, les techniques culturales sont peu ou mal connues, la maitrise de l’irrigation est faible.
Les zones de montagnes (Assamo, Bankoualé, Silbihi, Dissay, Toha, Adailou) sont affectées par la baisse du niveau des puits et/ou la réduction du débit des sources en période d’été ou de sécheresse, la détérioration des berges des oueds, le dénivelé important des terrains, la limitation des sols cultivés dans les vallées encaissées, une mauvaise maitrise de l’irrigation, l’augmentation de l’érosion des terres sur les terrasses cultivés et l’emploi de technique de pompage inadéquates et couteuses. L’érosion hydrique est favorisée par l’installation des jardins sur les berges des oueds mais aussi par le déboisement des pentes. Les terrasses, sans couverture végétale pérenne, sont emportées régulièrement par les eaux de crues lorsqu’elles sortent du lit des oueds. A chaque crue, l’agriculteur qui a perdu son jardin essaye de s’installer ailleurs et pour cela il va amenuiser la couverture végétale spontanée pour libérer une nouvelle parcelle. Les périmètres installés dans les vallées en zones montagneuses sont irrigués grâce à des sources particulièrement vulnérables car dépendantes de la capacité d’infiltration des bassins versants.
Les crues des oueds sont variables et proportionnelles à l’intensité et à l’importance des pluies mais aussi à la superficie du bassin versant, la diminution de la couverture végétale aggrave les phénomènes d’érosion. Les bassins sédimentaires (Hanlé, Galafi, Doda, Gamela, Andabba, Godaad, Grand Barra, Petit Barra) subissent une érosion annuelle importante estimable à 5%.
Un effet spectaculaire des pressions exercées sur le milieu agricole a été la migration professionnelle des agriculteurs vers l’horticulture vivrière, la phoeniciculture et la production fourragère, donc vers des cultures plus tolérantes à la salinité des sols et des eaux. Le gouvernement djiboutien a défini des initiatives prometteuses telles que :
 la diffusion des nouvelles technologies adaptées de conservation des eaux,
 la maitrise et le développement des techniques d’irrigation,
 le renforcement des capacités réelles des organisations paysannes,
 la construction/réhabilitation des infrastructures et systèmes d’irrigation,
 la promotion d’intrants agricoles et d’outillage agricole adaptés,
 l’introduction du petit betail de case ou de laitière à la périphérie des centres urbains,
 la lutte contre les ennemis des cultures,
 l’appui aux initiatives privées.
Et surtout à fait de la lutte contre la pauvreté le fer de lance de sa politique pour les prochaines années.

