Human Village - information autrement
 
Verbatim de Mahmoud Ali Youssouf
février 2025 (Human Village 53).
 

De nombreux pays se tiennent au côté de la compétence et de la raison. Aujourd’hui, beaucoup de chefs d’État africains considèrent que la candidature de Mahmoud Ali Youssouf est la candidature naturelle pour occuper cette fonction et surtout dans cette période critique pour le continent. L’Afrique a besoin de quelqu’un qui dispose de l’expérience nécessaire pour le travail que l’on attend de lui.

Human Village avait interrogé Mahmoud Ali Youssouf en 2012. Dans une dernière question, nous lui avions demandé pourquoi étant donné son expérience qui était la sienne, il n’envisageait pas une carrière à la tête d’une importante organisation internationale, l’Union africaine par exemple. Il répondit : « Le chef de l’État a jugé utile de me reconduire dans mes fonctions de ministre des Affaires étrangères, et j’essaierai d’être à la hauteur de cette confiance renouvelée et faire de mon mieux pour pouvoir apporter à mon pays mon expérience et un certain savoir-faire, en m’efforçant notamment de drainer un maximum de ressources. Quant à ma carrière future, il faut avancer pas à pas dans la vie, sans se presser, ni devancer ce qui va arriver… Pour l’instant, je suis à cette étape de ma vie, et plus tard, inchallah on verra ! »

Déclarations de Mahmoud Ali Youssouf relevées dans la presse télévisée africaine [1]

L’Afrique traverse aujourd’hui des temps difficiles, les défis sont nombreux. Les peuples africains attendent beaucoup de cette organisation, de cette commission. Nous avons grâce à des réformes que nous avons actées il y a quelques années, mis les choses un peu sur les rails. Je crois que l’agenda 20-63 est une feuille de route extrêmement explicite, structurée en cinq plans décennaux. Le premier est déjà épuisé avec des résultats mitigés. Le deuxième a commencé en 2024 et aura cours jusqu’en 2033. Il est très important de travailler sur ce qui existe comme base légale, juridique, pour que l’on puisse aller de l’avant dans l’exécution des décisions qui sont prises et surtout faire en sorte que les programmes qui sont établis puissent être mis en œuvre pour le bienfait et les intérêts des peuples africains. Le défi principal qui se pose à l’Union africaine, c’est la performance et la capacité à délivrer les promesses, les décisions qui ont été prises et surtout de faire en sorte que l’Union africaine puisse vraiment être à la hauteur des attentes des peuples africains.

Comment ?
Il y a des pistes de réflexion. Personne n’a la science infuse. Il ne faut pas non plus prétendre être prophète chez soi. On est en Afrique, on connait les problèmes et leurs complexités, et on essaie de corriger les choses qui n’ont pas fonctionné comme on l’aurait souhaité. Des solutions existent. Par exemple lorsque l’on parle du financement de l’organisation, il y a une formule qui a été mise en place, qui est de 0,2% des valeurs des importations éligibles des États membres. Dix-sept États se conforment à cette mesure pour apporter leur contribution statutaire. Il faut que cela change. Pourquoi insister sur cette question du financement de l’organisation ? Parce que l’argent est le nerf de la guerre. Il est nécessaire pour les programmes de développement de l’Union africaine, qui sont financés à hauteur de près de 70% par les partenaires. Il faut que cela change.
Autre élément important. Aujourd’hui, nous voulons que les Nations-unies puissent prendre en charge le financement des missions de paix de l’Union africaine à hauteur de 75%. Il faudra trouver les 25% manquant. L’Union africaine a mis en place un fonds de la paix pour financer ses opérations, actuellement doté de 400 millions de dollar et alimenté par les contributions volontaires des États. Mais il faut que ces fonds puissent servir à financer les opérations de paix. L’argent ne peut pas rester simplement sur un compte et que nous continuions à demander le soutien des partenaires. Il y a un certain nombre de pistes de travail sue lesquelles je crois que l’on doit mettre l’accent. Il y a aussi un élément qui me semble très important, qui est la transparence de la gestion des finances de l’organisation. Si les États membres n’ont pas confiance dans la manière dont les ressources de l’organisation sont gérées, ils ne vont pas contribuer à hauteur de ce que l’organisation attend.
Le personnel aussi. Il me semble important d’avoir du personnel qualifié, compétent, qui puissent porter les responsabilités que l’on lui confie. Aujourd’hui, il y a un sérieux problème de réforme au niveau du staff de la Commission. Il est très important de se concentrer sur ces éléments pour avancer sur des solutions qui existent. Et on s’attaque aux problèmes le plus difficiles au fur et à mesure que l’on avance sur les autres.

