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Leçons de l’élection présidentielle sénégalaise
par Bullo Qareen, mars 2024 (Human Village 50).
 

Le Sénégal vient d’élire son cinquième président. L’élu en question, Bassirou Diomaye Faye, n’a que 44 ans et vient tout juste de sortir de prison où il est resté pendant un an pour sa politique antisystème. Accusé d’outrage à magistrat et de diffamation envers un corps constitutionnel après un post publié sur les réseaux sociaux où il dénonçait l’injustice subie par son ami, le candidat Sonko ; le président Faye est ce qu’on peut appeler une prophétie sénégalaise.Quelles leçons donc tirées de son élection et de cette démocratie made in Sénégal ?

Un peu d’histoire...pour commencer
Le Sénégal, anciennement colonisé par la France, est un pays d’Afrique de l’Ouest frontalier avec la Mauritanie, le Mali et la Guinée, pour ne citer que ceux là… Il compte une population de plus de 18 millions d’habitants (estimation de 2023), avec un taux de chômage estimé à 24% au quatrième trimestre de 2021. Dirigé pendant plus d’une décennie par Macky Sall, le pays a fait face à une instabilité politique sans précédent, due entre autres au décret de ce dernier qui reportait l’élection présidentielle, décret-alibi pour museler en bonne et due forme les velléités électorales de son principal et farouche adversaire Sonko.
Outre son passé colonial, le Sénégal, c’est aussi l’île de Gorée, l’un des fiefs de la traite négrière, un passé apocalyptique que le Sénégal semble avoir dépassé. Toutes ces tragédies prédisaient un avenir sombre au Sénégal, qui passe auprès des chancelleries occidentales pour un pays difficile à développer et qui peine à répondre aux besoins en emploi, en éducation, en santé et en logement de sa population de plus en plus croissante.

De cette élection, nous pouvons retenir trois grandes leçons
A. L’émergence d’un leadership politique décolonial
Le PASTEF-Les patriotes, parti des leaders politiques Osmane Sonko et Faye, a conquis le Sénégal mais aussi une large partie de la jeunesse africaine grâce à son approche décoloniale du pouvoir, basée sur une African pride affichée dans tous les domaines. Des habits portés au patriotisme politique en passant par les discours souverainistes qui dénoncent sans aucune peur les rouages du colonialisme franco-européen, l’heure est à la souveraineté africaine. C’est d’ailleurs l’un des points-phares de son programme électoral « la réappropriation de la souveraineté nationale, la rupture du système politique et économique actuel avec la création d’une monnaie pour remplacer le CFA, hérité de la colonisation ».
2. La naissance d’une démocratie made in Sénégal
Contrairement à une pratique traditionnelle du pouvoir en Afrique, qui favorise les longs couteaux et toutes les autres formes de trahison, le tour de maître qu’a joué Sonko prouve que l’Afrique est mature et peut se prendre en charge. Quand on se rappelle les raisons de la mort de Sankara, tué par son proche compagnon de lutte, on ne peut que se réjouir de la rupture qu’a consenti le leader Sonko en passant la main à son compagnon Faye. Par ce geste plein de symbolisme, nous avons la concrétisation du vœu de Lumumba, de Sankara et de N’krumah de voir un jour une Afrique unie, démocratique et anticoloniale.
3. On ne naît pas président, on le devient
De l’Est à l’Ouest, l’Afrique est paralysée par des sexagénaires en manque de perspectives qui confisquent la voix du peuple lors des votes, musèlent les libertés fondamentales une fois investis, et font deleur règne une propriété privée qu’ils ne concèdent qu’à leurs familles et autres sbires de leurs choix. En se retirant de la course électorale, en reconnaissant sa défaite, et en propulsant le numéro 2, Macky Sall, Amadou Bia et Osman Sonko démontrent à qui veut le voir que le pouvoir n’est pas éternel, que la réussite politique réside dans le sauvetage de la nation et que l’Afrique n’est pas condamnée à la régression politique. Encore une fois, nous avons ici affaire à une nouvelle tendance politique, celle de l’unité nationale dans la diversité des opinions.

À l’heure où l’Afrique de l’Est fait face à des conflits inter-ethniques sans fin, où l’Éthiopie s’apprête à coloniser son voisin somalien par le vol d’une partie de ses eaux maritimes, où à Djibouti, on malmène les opposants politiques et les militants des droits humains (le refus de renouvellement du passeport du raddiste Abdourahman Tx, l’emprisonnement de AAC sous des motifs fallacieux et la confiscation de mes enfants au motif que je ne suis pas trop copine avec l’inamovible UMP et que j’incarne la génération Non-Non), le Sénégal, lui, fraie un nouveau chemin pour son peuple et devient le porte-étendard de cette nouvelle Afrique que nous attendions tous.
Bravo au peuple sénégalais et félicitations à son président, monsieur Faye. Puisse l’âme de l’Afrique, de nos traditions et de nos aînés guider vos pas.

Bullo Qareen Rooble Dheere

Texte publié sur Facebook.

 
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