Au commencement est le verbe. Le 29 novembre 2022, je vous ai informés de ma participation à un congrès de l’Internationale socialiste qui s’est tenu du 25 au 27 du même mois à Madrid, en Espagne. Je vous ai fait part de mon intervention au cours de ce congrès, intervention en cours de publication. C’était samedi 26 novembre. Dans mon dernier post du 6 décembre, j’ai fait mention d’une publication reportée suite au décès de notre camarade de valeur Awo Hared Guelleh.
Je vous livre aujourd’hui cette publication. Il s’agit de vous annoncer mon retour à Djibouti, notre pays bien-aimé. Je le fais à la fin de ce mois de décembre 2022.
Bien entendu, rentrer dans son pays est en soi quelque chose de tout à fait ordinaire et ne mérite point d’annonce particulière. Mais pour nous autres résistants, le contexte politique qui prévaut dans le pays, rend ce geste moins commun : les détenteurs du pouvoir le regardent avec suspicion et réagissent en conséquence.
Dans ces conditions, ce n’est pas un retour sans risques pour ma personne mais cela ne le rend pas moins désirable. Oui, je veux retrouver les nôtres, être encore au milieu d’eux. Je veux les revoir, les sentir à nouveau, les retoucher. Je veux encore les écouter, leur parler, m’associer à leurs souffrances. Ces souffrances que je ressens au plus profond de moi parce que miennes, parce que nôtres. Nous avons besoin d’interroger encore notre passé pour mieux éclairer ce présent pénible et envisager un avenir digne de nous. L’avenir de tous et de tout un chacun, car l’individuel et le collectif sont indissociables. La personne ne peut être sans la patrie.
A nos compatriotes qui concentrent le pouvoir d’État en leurs mains et ne voient que menaces en nous autres résistants, je répète que nous sommes une chance pour le pays et tous ses enfants, eux inclus. En quoi sommes-nous une chance ? En ce que nous avons l’avantage de la distance et de la lucidité, car nous n’avons pas la tête dans tel guidon et que notre vision échappe aux effets inhérents. Ni grisés par le pouvoir, ni usés par lui, nous avons la vue dégagée, l’esprit clair et la volonté constructive.
Alors, sans suffisance ni faux semblant, que voyons-nous de notre position détachée ? Nous voyons le bateau Djibouti s’enfoncer dans les difficultés. Nous voyons les membres de l’équipage perdre son contrôle. Nous voyons la détresse des passagers, c’est-à-dire tous les autres Djiboutiens. Nous voyons la peur plus que jamais à l’œuvre chez les uns et les autres. Nous voyons que cela mène au naufrage collectif.
Pour mieux vous en convaincre, prenez le temps d’un regard attentif. Observez l’état des choses et des êtres dans nos rues, nos quartiers, nos villes, nos villages, notre campagne. Regardez le Nord, le Sud, l’Ouest et l’Est. Regardez nos corps qui expriment ce que nous éprouvons. Regardez les ondes négatives qui parcourent le peuple et le pays. Cela vous dit quelque chose de ce qui se passera en l’absence de réaction collective.
Il va de soi qu’un sursaut national s’impose, éclairé par les leçons du passé. Oui, nous pouvons nous sauver par nous-mêmes. A la peur, opposons un effort de confiance en nous et un autre de fraternité fédératrice. Réactivons avec résolution nos ressources intérieures positives. Nous le pouvons. Nous le devons. Pour nous tous.
Ne te résigne pas Djibouti. Djibouti Maabaïn. La taqnad Jabuuti. Ha Jabin Jabuutay.
Daher Ahmed Farah
Texte publié sur FaceBook.