Comment agir globalement pour favoriser un développement agricole et horticole ?
Sur base de nombreuses études de terrain, nous préconisons des mesures à plusieurs niveaux :
 La commercialisation des produits frais doit intégrer les difficultés liées au transport terrestre (cout et durée des trajets, qualité du réseau routier). Il serait donc logique d’orienter la production des zones existantes dans les préfectures d’Arta, Dikhil et dans une moindre mesure de Tadjourah vers une commercialisation importante dans le capital. La satisfaction de la demande régionale devrait par contre être préconisée, dans l’état actuel des transports, pour les zones de production d’Assamo et du district d’Obock.
 Le positionnement géographique des entreprises existantes rend leur extension délicate ; celles qui sont localisées :
- En zone montagneuse (Bankoualé, Randa) ne peuvent se développé sans d’importants travaux d’infrastructure (terrasses).
- En bordure littorales sont soumises à des vents constants avec des eaux d’irrigation qui se salinisent très rapidement (Obock, Douda, Ambado),
- En bordure d’oueds sont fréquemment détériorées lors de crues violentes,
- En périphérie de zones à fort développement urbain très concurrentielles (Ambouli).
La situation n’est cependant pas catastrophique dans la mesure où des améliorations sont envisageables par la mise en pace de brise-vents, la construction de gabions et de barrages enterrés dans les oueds et par une gestion plus rationnelle des eaux de surface, semi profondes et profondes.
 La nécessité d’une meilleure gestion des eaux est apparue tout au long des visites effectuées. Le rabattement de la nappe et sa salinisation par infiltration d’eau saumâtre à la suite de pompages excessifs (débit trop élevé des pompes) a été constaté aussi bien dans les zones côtières que dans les plaines de l’intérieur. Le recours systématique à l’irrigation par raies engendre une consommation double de celle qui serait obtenu avec la micro irrigation ; le changement de technique permettrait de produire plus et mieux en sollicitant moins les nappes dans les zones à approvisionnement critique et d’augmenter les surfaces cultivées dans les zones plus propices !
 La fertilisation et la gestion de la matière organique des sols doivent également faire l’objet d’adaptation importante. Les déjections animales sont le plus souvent mal utilisées et les déchets végétaux sont le plus souvent brulés ; la mise en place de technique modernes de compostage est indispensable. L’augmentation de la production de composts de qualité pourrait se baser sur l’exploitation après broyage de Prosopis, de Stylosantes gracilis, d’Atriplex, des déchets d’abattoirs (os, sang, etc.), des cendres de bois et/ou d’algues marines.
 Les conditions actuelles de production horticole vivrière pourraient être améliorées par une meilleure gestion du climat tant pendant la phase de production des jeunes plants que pendant les phases de cultures. La mise en place de brise-vents se justifie dans la majorité des entreprises et l’installation d’abris serres ouverts permettrait de produire des plants de qualité. Dans les entreprises destinées à une production intensive, la construction d’abris à couverture plastifiée étanche (PE sélectif) ou mieux encore de toiles d’ombrage sera indispensable ! la mise en place de « Serre à eau de mer » dans les zones littorales de la préfecture d’Obock pourrait résoudre à la fois les problèmes liés au manque d’eau et à la maigre production légumière.
 Les techniques de production, la diversification des cultures et les choix variétaux doivent être améliorés pour augmenter les volumes tout en garantissant un étalement des productions et une amélioration significative de la qualité des produits et de la sécurité alimentaire.
 L’amélioration de la qualité des eaux tant pour l’alimentation humain que pour l’agriculture devrait être envisagée en privilégiant le développement durable. Les bacs « solaires » d’évaporation demandent de grandes surfaces mais sont techniquement très simples. La filtration différentielle permet de produire de l’eau de pureté identique ou supérieure à celle obtenue par osmose inverse à deux niveaux mais en n’utilisant que de l’énergie solaire !
 La mise en place, directement sur le site de production, de technique simple de valorisation des produits est indispensable (séchage de fruits et de légumes par utilisation directe de l’énergie solaire par exemple) ; de nombreux exemples d’installations de séchage de fruits (mangues, papayes) et de légumes (tomates, haricots) existent et sont aisément transposable en République de Djibouti.
 La protection phytosanitaire doit être entièrement construite ou reconstruite. Les propriétaires et exploitants de jardins identifient mal les problèmes liés aux ravageurs (insectes, acariens, nématodes) et pas du tout ceux liés à la pathologie végétale (champignons, bactéries, mycoplasme, virus). L’absence de techniques modernes de traitements et l’absence presque totale de spécialités phytosanitaires rendent toue lutte hautement aléatoire mais cette situation permet d’éviter les problèmes qui seraient engendrés par un mauvais choix de produit, le non respect des bonnes pratiques de traitement, l’ignorance de la Limite Maximale de Résidus ou des délais d’attente. La mise en place de contrôles sérieuse des produits légumiers et fruitiers devrait être envisagé tant pour le contrôle de la production national que pour le contrôle des importations !

Comment mettre en place une production intensive ?
La mise en place de jardins ou de périmètre à production intensive, ne peut être envisagée raisonnablement qu’en optimisant tous les facteurs (eau, sol, climat, assortiment variétal, techniques culturales, etc.).
Dans ce cas, les choix de PK 20 et PK 22 s’avèrent particulièrement judicieux mais pour éviter tout déboire il faut que les structures mises en place soient adaptées au climat. Les serres à couverture semi-rigide refroidies par un matelas humide (pad-cooling) ne nous semblent pas adaptées car d’une part le matériau de couverture résiste mal à de forts ensoleillements et d’autre part le matelas humide ne fonctionne correctement (fort refroidissement) que si l’humidité relative de l’air est faible voire très faible. De plus, même si l’eau est beaucoup moins saline qu’en ville de Djibouti, il faut que le matelas humide soit maintenu en eau en permanence pour éviter tout encroutement salin ! Il nous semblerait plus judicieux pour des surfaces supérieures à l’hectare d’avoir recours à des structures légères, recouvertes d’écran d’ombrage, qui ne demandent pas d’électricité et sont très solides. Le support de culture est également très important et il conviendrait de s’affranchir du sol pour travailler sur support artificiel (laines de verre ou de roche) ou sur sacs remplis d’un substrat à base de fibre de cocos. Température, humidité, évapotranspiration et éclairement étant optimisé, il conviendra d’adopter des cultivars et des techniques culturales modernes. Pour les cultures de tomates, poivrons, concombres et aubergines, on peut conduire les plantes sur une longueur de tiges de plusieurs mètre et ceci pendant des mois !
La culture intensive impliquant une maitrise parfaite de la fertilisation et de la production phytosanitaire, on pourra la confier qu’à des personnes hautement qualifiées !

