Mes chers compatriotes,
Voilà bientôt deux semaines que déferlent sur les réseaux sociaux les images insoutenables d’un Djiboutien pieds et poings liés, bâillonné, battu et torturé en Libye. Il s’agit de Zakiyeh Saïd Abdi, âgé de 25 ans.
Qu’a-t-il fait de mal ? Rien, si ce n’est de parcourir près de 6 000km pour s’exiler parce que son pays ne lui offre plus de vivre sa propre vie : celle d’avoir un emploi, un toit, une épouse. Une quête simple à comprendre mais difficile à satisfaire par ce régime. C’est un besoin primordial, si petit soit-il, de tout être humain que d’échapper à la nécessité et de chercher les éléments inédits et personnels, les éléments caractéristiques et singuliers de la vie : la dignité et la sérénité. Malheureusement, en voulant quérir une sérénité matérielle et préserver sa dignité, il s’est retrouvé englué dans une tempête d’effroi et a mis en danger son intégrité.
Comment pouvons-nous rester étrangers aux drames qui nous entourent ? Comment pouvons-nous rester indifférents à cette souffrance qui a atteint ses ultimes limites et que subit Zakiyeh Saïd Abdi ? N’entendons-nous pas les cris désespérés et suppliants de Zakiyeh Saïd Abdi ? Comment pouvons-nous regarder cette image et cette vidéo sans réagir ? Où sont passées notre lucidité et notre conscience ?
Cette tragédie que vit Zakiyeh Saïd Abdi nous montre une réalité bien triste : tout est mort en nous. L’esprit, l’instinct, la volonté. Il ne nous reste plus que des gestes mécaniques : manger, s’accoupler, dormir, travailler et surfer. Même prier est devenu mécanique. C’est la dernière marche sur l’échelle de la déchéance morale.
Nous nous sommes déshumanisé. Le premier symptôme de cette déshumanisation c’est notre degré d’insensibilité face à la douleur d’un des nôtres. Oui, c’est notre frère. Notre fils. Un digne fils de cette nation. Que l’on soit pauvre ou riche. Malade ou en bonne santé. Nous sommes tous des fils et filles de cette nation. Nous sommes tous embarqués dans le même bateau dans le meilleur et dans le pire.
Notre drame, c’est que nous nous sommes désintégrés car nous ne sommes plus un peuple mais des sociétés juxtaposées des nécessités matérielles et non humaines. Cette désintégration en sociétés juxtaposées nous a conduit à la désinvolture, au persiflage, à la dissimulation, à la corruption et à l’inconstance. Cette désintégration fait que notre connaissance même se réduit à la récitation de la doxa de la tribu qui nous enferme dans la clôture clanique, cage confortable, que nous maîtrisons et qui nous éloigne des autres. Nous ne vivons plus dans le même monde, nous ne voyons pas la même réalité. Tout paraît nous séparer, à commencer par la question nationale. Nous sommes devenus des fanatiques tribaux. Et tout fanatisme n’a pas de logique car toute tentative de montrer la vérité est vouée à l’échec.
Je vous en conjure, n’attendons rien de ce régime vautré dans la mare de la corruption, ni même de notre diplomatie en perdition depuis fort longtemps. Mettons de côté nos questions individuelles. Certes chacun d’entre nous a une famille, une épouse, un mari, des enfants et des soucis. Nous devons nous ressaisir et nous remobiliser, tous ensemble, pour le plus grand défi. Celui de l’avenir de nos enfants qui vivent dans la misère parce que là où la misère est installée, la catastrophe est souvent plus « sociale » que toute autre chose. Faisons en sorte que nos enfants aient la possibilité de vivre mieux que nous dans leur propre pays !
Ce régime n’a jamais été en mesure d’assumer son rôle si ce n’est de tuer l’initiative, de tuer la créativité et surtout de tuer l’instinct de rêve chez son enfant. Ce régime ne sera, donc, jamais la solution à nos maux.
Nous pouvons mobiliser les 2 700 000 FDJ. J’en appelle à votre humanisme. J’en appelle à votre patriotisme. A votre élan de solidarité.
Kadar Abdi Ibrahim