Human Village - information autrement
 
La nouvelle stratégie de développement
par Mahdi A., décembre 2008 (Human Village 3-4).
 

Ces quatre dernières années, on a souvent parlé de boom économique, de renforcement de la position de Djibouti comme plateforme de transit, de l’augmentation sensible des flux d’investissements directs étrangers dans l’économie nationale, mais cette croissance, peu créatrice d’emplois n’a que peu profité à nos populations les plus démunies.
Pour que l’on puisse parle de développement durable et intégré, les richesses engrangées au niveau national doivent profiter d’une manière équilibrée à toutes les couches de la population. Or à Djibouti nous assistons malheureusement à une marche vers le développement à deux vitesses.

Ainsi les chiffres sur l’emploi révèlent, par exemple, une véritable crise du marché du travail, avec un taux de chômage de 59,5% de la population active, en forte croissance par rapport à son niveau de 1996 (44,1%). Pire, ce chômage concerne d’abord les jeunes de moins de 30 ans (76,1%), qui représentent 60,5% de l’ensemble des chômeurs, la pauvreté en République de Djibouti atteint des seuils jamais égalés à ce jour, les chiffres parlent d’eux-mêmes : un salarié supporte en moyenne 3,2 individus inactifs de 15 ans et plus.
Ces données alarmistes révèlent indéniablement le caractère structurel du phénomène et montrent à l’évidence que le chômage constitue toujours et de loin, le plus grave problème économique et social de la République de Djibouti.
Les causes du chômage sont nombreuses et diverses, notamment l’insuffisance de l’activité économique, le cout élève du travail, ou bien encore la faiblesse de notre capital humain qui limite les possibilités d’exploitation des opportunités qu’offre l’économie, et pour finir les flux migratoires, l’influence démographique, l’adéquation emploi et formation.
Cette situation ne pouvait perdurer davantage. Partant de ce constat alarmant, il a été initié dans le cadre d’une stratégique globale, incarnée par un plan d’action rigoureux, l’initiative nationale pour le développement social (INDS). L’action gouvernementale serait marquée dorénavant dans chacun de ses actes du sceau de la solidarité.
Cet ambitieux projet sociétal initié en janvier 2007 par le chef de l’État se veut avant tout une réponse d’envergue, mais également multisectorielle, notamment pour ce qui touche aux secteurs sociaux comme le développement rural, la santé, l’éducation et la mise à niveau des ressources humaines. Un plan de développement se devait d’être posé, une sorte de tableau de bord, avec une vision globale. L’INDS en serait le poumon, l’Agence djiboutienne pour le développement social, le bras armé.
Une route à suivre est dorénavant tracée, avec quatre objectifs majeurs qui seront poursuivis et dont les délais d’exécution sont fixés conformément à un calendrier arrêté. L’accent sera mis plus particulièrement au profit des régions et des catégories les plus démunies de la population.
Ce programme se veut très volontariste, dans un premier temps il s’agit d’œuvrer pour accélérer la croissance et préserver les grands équilibres macro économiques. Il est essentiel avant tout de combler le déficit social criant, d’enrayer par là même le phénomène de marginalisation d’une frange de la population qui s’est vue trop souvent exclue de la croissance économique, et ce notamment en élargissant l’accès des plus démunis aux infrastructure et aux services sociaux de base dans les secteurs de la santé, de l’enseignement, notamment par l’alphabétisation, l’accès à l’eau et un habitat décent.
Cette initiative vise en second lieu à promouvoir la création d’activités génératrices d’emplois et de revenus stables et à assurer la restructuration du secteur informel, dont les activités représentent une fraction importante de l’économie nationale. La création récente de deux caisses, la caisse d’épargne et la caisse populaire, sont la meilleure illustration de cette volonté gouvernementale d’agir sans plus attendre. Ces caisses auront pour principale tâche d’appuyer la création d’emplois notamment à travers une intensification de l’accès au micro crédit, en soutenant ainsi les initiatives personnelles.
L’INDS se veut, en troisième lieu, comme un moyen d’action pour aider les enfants qui sont confrontés à des conditions de vie difficiles, ou qui vivent dans des espaces marqués par la précarité et l’exclusion sociale.
Et enfin, en dernier lieu à ancrer les principes de bonne gouvernance au sein des différents services de l’État, car seules ces valeurs peuvent assurer une véritable efficacité aux aides et rendre pérennes les différents moyens mis en place pour hisser notre pays sur la marche du développement.
Il ne fait pas de doute que ce programme répond à un besoins urgent, pour ne pas dire une nécessité si l’on souhaite à moyen terme sortir le pays de la pauvreté. De plus, ce projet s’inscrit pleinement dans les engagements pris par notre gouvernement pour atteindre les objectifs du millénaire pour le développement. On ne peut que saluer cette initiative gouvernementale, mais on est en droit de poser légitimement la question du coût de ce vaste plan de développement !