Comment dynamiser les jardins de production actuels ?
Les jardins de production actuels souffrent de maux bien connus : quantité et qualité de l’eau déficientes, salinité et manque de fertilité des sols, défense inadéquates des cultures, assortiment variétal réduit, techniques culturales inadaptées, circuits de distribution inorganisés. Pour dynamiser les jardins, il faut d’abord dynamiser les coopératives en injectant des forces neuves pour assurer l’encadrement des agriculteurs et le suivi des cultures. Il faut ensuite que les coopératives s’associent pour mettre en place une coopérative nationale pour organiser les ventes mais également grouper les achats au plan national et international. Les problèmes liés au sol, aux cultures et à leur protection sont directement liés à la formation des praticiens ce qui ne peut être possible qu’en mettant en place une formation des formateurs par l’exemple dans les jardins de démonstration. C’est également dans ces jardins et à partir de ceux-ci que doivent être diffusés les nouvelles variétés et les nouveaux cultivars.
Dans le cas de la production légumière majeure (la tomate), on trouve sur le marché des variétés « mid live et long live » qui ont une durée de conservation des fruits multipliée par deux et trois ! Les variétés classiques n’ont aucune résistance génétique aux maladies alors que les hybrides peuvent avoir jusqu’à sept ou huit résistances différentes et ces hybrides ne sont pas des OGM ! Pour les arbres fruitiers, une augmentation du choix variétal permettra d’étaler les productions. Le choix raisonné des espèces permettra également des productions de volume identique avec une moindre consommation hydrique. Par exemple, les variétés modernes de Jujubiers consomment à production égale 6 fois moins d’eau que les manguiers et les figuiers de barbarie sont vingt fois moins gourmand que les bananiers !
La formation pratique peut et doit et être relayée par la mise à disposition de document facilement compréhensibles décrivant la culture des diverses plantes cultivées (fruit, légumes, fourrages) et d’autres présentant les techniques liés à la gestion de la fertilité des sols, à l’irrigation, aux techniques de pépinières, aux techniques culturales, à la reconnaissance des ravageurs des cultures et à la protection des plantes cultivées.

Pourquoi favoriser les jardins de montagne ?
Les jardins de montagne révèlent des particularités intéressantes. Ils sont établis dans les zones à forte pluviométrie, les sols sont globalement plus riche, le climat est plus favorable aux cultures vivrières, l’irrigation peut être gravitaire ; malheureusement, ces jardins sont souvent d’accès délicat et menacés par les crues des oueds. Pour fixer les populations dans les régions d’altitudes, il est dés lors important de développer des structures d’appui capable d’assurer le suivi cultural, la formation des agriculteurs, l’introduction de nouvelles cultures moins gourmandes en eau et de nouveau cultivars mais également la protection phytosanitaire.
Pourquoi inciter au développement des jardins de famille ?
Les jardins de famille doivent être le fer de lance pour lutter contre la pauvreté extrême en milieu rural mai aussi en milieu périurbain. En mettant à disposition du matériel végétal et en assurant le conseil, il faut développer une fibre agricole chez la population. Les jardins de case ont montrés dans d’autres pays qu’ils présentaient de nombreux avantages (proximité des logements, arrosages réduit, jardinage journalier) qui se retrouveront obligatoirement à Djibouti. Bien qu’une petite commercialisation ne puisse être exclue, le but principal de l’opération « Jardin de famille » est d’assurer une autonomie et une ouverture alimentaire aux démunis. Il est evident, que dans ces jardins, la fertilisation, la protection sanitaire et les techniques culturales devront être réduites au maximum.