Candidatures multiples
Le plus important est que les chefs d’États choisissent la personne, la mieux indiquée et la mieux outillée pour pouvoir mener la commission et répondre aux défis qui se présentent au continent. S’il y a une multitude de candidatures, je pense personnellement que c’est une bonne chose. Il y aura donc plus de choix, les chefs d’États pourront comparer les compétences, les profils, les expériences et pourront choisir la personnalité qui à leurs yeux conviendrait à cette étape que se trouve l’Union.
Un autre point important, qui fait suite au principe de rotation qui a été intégré dans les réformes récentes de 2017, c’est au tour de l’Afrique de l’Est de diriger l’institution. C’est la raison pour laquelle tous les candidats sont issus de cette région du continent. Je pense que trois candidats est un nombre raisonnable. Il ne faut que nous ayons des candidatures uniques, ou les chefs d’États n’auraient pas d’autre alternative que d’élire le seul candidat. Je pense que c’est une très bonne chose qu’il y ait une diversité de candidatures.
Je suis quelqu’un qui a travaillé plus de trois décennies dans la diplomatie multilatérale, cela fait vingt ans que je suis ministre des affaires étrangères. Je connais beaucoup de gens, j’ai un networking, un réseau très important et, autre élément que je veux souligner, aussi bien les dirigeants que les peuples autour du continent me connaissent. Cela fait vingt-cinq ans que je fréquente les arcanes de l’organisation, je les connais mieux que quiconque. Ça, c’est un premier avantage comparatif dont je peux être fier. Deuxième point, je me considère comme un pont, un pont culturel entre les régions du continent. Je suis arabophone, anglophone, francophone, je viens d’un pays carrefour entre l’Afrique, l’Asie, et l’Europe. J’estime que je réponds aux ambitions et aux attentes des différentes régions de notre continent. Et enfin, ce qui encore beaucoup plus important que tout le reste, c’est que je suis actif, dans le monde multilatéral, dans la diplomatie, et je n’ai pas arrêté de travailler. Je suis toujours dans la dynamique de résolution des problèmes, je suis dans la dynamique de ma disponibilité immédiate pour le continent, et je crois que les autres candidats ne peuvent pas se prévaloir des mêmes atouts. C’est la raison pour laquelle […] je crois que c’est le moment de le dire sans en rougir, je suis le candidat pour porter les ambitions de l’Afrique à partir de 2025.

La résolution des conflits, une priorité
Il y a ce que l’on appelle l’architecture de paix et de sécurité de l’Union africaine, tout le monde la connait. Cette stratégie a été mise en place par les chefs d’États africains pour pouvoir instaurer la paix et prévenir et résoudre les conflits. Ensuite pour pouvoir mettre en œuvre cette stratégies, les chefs d’États africain, à travers la charte constitutive de l’Union africaine ont créé des mécanismes tels que le conseil paix et de sécurité, le fonds de la paix, le comité des sages. Ces mécanismes pour mettre en œuvre cette stratégie pour la paix reposent sur des objectifs fléchés précis pour faire taire les armes. C’est le programme que l’on appelle « Faire taire les armes 2030 ». Il est donc très important de corriger certains dysfonctionnements dans les structures qui nous permettrons d’être beaucoup plus efficace.
Par exemple la prévention, et l’alerte rapide est un service qui n’est pas très fonctionnel. Il vaut mieux prévenir que guérir. Et donc le travail premier, en amont doit se faire au niveau de la prévention et de l’alerte rapide des crises avant qu’elles surviennent en Afrique.
L’autre axe de réflexion et de travail qui va constituer une de mes priorités dans la mise en œuvre de cette architecture paix et sécurité, c’est de rendre opérationnelles les forces en attente, qui sont prêtes sur le papier pour toutes les régions. Lorsqu’il y a une crise dans un pays on ne peut pas regarder les gens mourir par milliers, par millions, à l’exemple du Soudan. Il faut qu’il y ait le droit d’ingérence humanitaire et c’est d’abord aux Africains de le faire. Il faut que ces forces en attente puissent être rendues opérationnelles, et pour cela il faut des financements évidemment, l’argent est toujours au cœur de nos préoccupations. Il y a le fonds de la paix il y a aussi les contributions statutaires (0,2%) ; il faut que l’on travaille sur ces éléments. Pour la paix, moi, je vois ces deux structures extrêmement importantes qui doivent être rendues plus opérationnelles le plus rapidement possibles.