On peut s’interroger sur la manière dont le gouvernement compte mobiliser les ressources nécessaires à la bonne exécution de ce programme gigantesque ? Les ressources nationales sont évidement insuffisantes, le gouvernement devra nécessairement s’appuyer sur la communauté internationale.
Un autre élément ne doit pas être ignoré. L’INDS a été posée, conçue, dans un contexte où le monde de la finance disposait d’une surliquidité, dans un contexte de forte croissance économique mondiale, celle bien entendu de l’avant crise que nous connaissons actuellement. Le constat est simple : à ce jour notre pays enregistre pour la première fois des taux de croissance positifs consécutifs. Notre paysage économique est rayonnant et l’espoir de lendemain qui chante est né. Nous avons le vent en poupe, incontestablement.
Mais aujourd’hui la donne a changé, le monde est confronté à sa plus grave crise depuis celle de 1929 ! L’économie mondiale est profondément affectée par la crise et le spectre de la récession est là ! Les gouvernements occidentaux s’évertuent à lancer les uns après les autres des plans de relance afin de soutenir les fondamentaux de leur économie. Les marchés les plus florissants, comme celui de l’immobilier de Dubaï, commencent à leur tour à être impactés par les effets négatifs de la crise. Il flotte une certaine incertitude quant à l’avenir économique mondial.
On peut d’ores et déjà affirmer qu’il sera bien difficile, pour ne pas dire impossible, aux gouvernements occidentaux de respecter leurs engagements concernant le montant de l’enveloppe qu’ils consacrent à l’aide au développement.
Mais comment le pourraient-ils d’ailleurs ? Un grand nombre d’entre eux sont proches ou sont déjà en récession. Sans être alarmiste, ni défaitiste, voire « tire au flanc », nos ambitions quant à la réalisation de l’INDS, devraient être revues à l’aune de la conjoncture économique mondiale. Il est fort à craindre que dorénavant la mobilisation des ressources financières sera plus délicate pour notre pays, à l’instar des PVD. Ne pas le reconnaitre serait une gageure impardonnable.
Une table ronde des principaux bailleurs est prévue en mars 2009 à Paris pour soutenir l’INDS. Il ne fait plus de doute qu’une hiérarchisation des priorités devra être d’ici là élaboré : le projet initial devra nécessairement être revisité.
Nous nous sommes également interrogés au sujet de la crise et de la manière dont elle pourrait nous affecte directement, puisque notre économie est globale, liée et interconnectée. Dans une période où l’on parle d’un ralentissement de la croissance économique mondiale, où des usines ferment en Chine à un rythme inquiétant, cela pourrait avoir des répercussions sur le volume du fret maritime en circulation ! Avec un petit sourire, le directeur du financement extérieur, Monsieur Almis Mohamed Abdillahi, à tenu à nous rassurer :
« Permettez moi tout d’abord de vous éclairer pour ce qui est du cycle de financement de l’ADDS : il est bouclé à 90%, je voudrais vous enlever toutes vos inquiétude à ce sujet ! En ce qui concerne vos craintes quant à la solidité de notre économie, je peux d’ores et déjà vous annoncer que Djibouti est en train de réussir son pari. Le contexte actuel conforte même la justesse des choix de développement que nous avons opérés. Notre marché cible, c’est l’hinterland régional, celui de la COMESA, ne vous trompez pas. Plus largement notre ambition est de nous positionner comme un acteur incontournable du transbordement régional : un secteur porteur et un peu exploité par le passé. Aujourd’hui nous avons corrigé le tir, à tel point que le port de Doraleh qui sera inauguré le 15 décembre 2008 risque d’être rapidement congestionné après sa mise en activité. Pour tout vous dire, nous pensons débuter au plus tôt la seconde phase d’agrandissement du port de Doraleh ! Notre économie repose sur des fondamentaux solides, la crise mondiale n’aura qu’une portée limitée sur notre économie. Je crois réellement que nous empruntons la voie de la modernité et de façon pérenne.
Il suffit à l’observateur attentif de regarder les acquis de ces dernières années pour mesurer le chemin parcouru et l’ampleur des progrès accomplis. Toutefois pour en arriver là, des actions d’importance sur le plan de la réforme des structure a permis de créer les conditions de cette croissance soutenue. Il serait long de dresser la liste de l’ensemble des incitatives prises, dont notamment certaines commencent à donner leurs fruits. Quelques exemples suffiront :
La réalisation d’infrastructures portuaires et routières, sans lesquelles la croissance serait un vain mot, est méthodiquement menée : la route Obock-Tadjourah, la route Nationale 1 en rénovation sur 40km, bientôt la route de Loyada, le nouveau port conteneurs, le port pétrolier, le terminal vraquier, Djibouti Télécom… Les retombées sont là, les investissements directs étrangers (IDE) vers Djibouti, en constante augmentation depuis 2002, illustrent parfaitement l’attractivité de notre pays, ils représentaient 44% de notre PIB en 2007.
Les esprits chagrins pourront trouver que cela ne va pas assez vite ni n’assure des résultats durables sur le long terme. Néanmoins à un moment ou un autre il faut admettre les faits pour ce qu’ils sont, et en dépit de l’ampleur des difficultés et d’un contexte mondial perturbé, le constat est là : Djibouti, pays en mouvement, avance posément et surement dans la bonne direction. »

Mahdi A.

 
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