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L’évolution de la finance islamique à Djibouti
par Mohamed Abayazid Houmed, mars 2022 .
 
Maître Mohamed Abayazid

La finance islamique a fait ses premiers pas à Djibouti en 2006 avec la création de la première banque islamique, Saba Islamic Bank (rebaptisée Saba African Bank en 2018), adossée à des capitaux yéménites. Bien qu’à l’époque aucune disposition légale n’autorise les transactions financières islamiques, la Banque centrale de Djibouti (BDC) avait toléré l’ouverture de cette banque dont les activités restaient régies par la réglementation bancaire de l’époque conçue pour les banques conventionnelles.
L’installation de Saba African Bank a été suivie par trois autres qui ont été agréées par la Banque centrale de Djibouti respectivement en 2008 pour Salaam Islamic Bank – capitaux somaliens et djiboutien –, en 2009 pour Dahabshiil Bank International - devenue East African Bank en 2015 –, et en 2010 pour Shoura Bank, détenue par des investisseurs égyptiens, qui a cessé ses activités en 2016.

Les banques islamiques, actuellement au nombre de trois sur douze banques en activité, ont su s’adapter, gagner des parts de marché et voir leurs activités se développer rapidement.
Cet engouement pour la finance islamique a attiré l’attention du gouvernement djiboutien, qui a adopté en 2011 un cadre réglementaire et institutionnel spécifique à la finance islamique.
Ce cadre réglementaire est constitué par la loi portant création des banques islamiques (Loi n°116/AN/11/6ème L du 22 janvier 2011), complétée par des Instructions, et la Loi n°119/ AN/11/ 6ème L relative à la constitution et au contrôle des établissements de crédit et des auxiliaires financiers.

Les comptes de dépôt et les comptes d’investissement sont traités directement par les dispositions de la loi de janvier 2011. Les produits de financement que ces banques peuvent réaliser sont précisés dans les instructions établies par la Banque centrale de Djibouti qui constituent le cadre réglementaire des opérations financières réalisées par les banques islamiques à Djibouti.
Depuis 2011, l’autorité de régulation (Banque centrale de Djibouti) n’a cessé d’œuvrer pour éviter la marginalisation de la finance islamique en adoptant ses propres normes en adéquation avec les standards internationaux (corpus légal et réglementaire, systèmes prudentiels, comité charia, etc.) qui lui permettent d’évoluer sous les meilleurs auspices.
La mise en place d’un cadre réglementaire et institutionnel spécifique à la finance islamique a permis d’élargir la gamme des produits et services bancaires et de contribuer à une meilleure bancarisation de l’économie djiboutienne. Après plus d’une décennie de présence sur le marché djiboutien, les banques islamiques ont un impact significatif sur l’économie locale en développant des produits de financement adaptés et répondant aux besoins de la majorité de la société, et en contribuant efficacement au soutien du secteur local des petites et moyennes entreprises.
Djibouti étant un pays à 99% musulman, les Djiboutiens préfèrent les banques islamiques et les institutions financières qui offrent leurs services conformément à la charia, ce qui permet de lutter contre la pauvreté et d’améliorer le niveau de revenu des couches les plus défavorisées de la société. De nombreuses personnes ne veulent pas utiliser les banques conventionnelles pour des raisons religieuses.

L’expansion de la finance islamique à Djibouti a également incité les banques commerciales classiques à explorer ce segment comme une nouvelle voie de croissance. En 2011, la banque centrale a autorisé cette possibilité en renforçant la réglementation de la finance islamique.
Il est prévu à l’article 8 de l’instruction n°2012 du 5 novembre 2012, relative aux conditions d’établissement des banques islamiques, que toute banque conventionnelle souhaitant ouvrir une branche de finance islamique devra séparer ses actifs, ses opérations et sa gestion des opérations bancaires ordinaires. Le capital minimum de ces succursales bancaires islamiques au sein des banques commerciales a été fixé à 300 millions de DJF.
L’une des plus anciennes banques conventionnelles de la zone a annoncé en 2016 son intention d’ouvrir une succursale bancaire islamique. Selon la Banque centrale de Djibouti, la documentation nécessaire a été soumise en 2016 et cette branche de finance islamique devrait être mise en place et commencer ses opérations.

Cependant, les pratiques bancaires islamiques à Djibouti ont un impact limité sur de nombreux domaines financiers comme la microfinance et l’assurance islamique. La microfinance islamique représente moins de 1% des actifs totaux du secteur. Même s’il existe une loi – n° 161/AN/12/6e L du 9 juin 2012 relative au takāful –, sa portée reste limitée à ce jour. La première société takaful a été créée en 2020, huit ans après l’adoption de la loi précitée.
Il n’existe pas non plus de marché ou de cadre juridique pour les sukūk. Cependant, le gouvernement de Djibouti a exprimé son intérêt envers le sukūk pour financer des projets d’infrastructure. Le gouvernement de Djibouti travaille à un cadre juridique régissant les sukūk avec l’aide de la Banque islamique de développement (BID).

En tout état de cause, Djibouti a réalisé, depuis la création d’un cadre réglementaire en 2011, des avancées majeures dans le développement de la finance islamique qui ont eu un impact économique et social.
Djibouti dispose de solides atouts et d’un formidable potentiel en matière de finance islamique. Elle souhaite tirer parti de ses atouts pour jouer un rôle de premier plan dans la finance islamique en Afrique.

Mohamed Abayazid

 
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