Aide américaine, question Palestine, CPI et Sud Global

« Oui, je crois que c’est un problème, même un problème avec un « P » majuscule. Si l’aide est nécessaire, cela revient à dire que nous avons été défaillants et que nous n’avons pas réussi à nourrir notre population. Deuxièmement, ce ne sont pas les aides alimentaires qui permettent aux pays de se développer. La sécurité alimentaire ne peut être subordonnée aux dons alimentaires reçus de l’extérieur. Cette aide perturbe l’économie nationale, elle ne peut être qu’une solution provisoire pour répondre à une calamité, une catastrophe climatique, un séisme, des inondations… Elle est indispensable lorsque les gouvernements font face à des situations d’urgences qu’elle peut soulager, mais elle ne peut pas être permanente. C’est ma position et celle de notre gouvernement. Cet arrêt de l’aide alimentaire de l’Usaid aidera les Africains in fine à se dépasser et à trouver des solutions africaines à nos défis de sécurité alimentaire ».

« Prenez la crise entre Israël et la Palestine. Comment les États-unis d’Amérique peuvent-ils prétendre être médiateur pour résoudre ce différend territorial qui a plus de soixante-dix ans et établir les conditions de coexistence pacifique entre ces deux peuples ? Comment peuvent-ils avoir cette outrecuidance ? Ils ont déjà pris position ! Ils donnent des armes et des bombes pour réduire en ruines toutes les habitations et infrastructures existantes, rendre les lieux inhabitables pour des décennies, des civils impunément ciblés sont massacrés par dizaines de milliers et comme si cela ne suffisait pas, ils proclament qu’ils envisagent de déplacer de Gaza deux millions de personnes pour les installer ailleurs que sur leur terre. »

« Qu’est-ce que l’on appelle le droit international ? Le droit international a été mis en place avec ses mécanismes et ses institutions judicaires, Cour internationale de justice, Cour pénale, etc. Elles ont été mises en place pour préserver la paix après la Seconde Guerre mondiale, comme beaucoup d’autres institutions sur le même modèle qui agissent au niveau régional, ou encore continental, afin de créer à travers le monde une situation d’apaisement. Et le cas échéant, juger des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre, génocide, épuration ethnique… Le crime de génocide au Rwanda a été parfaitement établie par ces institutions judiciaires internationales. Si ces institutions ne fonctionnent plus, c’est la justice internationale qui va en pâtir et créera à travers le monde une situation d’instabilité. On ne peut pas ne pas le comprendre. Ces institutions internationales ont été créées pour préserver la paix. Si on commence à les fouler aux pieds et à les déconsidérer, voire même à sanctionner les juges de la CPI parce qu’ils auraient lancé un mandat d’arrêt contre X ou Y, on est en train de mettre la paix mondiale en jeu. C’est un constat que l’on ne peut pas prendre à la légère. Deuxièmement, je dois rappeler que pendant longtemps on a assimilé la CPI à un tribunal pour responsables politiques africains, je crois que ce n’est plus le cas. Les dirigeants de petits pays influents, de grands pays, se voient aussi poursuivis pour des crimes qu’ils auraient été présumés coupables, d’autres sont mêmes mis aux arrêts, je pense notamment à Slobodan Milošević. Ce qu’il faut retenir, c’est que le CPI est une institution internationale importante pour la paix dans le monde. Elle est nécessaire, elle doit être consolidée, ses décisions judiciaires ne doivent pas être entachées par des considérations politiques, c’est ça qui est important. Certains pays ne sont pas signataires de ce traité, pour autant cela ne limite pas le travail de l’institution et particulièrement de ces juges, qui examinent des crimes. Peu importe que votre État en soit membre ou pas, ceux qui sont présumés coupables seront poursuivis et jugés sur leurs actes. Cette institution joue son rôle, elle doit continuer à œuvrer. »

« J’ai une position sur cette question en tant que candidat à la présidence de la Commission africaine. La place de l’Afrique se trouve dans le Sud global. Vous voyez nous sommes dans un monde qui est en train de se polariser et cette polarisation a des noms : Brics, OTAN, Union européenne, Indopacifique, etc. Je pense que le Sud global doit s’organiser et défendre ses intérêts à l’instar des autres entités qui se mettent sur le même rang. L’Afrique, dans l’immédiat, ne peut pas se positionner toute seule par rapport à ces grands groupes d’influence dans le monde. On parle de l’Indopacifique, c’est une forme de polarisation. L’indopacifique, c’est les Occidentaux avec un certain nombre de pays d’Asie pour contrer l’influence chinoise. L’OTAN, c’est défendre l’Europe et les États-unis si jamais un des pays de cette composante était attaqué. Et dans toutes ces compositions, où se trouve l’Afrique ? Nous n’avons pas toutes les capacités pour nous positionner seuls face à ce monde multipolaire. En attente de pouvoir nous tenir debout seuls et faire face à ces nouveaux dangers qui nous guettent, prenons toute notre place aux côtés du Sud global, aux côtés des Brics. Voilà la position que je défendrais si je suis élu. »


 
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