Pourquoi favoriser une agriculture responsable ?
Nous venons de voir que les jardins classiques ou familiaux sont étroitement dépendants de la gestion de la fertilité des sols et de la protection phytosanitaire. Ces deux points sont particulièrement problématiques à Djibouti car il y a à la fois manque de connaissance, manque de techniques et absence des produits nécessaires. La croissance des végétaux et la production peut être parfaitement maitrisé en ne faisant appel qu’à des engrais chimiques et c’est d’ailleurs ce qui se passe pour les cultures intensives mais les engrais sont trop chers et très difficiles à trouver sur le marcher djiboutien ! Nous préconisions en conséquence le recours à des substances naturelles correctement préparées telles que le fumier, le compost, la colombine, la poudre d’os, la farine de sang, etc. La sédentarisation permanente ou temporaire de l’élevage permet de faire consommer les matières végétales herbacées produites sur place ou les déchets de marché et de cuisine puis de collecter régulièrement la litière imbibée par les excréments des animaux. Il est également possible d’utiliser la litière des abattoirs et du centre de quarantaine de Douda ! Les matières végétales plus ligneuses peuvent, après broyage et mélange avec le fumier, fournir de grandes quantités de compost. Les besoins en République de Djibouti devraient croitre de manière spectaculaire ces dix prochaines années et le compostage des résidus urbains fermentescibles avec des branches de prosopis broyées permettrait de résoudre deux problèmes en même temps. La récupération de la colombine dans les élevages de poulets pourrait également fournir un engrais azoté particulièrement efficace et intéressant ! La collecte du sang dans les abattoirs suivie d’un chauffage et d’un séchage fournira un engrais azoté très performant ! Le manque de potasse et de phosphate dans les sols peut également trouver des solutions simples. Les cendres de feu de bois et tout particulièrement celles qui résultent de la combustion poussée des feuilles et tiges de palmier, contiennent de fortes quantités de potasse et ces cendres peuvent être utilisées par épandage-incorporation dan les sols ou après enrichissement des composts ! Les os des animaux sont très riche en phosphore : il suffit de les chauffer très fortement puis de les broyés pour obtenir un engrais très doux, apprécié de toutes les plantes produisant des fruits !
Des solutions tout aussi naturelles peuvent être trouvées pour pratiquer une protection phytosanitaire correcte. A condition d’identifier parfaitement l’agent causal, on peu lutter contre les maladies, les insectes, les acariens, les nématodes avec des dérivés de produits locaux. La lutte contre les maladies peut être réalisée en pulvérisant des solutions diluées de lait, des solutions de bicarbonate de potassium, des décoctions d’ails ou d’oignons. Les effets insecticides et acaricides des purins et décoctions de tabac, de tiges et feuilles de tomates, de feuilles et de graines de margousiers, d’amandes de Jatropha, donnent des résultats spectaculaires. Les effets nématicides de purin de ricin ou de décoction de feuilles de datura ont également été démontrés à plusieurs reprises ! Les possibilités sont extrêmement nombreuse, les prix sont nettement inferieurs à ceux des fongicides, des insecticides, des acaricides ou des nématicides et ont évité à la fois des atteintes à l’environnement, des risques de santé pour les agriculteurs et les consommateurs ! Le recours à des techniques simples comme l’emploi de filets anti-insectes en pépinière, de piège à protéines ou de la lutte par confusion sexuelle permettra de produire plus, de produit mieux tout en garantissant une totale innocuité !
Ce retour vers des produits plus biologiques n’a rien d’exceptionnel et même les pays bénéficiant de conditions de production optimales le connaissent mais plutôt que de parler du développement d’une agriculture biologique, nous préférerions parler d’une agriculture raisonnée, responsable et durable.

Pourquoi faut-il développer des formations dans le domaine agricole ?
L’énoncé des considérants précédents ne laisse pas le choix, il faut que des formations agricoles soient développées à Djibouti. Certes, il ne s’agit pas de former des ingénieurs mais les coopératives et les unités de production intensive auront besoin à courte échéance de techniciens et les jardins de production d’ouvriers spécialisés. Nous pensons que la solution la plus simple est de mettre en place un apprentissage alternant des cours pratiques en entreprise et des cours théorique assurés par les professionnels du privé et des institutions de l’Etat. L’apprentissage en entreprise a montré sa valeur dans de nombreux pays et est certainement l’enseignement le plus rapidement performant. Le soutien à la formation par des publications et des cours ciblés doit être privilégié car il est le gage d’une adéquation aux besoins immédiats. Un travail de fond doit également se faire au niveau de la population pour montrer l’intérêt des divers produits agricoles et les techniques d’utilisation les plus appropriées.
Apres l’énoncé d’un pareil programme, il est toujours difficile de conclure sobrement mais nous nous contenterons de dire que « L’union fait la Force » et que « la solidarité nationale est l’affaire de tous »

Les choses ne seront jamais faciles et rapides mais si le gouvernement et le peuple djiboutien veulent trouver une sécurité alimentaire, il faut que chacun profite de l’expérience de son voisin et que chacun diffuse ses connaissance sans limites et sans arrière-pensées.

« Pensons aux autres avant de penser à nous et tout ira mieux pour tous ! »

Dr. Charles Moncousin

 
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